Cour d’appel de Paris, le 28 août 2025, n°24/15332

Par un arrêt du 28 août 2025, la Cour d’appel de Paris a statué sur l’appel d’une ordonnance du 16 juillet 2024 ayant refusé, en procédure gracieuse, la reconstitution d’un testament olographe. Une personne morale se disant légataire sollicitait que la succession soit réglée d’après un écrit dont l’original, découvert au domicile du défunt, avait été ultérieurement égaré lors de transmissions administratives. Seule demeurait une copie certifiée conforme communiquée au notaire, qui refusait de s’y fonder pour liquider la succession.

La juridiction de première instance avait écarté la requête en estimant nécessaire une procédure contradictoire. L’appel a été formé par lettre simple reçue au greffe le 1er août 2024, tandis qu’une autorité publique arguait de son irrecevabilité pour tardiveté. La cour devait donc déterminer, d’une part, le point de départ et les modalités de l’appel en matière gracieuse, d’autre part, les conditions probatoires de la reconstitution d’un testament olographe à partir d’une copie fiable.

La Cour d’appel de Paris déclare l’appel recevable en rappelant que « c’est la date de l’envoi du recours qui doit être prise en compte et non sa date de réception par la juridiction », tout en tenant compte de l’irrégularité formelle d’un envoi simple. Sur le fond, elle retient que « la subsistance de l’original ne conditionne plus la force probante de la copie » et, au vu des circonstances objectives de disparition, que « la force majeure est ici caractérisée ». La demande de reconstitution est accueillie et la succession doit être réglée sur la base du testament.

I. La recevabilité de l’appel gracieux

A. Le point de départ du délai d’appel

La cour rappelle les règles propres à l’appel en matière gracieuse et la computation du délai de quinze jours prévu par l’article 496 du code de procédure civile. Elle énonce que le délai court « à la date de son prononcé puisqu’il est présumé que la minute est délivrée au requérant le jour de son prononcé ». Elle ajoute, dans les termes mêmes de l’arrêt, qu’il s’agit d’« une présomption simple » pouvant « être combattue par tout moyen ». L’ordonnance ayant été notifiée le lendemain du prononcé, cette notification objective suffit à renverser la présomption, conformément à l’économie des délais de procédure et à l’article 641 du même code.

La solution retient une articulation claire entre la présomption attachée au prononcé et la date de la notification qui, en l’espèce, assure une sécurité du calcul. L’exclusion du dies a quo et la prise en compte du jour de réception de la lettre simple, fixée au 1er août 2024, conduisent à un appel formé dans le délai utile qui court du 17 juillet 2024. La motivation, brève et précise, s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence attentive à la preuve de la date déclenchante du délai.

B. La forme de l’appel et la prise en compte de l’envoi

Le texte prévoit l’envoi par pli recommandé. La cour constate un envoi par lettre simple et opère une qualification utile en assimilant la réception au greffe à une déclaration régulière. Cette approche pragmatique préserve l’effectivité du recours sans neutraliser l’exigence formelle, en adoptant une lecture finaliste des règles de saisine.

Elle rappelle cependant que « c’est la date de l’envoi du recours qui doit être prise en compte », règle classiquement applicable aux plis recommandés. En présence d’un envoi simple, la cour retient la date de réception, ce qui évite d’ouvrir un aléa probatoire excessif sur une expédition non recommandée. La conciliation entre la finalité protectrice du recours gracieux et la discipline procédurale reste équilibrée, la solution privilégiant la sécurité juridique sans sacrifier la rigueur formelle.

II. La reconstitution du testament olographe et la force probante de la copie

A. La voie gracieuse et la notion de sinistre

La juridiction d’appel rappelle que la demande de reconstitution, fondée sur les articles 1430 et suivants du code de procédure civile, « est formée, instruite et jugée comme en matière gracieuse ». Le premier juge avait exigé une procédure contradictoire, alors que l’office gracieux demeure pertinent, sauf opposition caractérisée d’un intéressé. L’absence de contestation sérieuse des proches et la position neutre de l’autorité publique confortent ici la voie choisie.

La qualification de « sinistre » retient la disparition de l’original lors d’un transfert administratif, événement extérieur à la volonté du testateur et du bénéficiaire. La cour souligne que l’original avait été découvert au domicile du défunt et qu’une copie certifiée conforme avait été établie par une autorité. L’ampleur des recherches demeurées vaines et le caractère extérieur de la perte justifient l’énoncé suivant, central pour la solution: « la force majeure est ici caractérisée ».

B. Les exigences probatoires et la présomption de fiabilité

Depuis la réforme de la preuve, « la fiabilité est laissée à l’appréciation du juge », de sorte que la copie fiable peut « avoir la même force probante que l’original ». L’arrêt précise que « la subsistance de l’original ne conditionne plus la force probante de la copie », ce qui déplace le débat sur l’authenticité de l’écrit et la permanence de l’intention du disposant. Le juge confronte donc la fidélité de la reproduction à la preuve de l’absence de révocation.

En l’espèce, la copie certifiée conforme, issue d’archives publiques, reproduit le texte manuscrit, daté et signé, et désigne clairement le légataire. La découverte de l’original au décès puis sa disparition lors de transmissions, extérieures et irrésistibles pour les intéressés, excluent une destruction volontaire. La cour constate que l’existence et le contenu ne sont pas contestés et que la disparition est indépendante de la volonté du testateur, ce qui légitime la reconstitution et la liquidation de la succession sur cette base.

La solution renforce la cohérence du droit des successions avec le régime probatoire rénové. Elle limite les risques de fraude par l’exigence cumulative d’une copie fiable, de recherches sérieuses et d’un événement extérieur qualifiable de force majeure. Elle offre enfin au praticien une voie gracieuse efficace lorsque l’original a disparu sans faute, tout en maintenant sous contrôle judiciaire la preuve de la fidélité et la persistance des dernières volontés.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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