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Cour d’appel de Paris, 27 juin 2025 (Pôle 5 – chambre 2). Saisie d’un appel d’un jugement du tribunal de commerce de Paris, la cour fixe la frontière entre dénigrement et diffamation. Le litige naît d’une vidéo publiée en 2022 visant un essayiste, largement relayée sur une plateforme. L’essayiste et sa société ont assigné pour dénigrement sur le fondement de l’article 1240 du code civil devant le tribunal de commerce. Celui‑ci s’est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris. Les appelants sollicitent l’infirmation, tandis que l’intimé invoque la loi du 29 juillet 1881 et la compétence du tribunal judiciaire.
Deux questions dominent. L’appel peut‑il être dirigé contre un organisme non partie en première instance. La qualification des propos commande‑t‑elle la compétence commerciale au titre du dénigrement, ou judiciaire au titre de la diffamation. La cour déclare d’abord l’appel irrecevable contre la société intimée, puis confirme l’incompétence du tribunal de commerce. Elle consacre l’exclusivité du régime de la presse et renvoie au tribunal judiciaire.
I. Délimitation du litige et compétence
A. Irrecevabilité de l’appel contre un non‑partie
La cour commence par la recevabilité de l’appel, en se référant à l’article 547 du code de procédure civile. Elle constate que la personne morale intimée n’avait pas été valablement attraite devant les premiers juges. L’appel ne pouvant être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance, l’appel dirigé contre cette entité est déclaré irrecevable. Le contrôle de l’office de l’appel se déploie ici en préalable nécessaire, afin d’éviter l’extension indue du litige.
B. L’exclusivité du régime de 1881 et la compétence judiciaire
La cour rappelle la définition opératoire du dénigrement et sa place en concurrence déloyale: « Le dénigrement, qui constitue un acte de concurrence déloyale, se caractérise par la divulgation d’une information de nature à jeter un discrédit sur un service commercial ou sur un concurrent à moins que l’information en cause se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure. » Les juges relèvent que les propos incriminés visent la personne et son honnêteté, non des produits, services, marques ou concurrents. La logique du régime de la presse s’impose alors. La cour énonce que « Or, les abus de la liberté d’expression, tels que les atteintes à la réputation d’une personne, prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881, ne peuvent être réparés sur le fondement de l’article 1240 du code civil puisque le recours à la responsabilité civile est exclu. » Elle en tire la conséquence juridictionnelle, en des termes explicites: « En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a déclaré le tribunal de commerce incompétent pour connaitre du litige au profit du tribunal judiciaire de Paris, seul compétent pour connaître des actions civiles pour diffamation en application de l’article R 211-3-26 alinéa 13 du code de l’organisation judiciaire. »
II. Portée et valeur de la solution
A. Clarification de la frontière dénigrement/diffamation en ligne
La solution ancre la frontière matérielle entre atteinte à la réputation et critique des offres. En présence de propos visant l’intégrité d’une personne, la qualification de diffamation prévaut, malgré un contexte d’activité économique autour d’une audience numérique. La citation précitée sur le dénigrement fournit un critère utile et opératoire, centré sur l’objet des propos et leur ancrage factuel. Le rappel de l’exclusivité du régime de 1881 prévient les détournements de qualification, et ferme la voie à un forum shopping vers le juge consulaire.
B. Conséquences procédurales et équilibre des libertés
La cour ménage enfin le double degré de juridiction sur le fond de la diffamation, en s’abstenant de trancher les moyens processuels invoqués. Elle énonce ainsi: « Enfin il n’y a pas lieu de statuer sur l’exception de nullité de l’assignation ni sur la prescription de l’action en diffamation qui priveraient les appelants d’un double degré de juridiction. » Cette retenue juridictionnelle respecte l’économie du contentieux de presse, marqué par des délais spécifiques et une procédure formaliste. La décision sécurise la compétence du tribunal judiciaire et rappelle, pour l’avenir, qu’une critique publique d’une personne demeure sous l’empire exclusif de la loi de 1881, sauf démonstration précise d’un dénigrement de produits ou services.