Cour d’appel de Paris, le 27 juin 2025, n°22/01915

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Rendue par la Cour d’appel de Paris le 27 juin 2025, l’espèce concerne l’assujettissement à la cotisation subsidiaire maladie due au titre de l’année 2017 par une résidente stable et régulière en France, dépourvue de revenus professionnels mais percevant d’importants revenus du patrimoine. L’organisme de recouvrement avait émis un appel de cotisation fin 2018, suivi d’une mise en demeure en 2019. Le tribunal judiciaire a validé l’ensemble des actes et débouté la cotisante. L’appel critique notamment la portée de la réserve constitutionnelle de 2018, l’exigence d’une décision préalable d’affiliation, la conventionnalité du dispositif, la rétroactivité alléguée, la régularité du traitement des données, la compétence territoriale issue d’une délégation et la validité de la mise en demeure.

La cour écarte chaque moyen. Sur la réserve d’interprétation, elle constate l’absence d’atteinte caractérisée à l’égalité devant les charges publiques. Elle juge automatique l’affiliation dès que les conditions légales sont réunies, sans décision préalable. Elle valide la proportionnalité du mécanisme au regard de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle refuse toute rétroactivité fautive des textes d’application. Elle admet la régularité du traitement des données au regard du cadre législatif et réglementaire applicable et de l’exception d’information. Elle confirme la compétence de l’organisme délégataire et la régularité formelle de la mise en demeure. La question de droit tient donc à la conciliation entre réserve constitutionnelle, contrôle de conventionnalité et exigences procédurales, dans un contentieux de recouvrement massifié où la séparation des ordres impose un strict partage des rôles.

I. Portée de la réserve constitutionnelle et office du juge

A. La confirmation de la validité réglementaire sous l’empire de la réserve constitutionnelle

La réserve constitutionnelle admet l’absence de plafonnement, sous contrôle des modalités réglementaires. Le texte le dit sans détour: « la seule absence de plafonnement d’une cotisation dont les modalités de détermination de l’assiette ainsi que le taux sont fixés par voie réglementaire n’est pas, en elle-même, constitutive d’une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques. Toutefois, il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce taux et ces modalités de façon à ce que la cotisation n’entraîne pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques. » (Cons. const., 27 sept. 2018, n° 2018-735 QPC, § 19). La cour se place dans ce sillage, et s’appuie sur l’examen approfondi du juge administratif des paramètres fixés en 2016.

Le juge administratif a tranché en ce sens. Il a jugé « qu’en fixant, dans le cadre déterminé par les dispositions de l’article L. 380-2 précité, le seuil de revenus professionnels […] à 10% du plafond annuel de la sécurité sociale […], le montant des revenus du patrimoine […] au-delà duquel s’applique le prélèvement, à 25% de ce même plafond […] et le taux de la cotisation en cause à 8%, le pouvoir réglementaire a défini les modalités de calcul de cette cotisation dans des conditions qui n’entraînent pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques. » (CE, 29 juill. 2020, n° 430326). La cour se conforme à cette grille d’analyse et écarte toute illégalité manifeste des articles réglementaires applicables au litige.

B. La délimitation de l’office du juge judiciaire au regard de la séparation des autorités

La contestation de la légalité d’un acte réglementaire appelle le juge naturel de la puissance publique. La règle de méthode est connue: « il suit de là que si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d’un acte administratif, les tribunaux de l’ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer […] il en va autrement lorsqu’il apparaît manifestement, au vu d’une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal » (Trib. confl., 17 oct. 2011). En présence d’une jurisprudence établie validant les modalités, le juge judiciaire n’écarte pas, de lui-même, la norme réglementaire.

Cette restriction s’articule avec le contrôle concret exercé au filtre conventionnel. La cour assure l’unité de la solution en distinguant légalité abstraite et proportionnalité au cas d’espèce, afin de circonscrire l’office sans dénaturer la séparation des compétences.

II. Proportionnalité européenne et garanties procédurales

A. L’absence de discrimination et la proportionnalité au regard de la Convention européenne

La différence de traitement instituée par l’assiette selon le niveau de revenus d’activité poursuit un but légitime et repose sur des critères objectifs. La solution la plus récente affirme que ces paramètres « ménagent un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé, sans que l’absence de plafonnement du montant de la cotisation soit de nature à entraîner une atteinte disproportionnée à la situation financière du cotisant » (Cass., 2e civ., 27 févr. 2025, pourvoi n° 22-21.800). La cour relève, en outre, que l’assiette bénéficie d’un abattement croissant avec les revenus d’activité et n’atteint que la fraction excédant un seuil, ce qui atténue l’effet de seuil dénoncé.

La démonstration chiffrée d’une disproportion concrète fait défaut. La comparaison pertinente vise deux personnes ayant des revenus de même ampleur mais de sources différentes, ce que l’appelante n’établit pas. Le grief relatif à la fortune, combiné au droit de propriété, ne révèle aucune atteinte excessive dans la configuration litigieuse.

B. L’automaticité de l’affiliation, la non-rétroactivité, la donnée personnelle et la compétence

L’affiliation résulte de la loi. Dès lors que les conditions de résidence prévues sont réunies, la qualité d’assuré naît de plein droit et la cotisation devient due si les critères cumulatifs d’assujettissement sont satisfaits, indépendamment d’une demande préalable ou d’une couverture effective par le régime obligatoire. Une assurance privée, librement souscrite, demeure sans effet sur l’obligation légale.

La non-rétroactivité est respectée. Les principes de l’assujettissement étaient fixés dès la fin 2015 et les modalités d’assiette et de taux sont entrées en vigueur en 2016. Le contentieux tranché a déjà censuré des solutions contraires et admis l’applicabilité des textes d’exécution lors du premier appel généralisé. La critique fondée sur une prétendue rétroactivité réglementaire est donc écartée.

Le traitement des données s’inscrit dans un cadre précis et public. Le partage d’informations fiscales repose sur des textes législatifs et des décrets en Conseil d’État, pris après avis publié. Surtout, lorsque « l’obtention ou la communication des informations sont expressément prévues par le droit de l’Union ou le droit de l’État membre », l’exception à l’obligation d’information individuelle trouve à s’appliquer (CJUE, 28 nov. 2024, C‑169/23, § 45). La haute juridiction civile a transposé cette logique aux appels postérieurs à l’entrée en vigueur du décret organisant le traitement: « il est fait exception […] à l’obligation d’information […] pesant sur le responsable du traitement » (Cass., 2e civ., 27 févr. 2025, pourvoi n° 23-22.218). La cour en déduit la régularité du flux et du traitement opéré.

La compétence de l’organisme délégataire résulte d’une convention de mutualisation approuvée conformément au code de la sécurité sociale. L’approbation confère effet immédiat à la délégation; l’organisme délégataire est alors compétent pour calculer, appeler, recouvrer et traiter les données nécessaires. L’argument tiré d’une incompétence territoriale est donc inopérant.

La mise en demeure respecte les exigences formelles. La mention du « 4e trimestre 2017 » n’induit aucune ambiguïté, dès lors que la cotisation est annuelle et que le montant réclamé correspond à l’appel initial. La cour confirme la validité de l’acte et, partant, la condamnation au paiement.

L’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 27 juin 2025 s’inscrit ainsi dans une ligne désormais stabilisée. Il consolide la portée maîtrisée de la réserve constitutionnelle, rappelle l’office respectif des juges, et confirme un contrôle de proportionnalité conforme aux standards européens, tout en sécurisant les garanties procédurales liées au recouvrement.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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