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Par un arrêt de la Cour d’appel de Paris, pôle 6, chambre 6, du 3 septembre 2025 (RG 22/04165), la cour statue sur la contestation d’un licenciement pour faute grave prononcé à l’encontre d’un salarié cadre commercial. L’affaire naît dans le contexte de la reprise d’activité post-confinement, l’employeur ayant fixé un rythme hybride et des présences obligatoires en présentiel certaines après-midis. Sont reprochées des absences répétées à des créneaux imposés, une défaillance à une réunion commerciale décalée pour permettre la présence du salarié, ainsi qu’un comportement inadapté en réunion.
Le conseil de prud’hommes de Bobigny, par jugement du 2 mars 2022, avait dit la faute grave caractérisée et débouté le salarié de ses prétentions indemnitaires. En appel, le salarié sollicitait la requalification du licenciement, des rappels indemnitaires de rupture et, subsidiairement, l’indemnisation d’une irrégularité procédurale. La cour confirme la qualification de faute grave et donc le rejet des indemnités de rupture, tout en retenant une irrégularité procédurale tenant à l’invocation d’un fait postérieur à l’entretien préalable non évoqué lors de celui-ci. La solution se résume ainsi: «Les manquements rendaient ainsi impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La faute grave est caractérisée et le licenciement prononcé pour ce motif est justifié.» En revanche, «l’un des motifs du licenciement, l’absence du 11 juin 2020, n’a pas été abordée lors de l’entretien préalable […] ce qui constitue une irrégularité de procédure», réparée par une indemnité forfaitaire de 1 000 euros.
I. Le sens de la décision: la caractérisation d’une insubordination gravement fautive
A. La prescription disciplinaire et l’effet mobilisable d’une sanction antérieure
La cour encadre d’abord le recours à des faits antérieurs en rappelant les articles L. 1332-4 et L. 1332-5 du code du travail. Les manquements de 2019 ne pouvaient plus, isolément, fonder de nouvelles poursuites, mais l’avertissement notifié dans le délai triennal demeurait opposable. La motivation est nette: «Il n’était pas antérieur de plus de trois années au moment de la nouvelle procédure disciplinaire et pouvait ainsi être valablement invoqué par l’employeur à l’appui de la nouvelle sanction, ce qui permettait de rappeler les faits qui avaient alors été sanctionnés.» La cour évite toutefois d’en faire un socle unique et vérifie l’autonomie des griefs récents, en triant les comportements pertinents.
Cette sélectivité s’illustre à propos d’un message tenu sur un groupe de discussion interne, que la lettre de licenciement présentait comme irrespectueux. La cour juge que «Ce propos ne comporte pas d’irrespect particulier envers une personne de l’entreprise et ne constitue pas un manquement du salarié», ce qui montre la volonté de circonscrire le périmètre fautif aux comportements réellement attentatoires à l’autorité hiérarchique.
B. Les absences répétées aux consignes explicites et le comportement en réunion
Le cœur de l’analyse concerne les absences aux créneaux de présentiel imposés et rappelés, ainsi que l’attitude lors d’une réunion commerciale. Les échanges de courriels, l’historique des convocations et les attestations établissent des manquements rapprochés, après rappel des règles. La cour souligne que «Les absences ont eu lieu alors que des consignes explicites avaient été données, et rappelées», puis que «Leur répétition dans un bref délai et le comportement lors de la réunion caractérisent une insubordination renouvelée du salarié.»
La gravité tient à la combinaison des absences injustifiées aux plages de présence, de la gêne organisée d’une réunion, et du détachement affiché lors d’une séance de travail. La cour précise encore que «L’absence de mise à pied à titre conservatoire au cours de la procédure de licenciement n’est pas incompatible avec l’existence d’une faute grave», rappel utile sur l’autonomie de la qualification au regard des mesures conservatoires. L’ensemble fonde le constat final, déjà cité, quant à l’impossibilité de maintien et à la faute grave.
II. Valeur et portée: équilibre entre discipline en présentiel et garanties procédurales
A. Une exigence de loyauté renforcée pendant la reprise d’activité
La solution s’inscrit dans une jurisprudence constante: le refus réitéré d’exécuter des directives claires relatives à l’organisation du travail caractérise une insubordination pouvant revêtir la gravité requise. Le raisonnement, sobre, s’appuie sur des consignes précises, un rappel formalisé et des manquements rapprochés. L’appréciation du comportement en réunion n’est pas autonome, mais renforce la conclusion disciplinaire. La cour ménage toutefois les libertés individuelles et la liberté d’expression interne, en écartant le grief tiré du message de groupe jugé non irrespectueux, ce qui renforce la cohérence de l’arrêt.
La décision fournit également un garde-fou probatoire: elle admet une attestation manuscrite du collègue, jugée suffisamment précise et accompagnée d’une pièce d’identité, malgré l’absence d’une formule standardisée. L’économie du raisonnement demeure pragmatique, centrée sur la crédibilité des éléments produits et la chronologie serrée des manquements.
B. La sanction de l’irrégularité procédurale et son impact mesuré
Sur la procédure, la cour rappelle que l’entretien préalable fixe la discussion contradictoire des griefs. Le licenciement motivé par un fait postérieur non évoqué lors de cet entretien méconnaît les droits de la défense. D’où l’affirmation: «l’un des motifs du licenciement, l’absence du 11 juin 2020, n’a pas été abordée lors de l’entretien préalable […] ce qui constitue une irrégularité de procédure.» Cette irrégularité n’affecte pas la cause réelle et sérieuse lorsqu’elle est, par ailleurs, établie et suffisante; elle ouvre seulement droit à l’indemnité prévue par l’article L. 1235-2.
La cour module donc la réparation «Compte tenu d’un salaire mensuel de 7 516 euros […] la somme de 1 000 euros sera allouée […] au titre de l’indemnité pour procédure irrégulière.» La portée pratique est double. D’une part, l’employeur doit veiller à cantonner sa lettre aux griefs débattus lors de l’entretien, ou à reconvoquer si des faits nouveaux surgissent. D’autre part, le salarié conserve un levier indemnitaire autonome malgré la confirmation de la faute grave, ce qui incite à une discipline procédurale constante.