Cour d’appel de Paris, le 3 septembre 2025, n°21/00683

Par un arrêt du 3 septembre 2025, la Cour d’appel de Paris a confirmé le licenciement pour faute grave d’une salariée du secteur des transports urbains. Le litige naît de manquements comptables imputés à l’intéressée, dans un environnement procédural structuré par un rapprochement différé des opérations.

Engagée en 2015 comme opératrice de contrôle, l’intéressée s’est vu reprocher plusieurs écarts comptables entre juillet et novembre 2018, portant notamment sur des versements manquants. Convoquée le 6 mars 2019 puis licenciée le 14 mai 2019, elle contestait l’exactitude des imputations et l’ampleur des manquements allégués par l’employeur.

Le conseil de prud’hommes de Paris a rejeté l’ensemble des demandes, décision frappée d’appel par la salariée dans les délais légaux. Devant la cour, l’appelante invoquait la prescription disciplinaire, l’absence de faute grave et un préjudice moral, tandis que l’employeur justifiait par une traçabilité stricte et des alertes internes.

La difficulté centrale portait, d’une part, sur le point de départ du délai de l’article L.1332‑4 et, d’autre part, sur la caractérisation d’une faute grave. La cour a rejeté l’exception de prescription et validé la rupture, relevant que « Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a rejeté le moyen tiré de la prescription ».

I. La prescription disciplinaire à l’épreuve du rapprochement comptable

A. Le point de départ du délai de l’article L.1332‑4

Le texte de référence fixe un délai préfix de deux mois courant de la connaissance des faits par l’employeur. La décision rappelle expressément que l’article L.1332‑4 dispose: « Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales. »

Le raisonnement s’appuie ensuite sur le processus comptable interne, qui retarde la connaissance utile par une certification différée après rapprochement des opérations. Il est relevé que « Le délai incompressible de rapprochement comptable est de 45 jours en fonctionnement nominal (si aucun retard pris à chaque étape) ».

B. Une convocation réputée non tardive au regard des pièces

L’analyse factuelle retient comme date de connaissance la première alerte interne adressée au service de rattachement par courriel le 8 février 2019. La cour en déduit que « la convocation à l’entretien préalable du 3 mars 2019 n’est pas tardive », le point de départ étant postérieur à la certification.

En conséquence, l’exception de prescription ne prospère pas, l’intervalle entre la connaissance avérée et l’engagement des poursuites demeurant inférieur au délai légal.

II. La faute grave et ses effets sur la rupture

A. Imputabilité personnelle des écarts et charge de la preuve

La cour énonce d’abord un rappel de principe: « Il est de jurisprudence constante que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. » Elle précise encore: « C’est à l’employeur qu’incombe la charge de rapporter la preuve de la faute grave, étant ajouté que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ».

L’imputabilité ressort ici des dispositifs de traçabilité comptable, imposant une utilisation nominative des outils et un fléchage personnel des versements et contenants. La décision retient à cet égard: « Au vu de la procédure stricte mise en place, la cour retient que les versements ne sont pas réalisés de façon confuse au sein d’une équipe, mais par un seul agent facilement identifiable par son nom et son matricule ». Le caractère répété des anomalies et leur cumul financier confortent la qualification, au-delà d’incidents isolés, en manquements graves aux obligations essentielles du poste.

B. Portée de la gravité: préavis, mesures conservatoires et préjudice allégué

La conséquence tirée par la juridiction est ferme: la gravité rend impossible toute poursuite de la relation, « le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis ». Il est également rappelé que « La mise à pied conservatoire n’est pas un préalable obligatoire à un licenciement pour faute grave ».

Les prétentions indemnitaires pour rupture brutale et vexatoire sont écartées, faute d’éléments probants et de caractérisation précise du préjudice invoqué. La cour constate l’absence de démonstration, affirmant: « Le moyen de ce chef est donc rejeté ».

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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