Cour d’appel de Paris, le 3 juillet 2025, n°24/20806

Now using node v22.15.1 (npm v10.8.2)
Utilisation de Node.js v20.19.4 et npm 10.8.2
Codex est déjà installé.
Lancement de Codex…
Par un arrêt du 3 juillet 2025, la cour d’appel de Paris a confirmé l’ouverture d’une liquidation judiciaire prononcée le 26 novembre 2024 par le tribunal de commerce de Bobigny. Le litige portait sur l’articulation entre l’état de cessation des paiements et l’exigence d’un redressement non « manifestement impossible » au sens de l’article L. 640-1 du code de commerce.

La société débitrice exerce une activité de transport routier. Elle est débitrice de cotisations sociales pour 17 832,46 euros sur une période courant de 2020 à 2024, après des tentatives de recouvrement infructueuses, dont une saisie-attribution inopérante et l’établissement d’un certificat d’irrécouvrabilité. Le dossier ne comporte aucun élément comptable récent, et l’activité a cessé à la suite de la décision de première instance.

Saisie par l’organisme de recouvrement en juin 2024, la juridiction consulaire a, par jugement, ouvert une liquidation immédiate, fixé la date de cessation des paiements au 26 mai 2023 et désigné un mandataire liquidateur. Aucune suspension de l’exécution provisoire n’a été sollicitée. La société débitrice a interjeté appel en décembre 2024 pour obtenir l’ouverture d’un redressement judiciaire et le renvoi pour désignation des organes, tandis que l’organisme de recouvrement et le mandataire liquidateur ont conclu à la confirmation. Le ministère public n’a pas émis d’avis.

La question posée à la cour était de savoir si, au regard de l’article L. 640-1, l’ouverture d’une liquidation s’imposait faute de perspectives sérieuses et étayées de redressement. La cour rappelle le texte suivant: « il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l’article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible ». Elle constate l’absence de pièces probantes établissant une reprise viable et juge que « Par conséquent, l’état de cessation des paiements est caractérisé et aucune perspective de redressement n’est démontrée ». Partant, « Le jugement sera confirmé ».

I – Le critère du redressement manifestement impossible

A – Le cadre normatif de l’article L. 640-1 du code de commerce
Le texte conditionne l’ouverture de la liquidation à une double exigence cumulative: cessation des paiements et impossibilité manifeste de redressement. La cour cite littéralement que « il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur (…) en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible », ce qui souligne la fonction de filtre destinée à réserver la liquidation aux situations dépourvues de toute chance sérieuse. Cette lecture s’inscrit dans la hiérarchie des procédures collectives, où le redressement demeure la voie de principe lorsque la sauvegarde de l’entreprise, de l’emploi et de l’apurement du passif conserve une plausibilité raisonnable.

B – L’appréciation in concreto des perspectives de redressement
La cour fonde son analyse sur un faisceau d’indices concordants, notoirement défavorable à la poursuite. Elle retient d’abord une carence probatoire déterminante: « Aucun élément comptable et notamment les comptes ou prévisionnels permettant de vérifier les perspectives de redressement de la société n’a été produit par l’appelante ». Elle souligne encore que « La seule pièce communiquée est les statuts de la société débitrice », ce qui exclut tout contrôle sérieux de la viabilité annoncée. S’ajoute un indicateur chiffré d’ampleur: « Son passif exigible est de 187 729,23 euros (hors passif provisionnel) », tandis qu’aucun actif disponible n’est identifié. Les allégations relatives à une reprise d’activité par l’entremise de proches, dépourvues d’éléments précis et vérifiables, ne suffisent pas à renverser cette convergence. L’impossibilité de redressement revêt alors un caractère manifeste.

II – La valeur et la portée de la solution retenue

A – Une exigence probatoire renforcée pesant sur le débiteur en appel
La décision rappelle que le juge de l’ouverture apprécie les chances de redressement sur pièces et données objectives, ce qui impose au débiteur une démonstration positive. Des prévisionnels étayés, des engagements fermes, des justificatifs d’activité et de financement s’avèrent indispensables. A défaut, la perspective demeure trop hypothétique pour différer la liquidation. En ce sens, la formule retenue, « aucune perspective de redressement n’est démontrée », confirme qu’un simple espoir d’exploitation ultérieure, non chiffré et non documenté, ne répond pas au standard probatoire requis. La solution contribue à sécuriser l’office du juge, qui ne saurait pallier la carence des parties par des conjectures.

B – Des incidences pratiques sur la conduite des procédures collectives
La cour tire les conséquences procédurales habituelles. Elle indique que « Les dépens d’appel seront également passés en frais privilégiés de procédure collective », conformément au régime des frais nés pour les besoins de la procédure. Elle ajoute, au regard de l’équité, « L’équité commande à ce qu’aucune condamnation ne soit prononcée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile », ce qui évite d’aggraver la situation du débiteur sans contrepartie utile. La solution éclaire aussi l’intérêt de solliciter, le cas échéant, l’arrêt de l’exécution provisoire, pour préserver une continuité minimale et fournir les éléments de redressement exigés en appel. Ici, la cessation d’activité postérieure au jugement a renforcé l’impossibilité manifeste, par défaut de dynamique économique vérifiable.

Ainsi, le contrôle exercé par la cour d’appel de Paris demeure pragmatique, centré sur des éléments comptables et opérationnels concrets, et conforme à la finalité de l’article L. 640-1. L’option liquidative s’impose lorsque la preuve d’une relance crédible fait défaut, ce que traduit avec netteté la conclusion: « Le jugement sera confirmé ».

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture