Cour d’appel de Paris, le 28 août 2025, n°25/09865

Par un arrêt du 28 août 2025, la Cour d’appel de Paris, Pôle 3 – Chambre 1, statue sur une requête en rectification d’erreur matérielle fondée sur l’article 462 du code de procédure civile. La décision rectifie un précédent arrêt du 21 mai 2025 relatif à l’indemnité d’occupation due dans un contexte d’indivision immobilière, où une discordance chiffrée était apparue entre les motifs et le dispositif.

Les faits utiles tiennent à la fixation d’une indemnité d’occupation due depuis le 25 juin 2017, puis annuellement à compter du 25 juin 2021. Dans ses motifs, l’arrêt initial avait retenu une base annuelle déterminée par un taux appliqué à une valeur de référence, pour aboutir à un montant mensuel clairement identifié. Le dispositif avait pourtant arrêté un montant annuel inférieur, révélant une conversion méconnaissant la durée calendaire.

Sur la procédure, une requête en rectification a été enregistrée le 11 juin 2025, l’intimée s’en rapportant sur le quantum. L’affaire a été appelée le 8 juillet 2025. La juridiction du 28 août 2025 constate l’erreur, relève la divergence entre motifs et dispositif, et ordonne la rectification utile avec mention sur la minute de l’arrêt du 21 mai 2025.

La question de droit portait sur la qualification d’erreur matérielle au sens de l’article 462 et sur l’office du juge lorsque la raison commande la correction d’une discordance purement arithmétique sans altérer la chose jugée. Le cœur du débat résidait dans le passage de l’appréciation factuelle et mathématique à la rectification instrumentale du dispositif.

La Cour rappelle d’abord le texte applicable: « les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées […] selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande ». Puis elle souligne que, « Page 13 de l’arrêt », il avait été retenu que « le montant de l’indemnité due par […] s’établit […] à la somme annuelle de 6’918,57 euros […] correspondant à un montant mensuel de 576,54 euros ». Elle confronte ensuite ce motif à un dispositif antérieur ainsi rédigé: « Fixe à la somme de 26’241,40 euros […] et à la somme annuelle de 5’765,48 euros ce montant à compter du 25 juin 2021 ». Elle qualifie enfin l’écart en relevant qu’il s’agit d’« erreur purement matérielle », car « […] 5’765,48 € […] est le produit par dix du montant mensuel et non par douze correspondant aux douze mois calendaires de l’année ». Il en résulte une rectification du dispositif avec mention sur la minute et notification « comme le jugement ».

I. Les conditions de la rectification d’erreur matérielle

A. Le cadre de l’article 462 et l’office du juge
La motivation cite in extenso « les erreurs et omissions matérielles » que la juridiction peut « toujours » réparer « selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande ». Le texte encadre un pouvoir fonctionnel visant l’exactitude instrumentaire de la décision, distinct de tout réexamen du droit appliqué. La saisine par « simple requête » et la possibilité de statuer sans audience, si le juge l’estime, confirment l’économie procédurale de ce mécanisme.

La réparation intervient sans altérer l’autorité de la chose jugée sur le fond. La décision rectificative « est mentionnée sur la minute et sur les expéditions », et, si la décision rectifiée « est passée en force de chose jugée », la voie de recours se limite au pourvoi. Le régime garantit ainsi l’intégrité de la solution juridique tout en assurant la fiabilité formelle des énonciations judiciaires.

B. La qualification d’une discordance purement arithmétique
La Cour relève une incohérence entre motifs et dispositif, documentée par les pièces et la logique comptable. Elle rappelle que « le montant de l’indemnité […] s’établit […] à la somme annuelle de 6’918,57 euros […] correspondant à un montant mensuel de 576,54 euros », alors que le dispositif évoquait « 5’765,48 euros ». L’explication est explicite: « […] 5’765,48 € […] est le produit par dix du montant mensuel et non par douze ». La nature de l’erreur est ici « purement matérielle », car le droit n’est pas discuté, seul le calcul a dévié.

La rectification s’impose dès lors que la discordance résulte d’une conversion fautive, et que la solution de fond, exprimée dans les motifs, demeure stable et intelligible. L’exactitude de la liquidation annuelle est rétablie sans revisiter la règle appliquée.

II. La portée normative et pratique de la rectification

A. L’harmonisation motifs/dispositif et la sécurité des liquidations
En corrigeant l’annualisation de l’indemnité, la Cour rétablit l’harmonie interne de la décision et la sécurité pour l’exécution. Le motif précise la base de calcul, « 8’648,68 x 0,80 », et le montant mensuel « 576,54 euros », de sorte que l’annualisation correcte s’impose. La cohérence ainsi restaurée protège l’équilibre des droits indivis et la prévisibilité des créanciers et débiteurs de l’indemnité.

La mention sur la minute et la notification assurent la traçabilité de la correction, ce qui évite les difficultés d’exécution et d’interprétation ultérieures. Le choix de mettre les dépens à la charge du Trésor confirme le caractère instrumental de l’instance rectificative.

B. Les limites du procédé et l’exigence de vigilance rédactionnelle
L’exigence de précision demeure toutefois décisive. Le dispositif rectifié indique: « Fixe […] à la somme annuelle de 6’018,57 euros ce montant à compter du 25 juin 2021 », alors que les motifs rappellent « 6’918,57 euros ». Une telle divergence typographique, si elle est avérée, appelle le même traitement rectificatif, puisqu’elle relève d’une erreur matérielle manifeste, aisément contrôlable par la raison et par le dossier.

Cette vigilance est conforme à l’économie de l’article 462, qui autorise de nouvelles rectifications strictement matérielles, sans rouvrir le débat juridique tranché. Le cadre textuel, « La décision rectificative est mentionnée sur la minute […] » et « ne peut être attaquée que par […] cassation », encadre rigoureusement ces reprises afin d’éviter tout glissement vers la révision au fond.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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