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Cour d’appel de Paris, 28 août 2025. La décision tranche un contentieux d’indivision né d’une confiscation pénale, avec deux questions majeures: l’étendue des impenses opposables et l’indemnité d’occupation. En 2006, un bien est acquis en indivision par moitié. Par jugement pénal devenu définitif en 2018, la quote-part de l’un des coïndivisaires est confisquée, puis publiée. L’occupante demeure dans les lieux. L’établissement public, devenu coïndivisaire par l’effet de la confiscation, assigne en licitation et partage en 2021.
Le tribunal judiciaire ouvre les opérations de liquidation-partage, retient qu’il sera tenu compte des dépenses de conservation et d’amélioration payées par l’occupante depuis 2006, et fixe une indemnité d’occupation à compter du 27 mars 2018. L’appel vise à réformer le point relatif aux impenses, en limitant l’énoncé aux dépenses justifiées exposées pour le compte de l’indivision, sans date de départ. L’intimée sollicite la confirmation sur les impenses depuis 2006 et l’infirmation de l’indemnité. La cour réforme le chef ultra petita, précise la mission notariale, confirme l’indemnité, et écarte les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
I. L’office du juge et la délimitation de l’objet du litige en matière d’impenses
A. L’ultra petita au regard des articles 4 et 5 du code de procédure civile
La cour rappelle d’abord la règle directrice de l’office du juge. Elle cite l’article 5: « le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ». Cette formule, reprise par les motifs, fixe la frontière du litige et interdit toute extension du dispositif au-delà des prétentions. La même logique découle de l’article 4, que la décision mobilise pour rattacher strictement l’objet du litige aux écritures.
L’analyse factuelle montre que les prétentions n’incluaient pas la fixation d’un point de départ au 28 juillet 2006. Le premier juge avait déterminé d’office cette date, alors que l’appelant se bornait à solliciter que « le notaire commis doit tenir compte des dépenses justifiées éventuellement exposées par l’une ou l’autre des parties pour le compte de l’indivision ». La cour constate sans détour: « le tribunal a statué au-delà des demandes des parties ». En censurant ce dépassement, la décision réaffirme l’exigence de stricte concordance entre le dispositif et l’objet procédural, préservant ainsi la neutralité de la phase liquidative.
La portée de cette censure est double. Sur le plan procédural, elle rétablit la cohérence du dispositif avec la demande, en évitant de figer un paramètre temporel contesté. Sur le plan méthodologique, elle réhabilite le rôle de la liquidation notariale comme lieu naturel d’imputation des impenses, en lien avec les justificatifs, sans pré-juger la période utile. Cette rigueur prévient les contentieux ultérieurs sur une date arbitrairement fixée et protège l’équilibre des prétentions adverses.
B. Les conséquences sur la mission notariale et l’articulation avec l’article 815-13 du code civil
La réformation n’a pas pour effet d’exclure les dépenses anciennes, mais de renvoyer à une appréciation conforme au droit de l’indivision. La cour statue à nouveau et énonce: « le notaire commis devra tenir compte des dépenses justifiées éventuellement exposées par l’une ou l’autre des parties pour le compte de l’indivision ». La formule recentre l’office sur l’exigence probatoire et sur le lien fonctionnel avec la conservation, l’amélioration ou l’intérêt commun.
Surtout, la décision précise l’interprétation matérielle d’ensemble. Elle retient que, au regard de l’article 815-13, « les termes de l’article 815-13 précités n’établissent pas de distinction entre les différents coïndivisaires susceptibles d’être débiteurs d’une créance invoquée par l’un d’eux au titre de ses impenses, notamment quant à la date à laquelle ces derniers sont entrés dans l’indivision ». Cet attendu, capital, écarte une lecture restrictive fondée sur l’entrée tardive d’un coïndivisaire. Il suggère que l’impense utile et justifiée, appréciée à la date du partage ou de l’aliénation, peut produire ses effets sans considération de la date d’entrée du débiteur dans l’indivision.
La solution concilie ainsi l’orthodoxie procédurale et la finalité patrimoniale de l’article 815-13. Elle renvoie à la liquidation l’évaluation in concreto des dépenses nécessaires ou amélioratives, tout en sécurisant l’assiette des créances d’impenses. La réflexion doctrinale y verra un équilibre prudent, qui limite la tentation de judiciariser ex ante la période d’imputation et préserve la plasticité liquidative voulue par le texte.
II. L’indemnité d’occupation en indivision après confiscation: nature, conditions et point de départ
A. Une indemnité objective, indépendante du préjudice allégué
Sur l’indemnité d’occupation, la cour s’appuie sur l’économie de l’article 815-9. Elle rappelle l’énoncé bien connu: « L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité ». La privation corrélative des droits d’usage de l’autre coïndivisaire fonde l’indemnité, qui compense la jouissance exclusive.
La motivation écarte tout débat probatoire inutile sur l’existence d’un préjudice ou l’intention de louer. La cour l’affirme nettement: « le 2e alinéa susvisé de l’article 815-9 du code civil ne subordonne aucunement l’exigibilité d’une indemnité à un quelconque préjudice, ni à la possibilité ou non de louer le bien indivis ». L’argument tiré de l’absence de projet locatif de l’appelant est donc indifférent. L’indemnité revêt un caractère objectif, attaché à la jouissance privative, sauf stipulation contraire, laquelle n’est pas alléguée.
Cette orientation s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle constante. Elle évite une incertitude source de contentieux, et favorise une liquidation lisible. Elle protège l’égalité des coïndivisaires quant aux fruits civils et à l’usage, principe directeur de l’indivision, même lorsque celle-ci résulte d’une confiscation pénale.
B. Le point de départ au jour de la substitution du coïndivisaire
La date retenue est celle où la jouissance est devenue exclusive, c’est‑à‑dire à compter de la substitution du nouveau coïndivisaire par l’effet de la confiscation devenue définitive, soit le 27 mars 2018. Cette fixation rattache l’obligation au moment où s’éteignent les droits concurrents de l’ancien indivisaire et où naissent ceux du nouvel entrant. La méthode est conforme à la logique de l’article 815-9, qui apprécie la jouissance privative dans son effectivité.
La solution confirme le jugement de première instance, la cour énonçant que « le jugement sera confirmé de ce chef ». Elle présente deux avantages. D’une part, elle prévient l’imputation d’une indemnité pendant une période de co‑occupation, incompatible avec la notion de jouissance privative. D’autre part, elle harmonise le calendrier des droits et obligations de l’indivision avec l’autorité de la décision pénale, sans faire peser rétroactivement une charge avant l’entrée du nouvel indivisaire.
La portée de l’arrêt mérite attention. En matière d’indivision post‑confiscation, la cour articule sans heurts le droit pénal patrimonial et le droit civil des biens. Elle consacre un principe de neutralité temporelle: la substitution n’efface pas l’ancienneté des impenses utiles (appréciées par le notaire), mais elle borne l’indemnité d’occupation à la période de jouissance effectivement exclusive. Cette convergence renforce la prévisibilité des opérations de liquidation et la sécurité des acteurs.
Enfin, l’économie de la décision sur les demandes accessoires préserve la sobriété du contentieux. L’absence d’allocation au titre de l’article 700 et la condamnation aux dépens suivent la logique de la solution au fond, sans excès ni rigidité. L’arrêt concilie efficacité procédurale et exactitude des principes, en privilégiant une liquidation informée par la preuve et par la hiérarchie des textes.