Cour d’appel de Paris, le 3 septembre 2025, n°21/01720

Rendue par la Cour d’appel de Paris le 3 septembre 2025, la décision commente une demande de liquidation d’astreinte attachée à l’obligation de délivrer des documents de fin de contrat. Le juge d’appel censure le jugement d’une juridiction prud’homale ayant procédé à une liquidation provisoire plusieurs années après l’injonction initiale, en appréciant l’exécution invoquée par l’employeur.

Les faits utiles tiennent à une relation de travail temporaire exécutée dans une entreprise utilisatrice, puis rompue en décembre 2015. Par jugement du 28 février 2017, le conseil de prud’hommes d’Auxerre a ordonné la remise d’une attestation Pôle emploi rectifiée, de bulletins de paie de préavis et d’un certificat de travail, sous astreinte, en se réservant sa liquidation. Le salarié a ultérieurement sollicité la liquidation, soutenant une inexécution persistante.

La procédure d’appel a été introduite en 2021 contre le jugement de liquidation provisoire rendu en 2021. Les écritures tardives de l’intimé ont été déclarées irrecevables par ordonnance de mise en état, puis confirmées par un arrêt antérieur de la même cour, laquelle rappelle que « La cour a confirmé l’irrecevabilité des conclusions par arrêt du 30 octobre 2024 ». L’instance est ainsi recentrée sur le seul bien-fondé de la liquidation et sur les demandes accessoires.

La question posée à la Cour d’appel de Paris portait sur les conditions d’une liquidation d’astreinte au regard d’éléments probatoires d’exécution datés d’avril 2017, et sur la possibilité de la supprimer intégralement. La cour retient que « Il résulte des lettres recommandées versées aux débats que les documents sollicités ont été adressés », ce qui conduit à l’infirmation du jugement, la juridiction ajoutant que « Le jugement sera dès lors infirmé, aucune astreinte n’étant due ». Elle constate enfin, au dispositif, que « CONSTATE que les documents sollicités ont été envoyés ; » et rejette la demande de dommages et intérêts pour abus au motif que « il n’est démontré aucune intention malveillante dès lors il ne sera pas fait droit à cette demande ».

I. Le sens de la décision: exécution et liquidation de l’astreinte

A. L’office du juge de la liquidation et la fonction coercitive de l’astreinte
L’astreinte vise à contraindre le débiteur récalcitrant à s’exécuter, sans constituer une réparation autonome, ce que rappelle implicitement l’arrêt. En phase de liquidation, le juge apprécie l’exécution, les diligences accomplies et la période utile, pouvant réduire ou supprimer la somme en considération d’une exécution intervenue. La cour retient ici une exécution suffisamment caractérisée par des envois recommandés, neutralisant la finalité coercitive et vidant de cause la liquidation réclamée.

La conséquence juridique réside dans la faculté de supprimer la liquidation quand l’obligation litigieuse a été exécutée dans un délai et selon des modalités jugées satisfaisantes. En se plaçant sur ce terrain, la cour privilégie l’effectivité sur la sanction et décline la nature provisoire de l’astreinte, instrument de pression cessant de produire effet une fois l’obligation accomplie.

B. La caractérisation probatoire de l’exécution par pièces postales
La motivation insiste sur la force probante d’échanges recommandés versés aux débats, établissant une remise des documents dès avril 2017. La cour se satisfait d’un faisceau d’indices concordants, dont elle extrait le passage suivant: « Il résulte des lettres recommandées versées aux débats que les documents sollicités ont été adressés ». Au regard de cette chronologie, l’astreinte perd son objet, l’exécution effective privant la liquidation de fondement.

La solution évite un formalisme excessif concernant le mode précis de remise, l’essentiel tenant à la preuve d’une transmission loyale et opérationnelle. En l’espèce, la constatation de la réalité de l’envoi, corroborée par des accusés, suffit à écarter toute somme due au titre de l’astreinte, qui retrouve son rôle de moyen de contrainte et non de revenu de substitution.

II. Valeur et portée: rigueur mesurée et rappels procéduraux

A. Une solution conforme au régime de l’astreinte et à l’exigence d’effectivité
La suppression de la liquidation s’inscrit dans le pouvoir d’appréciation reconnu au juge, orienté par la fonction incitative de l’astreinte. La cour privilégie la conformité au droit positif en évitant qu’une astreinte devienne une peine automatique, indépendante de l’exécution réelle. Le raisonnement demeure sobre: les pièces attestent l’envoi, l’exécution est tenue pour acquise, l’astreinte ne se liquide pas.

Cette approche présente un double mérite. Elle sécurise le débiteur diligent en valorisant une exécution documentée et assez rapide, tout en prévenant le maintien artificiel d’astreintes déconnectées du manquement. Elle n’exclut pas, en d’autres hypothèses, une liquidation partielle lorsque le retard est caractérisé, mais elle refuse ici toute somme dès lors que l’exécution est suffisamment établie.

B. Purge de l’incident et encadrement des demandes accessoires
La formation de jugement rappelle d’abord la stabilité procédurale née de la décision antérieure: « La cour a confirmé l’irrecevabilité des conclusions par arrêt du 30 octobre 2024 ». L’instance d’appel se trouve ainsi purgée des écritures tardives, ce qui ramène le débat sur la seule liquidation et ses accessoires. Ce rappel renforce la lisibilité du périmètre contentieux.

S’agissant de l’abus, la cour rejette la demande indemnitaire par une motivation exigeant la preuve d’une dérive procédurale caractérisée: « il n’est démontré aucune intention malveillante dès lors il ne sera pas fait droit à cette demande ». L’exercice d’une action en liquidation, même infondée au regard d’une exécution prouvée, ne suffit pas. La condamnation aux frais irrépétibles tire enfin les conséquences de la succombance, après que la cour a, au dispositif, « CONSTATE que les documents sollicités ont été envoyés ; », consacrant une solution cohérente et mesurée.

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Hassan KOHEN
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