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Cour d’appel de Paris, 3 juillet 2025 (Pôle 6, chambre 8). L’arrêt tranche un litige prud’homal relatif au licenciement disciplinaire pour faute grave d’un comptable d’un établissement hôtelier. Engagé depuis 2000, le salarié a connu une activité partielle durant la crise sanitaire, puis a été licencié le 3 décembre 2020 après mise à pied conservatoire. L’employeur reprochait des retards dans des opérations comptables et l’exécution de missions au profit d’autres structures durant des heures rémunérées. Le conseil de prud’hommes de Paris, 29 septembre 2022, a requalifié la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et accordé diverses indemnités. En appel, le salarié recherchait une majoration de l’indemnisation, l’employeur sollicitant l’infirmation et la reconnaissance d’une faute grave, à titre subsidiaire d’une cause réelle et sérieuse. La question portait sur la caractérisation d’une faute grave, ou à défaut d’une cause réelle et sérieuse, au regard des retards allégués et d’un cumul d’emplois sans clause d’exclusivité. La cour rappelle que « La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié (…) rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise », et que « La charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur qui l’invoque ». Elle conclut que « Le licenciement n’est par conséquent justifié ni par une faute grave, ni par une cause réelle et sérieuse ».
I. Le sens de la décision
A. Définition et charge de la preuve de la faute grave
La cour fixe le cadre juridique par une double affirmation claire, mobilisée de manière classique mais décisive. D’une part, la faute grave suppose des manquements d’une intensité telle que la poursuite du contrat s’avère impossible. D’autre part, l’employeur supporte entièrement la preuve de ces manquements précis et de leur gravité.
Cette articulation est formulée sans équivoque. La cour énonce que « La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié (…) rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ». Elle ajoute, dans une logique probatoire constante, que « La charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur qui l’invoque ».
Ces rappels conduisent la juridiction à apprécier, avec mesure, la matérialité des griefs et leur portée concrète. L’analyse se concentre sur le contexte factuel singulier et la consistance des éléments produits.
B. Appréciation des griefs dans le contexte de l’activité partielle et du cumul d’emplois
Le premier grief visait des retards opérationnels durant la période marquée par la crise sanitaire et l’activité partielle. La cour souligne l’incidence objective de ce contexte sur l’organisation du travail et l’exécution des tâches. Elle énonce ainsi que « Il est certain que dans le contexte de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19, le salarié a été placé en activité partielle du 16 mars au 12 septembre 2020, ce qui a nécessairement eu des conséquences sur le traitement normal des tâches qui lui étaient dévolues (…) ». La conséquence en est nette: des retards ponctuels expliqués ne suffisent pas à caractériser une abstention fautive.
L’arrêt retient expressément que « En tout état de cause, le caractère ponctuel des retards constatés ne saurait caractériser une abstention fautive dans l’exécution des obligations résultant du contrat de travail au regard des modalités particulières d’exercice de ses fonctions durant la période considérée ». Le second grief portait sur l’exécution de travaux pour d’autres entités pendant des heures rémunérées, sans clause d’exclusivité. La cour écarte ce moyen faute de preuves probantes d’une activité effective concurrente ou d’un détournement avéré du temps de travail.
Au terme de ce contrôle, la formation constate l’insuffisance des éléments versés, puis neutralise la qualification disciplinaire comme l’existence d’une cause réelle et sérieuse. Elle statue que « Le licenciement n’est par conséquent justifié ni par une faute grave, ni par une cause réelle et sérieuse ».
II. Valeur et portée
A. Exigence probatoire renforcée et proportionnalité de la sanction
La décision assoit une exigence probatoire rigoureuse, adaptée à la gravité de la mesure invoquée et au contexte d’exécution contraint. Les pièces doivent établir des manquements personnels, répétés, contemporains et imputables, ainsi qu’une désorganisation rendant impossible toute poursuite du lien contractuel.
La cour insiste sur la qualification prudente des retards, dont elle souligne le caractère limité et circonstancié. Elle juge que « Il résulte des considérations qui précèdent que les quelques inexécutions de tâches relevées ne sauraient fonder un licenciement pour faute grave, eu égard au caractère disproportionné d’une telle mesure par rapport à la nature de ces faits ». Cette référence à la proportionnalité rejoint la logique disciplinaire classique et prévient toute assimilation hâtive entre insuffisance ponctuelle et faute grave.
Le souci de proportion se double d’une vigilance sur la nature des preuves numériques et le risque d’interprétations extensives. La chambre écarte les inférences tirées de courriels non assortis d’indices temporels précis d’exécution effective pendant les heures de travail, et d’un lien fonctionnel clair avec une concurrence ou un conflit d’intérêts.
B. Enseignements pratiques en matière de cumul d’emplois et d’activité partielle
L’arrêt apporte deux enseignements convergents pour la pratique. D’abord, en l’absence de clause d’exclusivité, le cumul d’emplois n’est pas fautif en soi; seule importe la preuve d’un manquement concret à l’obligation de loyauté, notamment par l’exécution d’une prestation étrangère pendant le temps de travail ou au détriment des intérêts de l’employeur.
Ensuite, dans un contexte d’activité partielle, la perturbation des rythmes et priorités comptables requiert une preuve affinée de l’abstention volontaire ou de la résistance fautive. La décision rappelle que l’exception disciplinaire doit demeurer strictement encadrée, et que des retards expliqués ne suffisent pas, isolément, à emporter la qualification de faute grave.
La portée contentieuse est lisible sur le terrain des conséquences. La cour confirme l’indemnisation dans les limites légales du barème, en l’absence d’éléments sur la situation postérieure du salarié, et maintient le remboursement partiel à l’organisme d’assurance chômage lorsque la requalification l’exige. Elle le dit en ces termes: « Les dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail trouvant à s’appliquer au litige, le jugement sera confirmé en ce qu’il statue sur ce point ».
L’ensemble consacre une ligne de fermeté sur la preuve de la faute grave et une lecture mesurée des manquements en période exceptionnelle, qui, sans relativiser l’obligation de loyauté, commande une démonstration circonstanciée et proportionnée. Cette orientation éclaire les acteurs sur la nécessité d’éléments matériels précis et d’un raisonnement discipliné avant toute décision de rupture.