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La question de la détermination des honoraires de l’avocat en cas de dessaisissement prématuré par le client constitue un contentieux récurrent. La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 3 juillet 2025, apporte une illustration significative du mécanisme de substitution de l’honoraire forfaitaire par un honoraire au temps passé.
Un client avait confié la défense de ses intérêts à une société d’avocats dans le cadre d’un appel formé contre un jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Meaux rendu le 23 janvier 2023. Les parties avaient conclu une convention d’honoraires prévoyant un forfait de 3 220 euros TTC, dont une partie était prise en charge par un assureur de protection juridique. Le 30 octobre 2024, le client a dessaisi son conseil avant la plaidoirie prévue le 10 février 2025. La société d’avocats a alors émis une facture de 2 920 euros, déduisant 300 euros au titre de l’absence de plaidoirie.
Contestant cette facturation, le client a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Meaux. Par décision du 21 février 2025, celui-ci a fixé les honoraires à 2 920 euros TTC et condamné le client à payer le solde de 1 638 euros. Le client a formé un recours le 3 mars 2025, sollicitant la restitution de cette somme. La société d’avocats a conclu à la confirmation de la décision du bâtonnier.
Le problème juridique soumis à la Cour était de déterminer si, en présence d’une convention d’honoraires forfaitaires comportant une clause de dessaisissement, les diligences accomplies par l’avocat avant la fin prématurée de sa mission justifiaient les honoraires réclamés.
La Cour d’appel de Paris déclare le recours recevable et confirme la décision du bâtonnier, fixant les honoraires à 2 920 euros TTC. Elle retient que « le client ayant dessaisi son avocat avant l’achèvement de sa mission, la convention d’honoraires liant les parties ne peut recevoir application ». Les honoraires sont dès lors calculés selon la clause de dessaisissement prévoyant « un honoraire au temps passé sur la base de 250 euros de l’heure HT ».
L’examen de cette décision conduit à analyser le régime applicable aux honoraires en cas de dessaisissement anticipé (I), puis à en mesurer les implications pratiques (II).
I. La substitution du mode de calcul des honoraires en cas de dessaisissement
La Cour établit le principe d’inapplicabilité du forfait initial (A) et consacre la primauté de la clause de dessaisissement (B).
A. L’inapplicabilité du forfait en l’absence d’achèvement de la mission
La Cour énonce que « le client ayant dessaisi son avocat avant l’achèvement de sa mission, la convention d’honoraires liant les parties ne peut recevoir application ». Cette formulation traduit un principe essentiel de la convention forfaitaire. Le forfait constitue un engagement global lié à l’exécution complète de la prestation convenue. La rupture unilatérale du mandat par le client avant son terme prive le forfait de son fondement.
Cette solution s’inscrit dans une logique contractuelle cohérente. L’honoraire forfaitaire suppose une contrepartie intégrale. L’avocat accepte un prix fixe en échange de la certitude de conduire la mission jusqu’à son terme. Le dessaisissement rompt cet équilibre. La jurisprudence reconnaît ainsi depuis longtemps que le dessaisissement constitue un événement qui modifie les termes de l’accord initial.
La décision rappelle également que « le paiement effectué par le client l’a été au vu d’une facture non détaillée puisque rappelant l’existence du forfait convenu ». Cette observation justifie que le client soit « valablement fondé à le remettre en cause ». L’absence de détail permettait la contestation, même après paiement partiel.
B. L’application de la clause de dessaisissement
La Cour indique que « les honoraires susceptibles de revenir à la SCP d’avocats seront dès lors fixés au regard de la clause de dessaisissement qui remplace l’honoraire forfaitaire initial par un honoraire au temps passé sur la base de 250 euros de l’heure HT ». Cette clause constitue un mécanisme conventionnel de substitution.
Les conventions d’honoraires modernes prévoient fréquemment de telles clauses. Elles anticipent l’hypothèse du dessaisissement et déterminent par avance le mode de calcul applicable. La Cour applique cette stipulation contractuelle sans la remettre en cause. Le client, en signant la convention, avait accepté ce mécanisme subsidiaire. Sa liberté de mettre fin au mandat demeure entière, mais elle s’exerce dans le cadre convenu.
La clause prévoyait un taux horaire de 250 euros hors taxes. Ce tarif n’est pas contesté par le client. La discussion porte uniquement sur l’étendue des diligences accomplies et leur valorisation.
II. L’appréciation concrète des diligences et les limites du contentieux
La Cour procède à l’évaluation des prestations accomplies (A) et délimite strictement son office (B).
A. L’évaluation des diligences accomplies
La Cour recense les travaux réalisés par la société d’avocats. Elle mentionne « l’ouverture du dossier et l’étude de celui-ci, la rédaction d’une requête en interprétation et de conclusions de dix pages au fond, ainsi que l’échange de mails ». Cette énumération correspond aux tâches habituelles d’un avocat en matière d’appel.
L’arrêt précise que « l’appréciation relève de la compétence de cette cour ». Le premier président statue en effet souverainement sur la valeur des diligences accomplies. Il dispose d’un pouvoir d’appréciation étendu pour évaluer si le temps facturé correspond à un travail réel et utile.
La Cour retient finalement la somme de 2 920 euros TTC, confirmant ainsi l’appréciation du bâtonnier. Elle valide implicitement le calcul effectué par la société d’avocats qui avait spontanément déduit 300 euros pour tenir compte de l’absence de plaidoirie. Cette déduction témoigne d’une application loyale de la clause de dessaisissement.
B. La délimitation stricte de l’office du juge de l’honoraire
La Cour rappelle fermement les limites de sa compétence. Elle souligne que « la présente procédure prévue par les articles 175 et suivants du décret du 27 novembre 1991 est distincte de toute action visant à mettre en œuvre la responsabilité de l’avocat ». Le client conserve la faculté d’engager une telle action, mais elle « relève de la compétence exclusive du juge de droit commun ».
Cette précision revêt une importance particulière. Le contentieux de l’honoraire porte exclusivement sur la fixation de la rémunération due à l’avocat pour ses diligences. Il ne permet pas de discuter de la qualité du travail accompli ni d’éventuelles fautes professionnelles. Le client qui estimerait avoir subi un préjudice du fait de son conseil devrait saisir le tribunal judiciaire.
La Cour ajoute que la procédure de l’honoraire est également distincte de celle « concernant le fond de l’affaire et le dommage dont M. [W] [B] entend obtenir réparation ». L’origine du litige ayant conduit à l’intervention de l’avocat demeure étrangère au débat sur les honoraires. Cette séparation des contentieux garantit la clarté des débats et évite toute confusion entre la rémunération du conseil et le sort du litige principal.