Cour d’appel de Paris, le 26 juin 2025, n°24/04268

Cour d’appel de Paris, 26 juin 2025. Un litige relatif à des créances salariales, des heures supplémentaires, des congés payés et une indemnité de licenciement, consécutif à une liquidation judiciaire, a conduit l’organisme de garantie à former tierce opposition contre une ordonnance de référé. L’arrêt confirme pour l’essentiel la décision de départage, ajuste le quantum du rappel de salaires pour 2019-2020, et précise la portée de la garantie et des intérêts.

La salariée a été engagée en 2017, puis licenciée pour motif économique le 31 janvier 2021. Une ordonnance de référé du Conseil de prud’hommes de Longjumeau, 24 juin 2022, avait alloué des sommes importantes. Après l’ouverture d’une liquidation judiciaire le 20 février 2023, l’organisme de garantie a formé tierce opposition le 23 octobre 2023. En formation de départage, le Conseil de prud’hommes de Longjumeau, 28 juin 2024, a déclaré la tierce opposition recevable, rétracté l’opposabilité de l’ordonnance de 2022 à l’organisme, statué à nouveau sur les créances et déclaré la décision opposable à la garantie.

L’appelant demandait l’incompétence du juge des référés, la réduction des rappels de salaires, le rejet des heures supplémentaires et des congés payés, ainsi que la stricte limitation de sa garantie. L’intimée sollicitait la confirmation intégrale, l’allocation d’une somme au titre des frais irrépétibles et les dépens.

La question posée tenait d’abord à la compétence de la formation des référés pour connaître d’une tierce opposition lorsque le litige initial a été jugé par cette formation, puis à l’étendue temporelle des créances salariales au regard de la prescription. S’y ajoutaient la preuve des heures supplémentaires, l’indemnisation des congés payés, la confirmation de l’indemnité de rupture, la portée de la garantie légale et le sort des intérêts et dépens. La cour retient, au visa de l’article 587 du code de procédure civile, que « la tierce opposition a titre principal est portée devant la juridiction dont émane le jugement attaqué » et juge que « La compétence de la formation des référés est ainsi établie. » Elle confirme l’irrecevabilité des demandes antérieures à janvier 2019, ajuste le rappel de salaires nets à 23.875,63 euros pour 2019-2020, confirme 11.313 euros nets au titre des heures supplémentaires de mars à décembre 2019, valide l’indemnité compensatrice de congés payés et l’indemnité de licenciement, et précise que « Les intérêts, légaux ou conventionnels, sont arrêtés au jour du jugement déclaratif. »

I) Délimitation du contentieux et cadre temporel des créances

A) Compétence du juge des référés saisi d’une tierce opposition
L’appelant soutenait que les litiges nés de la procédure collective devaient être portés directement devant le bureau de jugement, en invoquant les articles L. 625-4 et L. 625-5 du code de commerce. La cour retient la spécificité procédurale de la tierce opposition, laquelle s’attache au jugement attaqué et non à l’objet substantiel du litige. Elle souligne, au visa de l’article 587 du code de procédure civile, que « la tierce opposition a titre principal est portée devant la juridiction dont émane le jugement attaqué ». La solution s’impose d’autant plus que le litige était déjà pendant devant la formation des référés, et que l’organisme connaissait le cadre procédural au moment de son recours. La conclusion s’énonce sans détour: « La compétence de la formation des référés est ainsi établie. »

Cette solution confirme une lecture organique et fonctionnelle de la tierce opposition, conçue comme voie de rétractation asymétrique, et non comme un nouveau procès autonome. Elle assure la cohérence du contentieux en évitant la disjonction des voies et le risque de contrariété de décisions, ce qui renforce l’efficacité de la protection des créances salariales dans le contexte collectif.

B) Prescription triennale et borne temporelle des demandes
La cour articule le premier et le second alinéa de l’article L. 3245-1 du code du travail, qu’elle cite expressément: « Aux termes de l’article L3245-1du code du travail, “l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par 3 ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail a été rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.” » Elle constate l’existence d’une reconnaissance de dette datée du 11 janvier 2022, mais rappelle que chaque créance salariale se prescrit à compter de son exigibilité, et que la demande de 2022 ne saurait rouvrir les périodes antérieures à 2019. La formule liminaire de confirmation est nette: « L’ordonnance est confirmée de ce chef. »

La solution, conforme à une approche distributive des échéances salariales, distingue l’interruption de la prescription et l’étendue de la demande. Elle maintient une sécurité juridique utile, tout en réservant la portée du second alinéa aux hypothèses où la rupture permet d’agréger trois années précédant la date de termination sans effacer la chronologie d’exigibilité.

II) Preuve des créances, ajustement des montants et portée des garanties

A) Salaires et heures supplémentaires: méthode probatoire et chiffrage
S’agissant des heures supplémentaires, la cour rappelle le cadre légal probatoire: « Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. » Elle précise encore: « Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis […] ». La reconnaissance par l’employeur du volume d’heures sur la période considérée constitue un élément préalable suffisant. Faute d’éléments contraires, la cour retient la demande telle qu’admise en première instance et affirme: « Des lors, l’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a fait droit à 1a demande de paiement des heures supplémentaires […] correspondant à la somme de 11.313 euros nets. »

Sur les salaires 2019-2020, la cour confronte bulletins et relevés bancaires et affine le montant dû. Elle tranche en ces termes: « Il convient en conséquence de lui allouer la somme totale de 23.875,63 euros nets à titre de rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2020. » La démarche illustre une appréciation souveraine du quantum, guidée par des pièces concordantes, et réaffirme la distinction entre justification de la créance et ajustement arithmétique du montant net.

B) Congés payés, indemnité de licenciement, garantie et intérêts
La cour réaffirme la charge de l’employeur d’assurer l’effectivité du droit à congé, jusque sous régime d’activité partielle. La référence est explicite: « Par ailleurs, même l’activité partielle donne lieu à des congés payés. » À défaut de preuve de diligences, l’indemnité compensatrice s’impose et la cour statue: « En conséquence, l’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a admis une indemnité compensatrice de congés payés à hauteur de la somme de 6.492,63 euros. » L’indemnité de licenciement, corroborée par les pièces de rupture, est également confirmée à son montant.

La décision rappelle enfin les bornes de la garantie légale et le régime des intérêts en procédure collective. La formule adoptée est précise: « Les intérêts, légaux ou conventionnels, sont arrêtés au jour du jugement déclaratif, et ne peuvent courir postérieurement à celui-ci, en application de l’article 621.48 du code de commerce. » Quant aux dépens, l’équilibre procédural prévaut: « Il convient, au regard des circonstances de l’espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les dépens qu’elles ont exposé. » L’économie générale de l’arrêt conjugue ainsi protection des créances du travail et rigueur des cadres procéduraux et financiers, dans la stricte limite des textes applicables.

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Hassan KOHEN
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