Cour d’appel de Paris, le 3 juillet 2025, n°24/18882

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Rendue par la Cour d’appel de Paris le 3 juillet 2025, la décision commente l’octroi de délais pour quitter les lieux après résiliation du bail. Un logement avait été attribué par bail en 2009, puis le juge des contentieux de la protection avait prononcé la résiliation et ordonné l’expulsion en mars 2024. Un commandement de quitter les lieux a été délivré en avril 2024. L’occupante a saisi le juge de l’exécution en juillet 2024 pour obtenir douze mois, mais a été déboutée en octobre 2024. En appel, elle fait valoir un emploi stable, des revenus mensuels constants, des candidatures sociales nombreuses et ciblées, ainsi qu’une reprise du paiement de l’indemnité d’occupation. L’intimée conteste le caractère sérieux des démarches et invoque la capacité supposée d’accès au parc privé. La question posée est celle des conditions d’appréciation de l’« impossibilité de se reloger dans des conditions normales » au regard des articles L.412-3 et L.412-4 du code des procédures civiles d’exécution. La Cour d’appel infirme le refus des délais, retient l’impossibilité suffisamment caractérisée et accorde un an, jusqu’au 3 juillet 2026.

I. Le sens et la méthode d’appréciation des critères légaux

A. Le cadre normatif et l’office du juge de l’exécution

La cour rappelle la base légale en des termes non équivoques. « Aux termes de l’article L.412-3 alinéa 1er du code des procédures civiles d’exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. » Le texte confie au juge un pouvoir d’appréciation guidé par une finalité de protection pragmatique.

La décision cite ensuite l’énumération des critères, qui structure le raisonnement. « L’article L.412-4 du même code dispose : ‘La durée des délais prévus à l’article L.412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il doit être tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L.441-2-3 et L.441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés’. » Le cadre impose une appréciation concrète, globale et motivée de la situation respective des parties.

B. L’application aux éléments produits et la caractérisation de l’impossibilité

La cour confronte ce cadre aux pièces versées, en articulant situation de fortune, diligences et bonne foi. Elle relève un revenu net stable, objectivement insuffisant pour un logement privé au regard d’exigences usuelles de solvabilité attestées, ainsi que des candidatures sociales multiples, récentes et adaptées. L’analyse prend aussi en compte la reprise des versements d’indemnité, appréciée comme un indice de sérieux et de bonne volonté. À l’issue de ce contrôle, la cour tranche sans détour : « Il y a donc lieu d’infirmer le jugement entrepris ». La solution retenue ordonne un délai d’un an, à l’intérieur de la borne maximale de l’article L.412-4, en adéquation avec l’ensemble des critères légaux.

II. La valeur et la portée de la solution dégagée

A. Un contrôle concret, proportionné et fidèle à la finalité protectrice

La motivation valorise des éléments objectivables, plutôt que des allégations générales sur une prétendue capacité d’accès au parc privé. Le juge d’appel retient des pièces probantes sur les conditions réelles du marché, le ratio de solvabilité exigé, et l’adéquation des candidatures sociales aux ressources disponibles. Il ne fait pas d’un défaut de justification exhaustive des charges un obstacle dirimant, car les critères doivent être appréciés dans leur ensemble. Le sérieux des diligences et la reprise de paiements traduisent une bonne foi suffisante au sens du texte.

Ce faisant, la décision conforte l’office du juge de l’exécution, qui apprécie souverainement l’impossibilité au regard de preuves concrètes, circonstanciées et contemporaines du titre. La cohérence se lit également dans l’économie du dispositif : la durée retenue reste dans la limite légale, et l’équilibre processuel est maintenu par une solution sobre sur les dépens et les frais irrépétibles. Ainsi, la cour protège sans excès et évite l’écueil d’un délai purement dilatoire.

B. Des enseignements pratiques pour la preuve et la prévisibilité des délais

La décision donne une boussole probatoire utile pour les juridictions d’exécution. Des justificatifs de marché, des refus motivés en parc privé, et des traces d’inscriptions ciblées au logement social, composent un faisceau pertinent pour établir l’impossibilité. La reprise de l’indemnité d’occupation et les efforts de régularisation pèsent en faveur de la bonne volonté, sans absoudre d’éventuels impayés antérieurs, appréciés dans leur contexte.

La portée est mesurée mais réelle. En exigeant des éléments circonstanciés et vérifiables, la cour favorise des décisions prévisibles, limitant l’aléa contentieux. La durée d’un an s’inscrit dans la logique de proportionnalité, avec une temporalité suffisante pour un relogement réaliste, sans priver le propriétaire de la perspective d’exécution. Enfin, la réserve sur les frais consacre un équilibre utile, l’accessoire ne devant pas altérer le cœur du contrôle posé par les articles précités.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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