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La présente décision, rendue par la Cour d’appel de Paris le 3 juillet 2025, illustre une situation fréquente en matière de surendettement des particuliers. Un débiteur, dont la demande avait été déclarée recevable par la commission de surendettement le 16 octobre 2023, s’est vu imposer un plan de rééchelonnement sur 84 mois avec mensualités de 10,30 euros et effacement partiel à terme. Une société créancière a contesté cette mesure. Par jugement du 19 juillet 2024, le tribunal judiciaire de Bobigny a déclaré le débiteur irrecevable au bénéfice de la procédure, faute pour lui d’avoir comparu ou transmis des pièces justificatives actualisées. Le débiteur a interjeté appel le 16 septembre 2024, invoquant une erreur sur la date d’audience et une évolution de sa situation professionnelle. Devant la cour d’appel, il n’a ni comparu ni se fait représenter, sa convocation n’ayant pas été retirée. La société créancière a demandé la confirmation du jugement. La cour était saisie de la question de savoir si elle pouvait statuer sur un appel non soutenu par l’appelant défaillant. Elle a constaté que l’appelant ne soutenait pas son appel et qu’elle n’était saisie d’aucune prétention, laissant ainsi au jugement toute son efficacité.
Cette décision met en lumière les conséquences procédurales de la défaillance de l’appelant en procédure orale (I) et consacre le maintien de l’efficacité du jugement entrepris (II).
I. Les conséquences de la défaillance de l’appelant en procédure orale
La cour rappelle les règles applicables à la procédure de surendettement en appel (A) avant d’en tirer les conséquences sur la situation du débiteur absent (B).
A. Le cadre procédural de l’appel en matière de surendettement
La cour d’appel de Paris précise à titre liminaire le régime procédural applicable. Elle énonce que « l’appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile ». Cette qualification emporte des conséquences déterminantes sur le déroulement de l’instance.
La procédure orale de droit commun implique que les prétentions des parties soient formulées verbalement à l’audience. La cour le souligne expressément en indiquant que « la prise en considération des écrits d’une partie par la cour est subordonnée à l’indication orale à l’audience par cette partie ou son représentant qu’elle se réfère à ses écritures ». Ce rappel pédagogique s’inscrit dans une jurisprudence constante de la Cour de cassation qui impose aux parties de soutenir oralement leurs conclusions écrites.
Cette exigence n’est pas qu’une formalité. Elle constitue le corollaire du principe du contradictoire en procédure orale. Les écrits ne saisissent pas la juridiction par eux-mêmes. Ils doivent être oralisés pour produire effet. Cette règle protège les droits de la défense en permettant à chaque partie de connaître précisément les demandes auxquelles elle doit répondre.
B. L’impossibilité pour la cour de suppléer la carence de l’appelant
La cour tire les conséquences de ces principes sur la situation de l’appelant défaillant. Elle constate que celui-ci « n’a ni comparu ni ne s’est fait représenter et n’a invoqué aucun motif légitime pour justifier sa non-comparution ». Elle ajoute qu’il « n’a pas fait connaître sa nouvelle adresse à la cour ».
Cette double carence place l’appelant dans une situation procédurale défavorable. Non seulement il ne formule aucune demande orale, mais il ne permet pas même à la juridiction de le joindre. La lettre d’appel de septembre 2024 invoquait une erreur sur la date d’audience en première instance et une évolution professionnelle. Ces arguments, fussent-ils fondés, ne peuvent prospérer faute d’être soutenus devant la cour.
La cour en déduit logiquement qu’elle « n’est saisie d’aucun moyen à l’appui de l’appel formé ». Cette formule traduit l’effet dévolutif limité de l’appel en procédure orale. La juridiction du second degré ne peut examiner que les prétentions effectivement portées devant elle. L’appel, acte de procédure introductif d’instance, ne suffit pas à saisir la cour d’un litige. Il doit être complété par des demandes orales ou des conclusions soutenues à l’audience.
II. Le maintien de l’efficacité du jugement entrepris
L’absence de saisine effective conduit la cour à laisser au jugement son efficacité (A), solution qui s’inscrit dans une logique procédurale cohérente (B).
A. Une décision de constat plutôt qu’une confirmation
Le dispositif de l’arrêt mérite attention par sa rédaction. La cour « constate que [l’appelant] ne soutient pas son appel et que la cour n’est saisie d’aucune prétention ». Elle ne confirme pas le jugement. Elle se borne à prendre acte de l’absence de saisine effective.
Cette distinction n’est pas anodine. La confirmation suppose un examen au fond des moyens d’appel et une approbation de la solution retenue par le premier juge. Le simple constat de l’absence de prétention relève d’une autre logique. La cour n’a pas à se prononcer sur le bien-fondé du jugement puisqu’elle n’est saisie de rien.
La formule selon laquelle « le jugement dont appel conserve donc toute son efficacité » traduit cette approche. Le jugement du 19 juillet 2024 n’est pas confirmé au sens technique du terme. Il demeure simplement en vigueur, faute pour l’appel d’avoir produit son effet dévolutif. Cette solution présente l’avantage de respecter les limites de l’office du juge. La cour ne statue pas ultra petita puisqu’elle ne statue sur rien.
B. Les enseignements de la décision pour le justiciable
Cette décision rappelle aux justiciables les exigences de la procédure orale. Former appel ne suffit pas. Encore faut-il le soutenir effectivement devant la juridiction du second degré. Le débiteur surendetté, qui avait déjà fait défaut en première instance, reproduit la même erreur en appel. Sa passivité lui est doublement préjudiciable.
La cour laisse les dépens à la charge de l’appelant. Cette solution sanctionne économiquement la défaillance procédurale. L’appelant a mobilisé l’appareil judiciaire sans mener son recours à terme. Il supporte logiquement les frais engendrés par cette initiative avortée.
La notification du jugement de première instance à une date inconnue posait la question du délai d’appel. La cour ne l’examine pas, faute de moyen soulevé. Cette circonstance illustre également les conséquences de la non-comparution. Un éventuel argument d’irrecevabilité de l’appel, au profit de l’intimé, ou de recevabilité tardive, au bénéfice de l’appelant, ne peut être examiné sans que les parties le soulèvent. La procédure civile demeure une procédure accusatoire où le juge ne peut suppléer la carence des plaideurs.