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Cour d’appel de Paris, 28 août 2025. La juridiction est saisie d’un recours en révision dirigé contre un arrêt du 15 mai 2024, dans un litige portant sur la liquidation d’intérêts patrimoniaux et des indemnités d’occupation, à la suite d’un divorce et du décès de l’ex‑époux désignant le conjoint survivant comme légataire universel. L’appelante invoque la fraude, des faux allégués et sollicite un sursis à statuer en raison de procédures pendantes relatives au mariage et à des actes notariés; l’intimée conclut à l’irrecevabilité du recours et sollicite des sanctions pour abus.
Les faits utiles tiennent à un mariage ancien, un divorce prononcé, puis un décès ouvrant une succession au profit du conjoint survivant légataire universel. Deux immeubles sont au cœur des prétentions, avec occupation séparée et demandes croisées d’indemnités. Un jugement a ouvert et encadré les opérations de liquidation-partage; un autre a fixé des indemnités; l’arrêt de 2024 les a actualisées. L’appelante a saisi le juge de la révision en 2024; la clôture est intervenue en janvier 2025; l’audience s’est tenue en février. La question posée est double: les griefs avancés entrent‑ils dans les causes strictes de l’article 595 du code de procédure civile et dans le délai de l’article 596; les incidents procéduraux soulevés commandent‑ils un sursis ou des sanctions? La cour refuse le sursis, écarte toute cause de révision et constate l’expiration du délai, déclare le recours irrecevable, rejette les dommages‑intérêts pour défaut de preuve, déclare irrecevable la demande d’amende civile, et statue sur les dépens et l’article 700.
I. La recevabilité du recours en révision au regard des textes
A. Des causes limitativement énumérées et d’un lien d’efficacité exigé
Le cadre normatif est rappelé sans détour: « Aux termes de l’article 593 du code de procédure civile, le recours en révision tend à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit. » La cour cite ensuite la liste fermée: « Par ailleurs, l’article 595 du même code précise que le recours en révision n’est ouvert que pour l’une des causes suivantes: 1. S’il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue; 2. Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d’une autre partie; 3. S’il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement; 4. S’il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement. » Elle ajoute la clause d’absence de faute procédurale: « Dans tous ces cas, le recours n’est recevable que si son auteur n’a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu’il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée. »
Ces rappels gouvernent l’analyse des griefs. La fraude alléguée tirée du défaut d’envoi en possession du légataire universel se heurte au principe selon lequel, en l’absence d’héritiers réservataires, le légataire universel est saisi de plein droit, de sorte qu’aucune dissimulation opérante n’est caractérisée. Les soupçons entourant une déclaration de mariage ne sont étayés par aucune preuve de manœuvres ayant déterminé l’arrêt de 2024. Les mentions notariales relatives au régime matrimonial, quand bien même discutées, ne seraient pas décisives, la qualité de légataire universel emportant à elle seule les droits successoraux centraux. Ainsi, les causes de l’article 595 ne sont ni établies, ni causalement liées à la solution querellée; l’exigence d’efficacité fait défaut.
B. Le délai de l’article 596 et le point de départ lié à la connaissance
Le second verrou est temporel: « Enfin, l’article 596 dudit code dispose que le délai du recours en révision est de deux mois. Il court à compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de révision qu’elle invoque. » La juridiction constate que les éléments invoqués — testament, situation matrimoniale, actes notariés — étaient connus de longue date, plusieurs années avant la saisine en révision. La connaissance ancienne fixe le point de départ, de sorte que le délai biennal spécial n’a pas à être reconstruit; l’expiration s’impose. Par une application combinée des articles 595 et 596, la cour retient l’irrecevabilité du recours, l’absence de cause et la tardiveté se cumulant. Cette solution ferme l’accès à l’examen des prétentions subséquentes.
II. Les incidences procédurales périphériques: contradictoire, sursis et demandes accessoires
A. Le respect du contradictoire et la rigueur du sursis
S’agissant des écritures déposées à brève échéance avant la clôture, la cour s’adosse au principe directeur: « Aux termes de l’article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. » Elle précise: « Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement. » Déposées avant l’ordonnance de clôture et en réponse à des conclusions récentes, les écritures de l’intimée sont jugées recevables; la contradiction a été respectée.
La demande de sursis échoue pour une double raison. D’une part, l’action en nullité de mariage pour vice de consentement n’appartient qu’aux époux ou au ministère public: « Aux termes du 1er alinéa de l’article 180 du code civil, le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l’un d’eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n’a pas été libre, ou par le ministère public. » D’autre part, l’inscription de faux ou la responsabilité notariale, à les supposer fondées, ne seraient pas de nature à influer utilement sur les droits conférés par le legs universel. Le caractère utile et nécessaire du sursis fait ainsi défaut.
B. Abus de procédure, amende civile et dépens: portée et précisions
La demande de dommages‑intérêts pour procédure abusive se fonde sur le droit commun de la responsabilité. Le texte est rappelé, non sans une référence perfectible: « Aux termes de l’article 1240 du code de procédure civile, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Malgré cette mention du code de procédure civile, la cour applique les conditions classiques de la responsabilité civile, et souligne l’insuffisance de la preuve du préjudice allégué. La motivation est brève et claire: « Elle sera en conséquence déboutée de sa demande. » La faute procédurale peut être relevée, mais la réparation suppose un dommage précisément justifié.
La demande d’amende civile est, quant à elle, irrecevable, la qualité pour solliciter une sanction profitant à l’État faisant défaut à une partie: « Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. » La cour en tire la conséquence de principe: « Il découle de la lecture de cet article qu’une partie n’a pas qualité pour demander la condamnation de l’autre à une amende civile, laquelle profite à l’État, contrairement aux éventuels dommages-intérêts réclamés. » Enfin, la solution accessoire s’ordonne autour des charges de la procédure: « Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. » Et sur les frais non compris dans les dépens, la cour rappelle: « En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. » La condamnation au titre de l’article 700, corrélée à l’échec du recours, parachève une solution soucieuse d’efficacité procédurale.
L’arrêt articule ainsi une pédagogie nette du recours en révision, conjuguant rappel des conditions de fond, fermeté sur les délais, prudence envers les incidents dilatoires, et précision sur la nature des sanctions procédurales. Par économie, il circonscrit le contentieux à son périmètre utile et referme, sans excès, des débats dont la substance ne pouvait plus infléchir le droit positif applicable au litige.