Cour d’appel de Paris, le 3 septembre 2025, n°23/07964

Par un arrêt du 3 septembre 2025, la Cour d’appel de Paris, Pôle 3 – Chambre 1, tranche un contentieux successoral international opposant des cohéritiers au conjoint survivant. La décision aborde la compétence internationale du juge français, la loi applicable et plusieurs conséquences patrimoniales.

Le défunt, de double nationalité, est décédé en Israël en 2017. Son patrimoine comprend un immeuble situé en Seine‑Saint‑Denis et des avoirs bancaires. Un écrit présenté comme testament, daté du 7 juin 2017, institue le conjoint survivant légataire universel et désigne la loi israélienne.

Après le décès, un acte de notoriété a été établi en France. Le conjoint survivant a exercé l’option prévue par l’article 1094‑1 du code civil. Les enfants ont saisi le tribunal judiciaire de Bobigny pour le partage. Par jugement du 13 février 2023, le tribunal a retenu la loi française, annulé le testament, ouvert les opérations de liquidation, et sanctionné un recel successoral.

Les appelants sollicitent la compétence du juge israélien, l’application de la loi israélienne par professio juris, la validité du testament, l’absence de recel et l’exclusion d’une réintégration de l’assurance‑vie. Les intimés demandent confirmation sur la loi applicable et la nullité du testament, réformation sur le recel, et réintégration des primes d’assurance‑vie.

La Cour d’appel de Paris confirme la compétence du juge français et l’application de la loi française, déclare le testament nul, écarte le recel, et refuse la réintégration des primes au titre de l’exagération. Elle précise les critères utiles tirés du règlement européen et du code civil.

I. Compétence internationale et loi applicable

A. Résidence habituelle et compétence du juge français

La juridiction d’appel rappelle d’abord le contrôle d’office imposé par le règlement successions. Elle énonce: « Il convient donc de vérifier si le tribunal judiciaire de Bobigny n’était pas incompétent pour connaître du litige successoral ». Cette exigence découle de l’article 15 du règlement n° 650/2012 et conduit à apprécier la résidence habituelle au décès.

La cour vise l’article 4 du règlement et son considérant 24 pour retenir un faisceau d’indices, incluant régularité de présence, raisons du séjour, et attaches stables. Elle constate des paiements récurrents de charges en France, un suivi médical prolongé sur le territoire, et l’absence d’éléments probants d’une installation effective à l’étranger. Le décès survenu à l’étranger n’emporte pas, à lui seul, transfert de résidence habituelle.

Sur cette base, la cour statue sans ambiguïté: « Ajoutant au jugement, il sera en conséquence dit que le tribunal judiciaire de Bobigny est compétent pour connaître du litige successoral ». Cette compétence retient corrélativement l’application de la loi française à défaut d’un choix valable.

B. Professio juris et nullité du testament

L’article 22 du règlement autorise un choix de loi, encore faut‑il un acte valable au fond. La cour examine la portée d’actes produits à l’étranger et souligne l’absence de décision juridictionnelle tranchant la validité du testament. Elle relève: « Il n’est ainsi pas justifié d’une décision de justice ayant statué au fond sur la validité du testament ».

La preuve de l’authenticité de la signature constitue le cœur du débat. La cour rappelle un principe de méthode probatoire: « S’il est de principe que le juge ne peut forger sa conviction sur la seule foi d’une expertise privée non contradictoire ». Elle confronte toutefois deux rapports détaillés, non critiqués, et les autres indices du dossier, pour conclure à l’inauthenticité de la signature et à la nullité de l’acte.

La solution est nette et ferme: « C’est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que le testament du 7 juin 2017 était nul et de nul effet ». La conséquence suit immédiatement; en l’absence d’acte valable, « Le testament étant nul, il ne peut valoir professio juris ». La loi française, corrélée à la résidence habituelle, gouverne donc l’ensemble de la succession.

II. Conséquences sur les effets successoraux

A. Recel successoral: éléments constitutifs et statut du conjoint

L’article 778 du code civil commande une approche en deux temps. La cour en synthétise la portée: « Il s’évince de cet article que le recel, délit civil, se caractérise par deux éléments, un élément matériel […] et un élément intentionnel de nature frauduleuse résultant de la volonté de rompre l’égalité dans le partage ». Elle insiste sur la nécessité d’un partage entre cohéritiers et sur l’exigence de l’intention dolosive.

Le conjoint survivant n’est pas à l’écart du mécanisme lorsqu’il vient en propriété, et non en seul usufruit. La cour rectifie l’analyse de première instance: « C’est donc de façon erronée que les premiers juges ont fait application d’une jurisprudence qui exonère le conjoint survivant ». L’examen approfondi ne révèle pas l’intention requise; la simple invocation d’un testament ensuite déclaré nul ne suffit pas. La sanction de recel est donc écartée, sans expertise complémentaire jugée utile au litige.

B. Assurance‑vie: primes manifestement exagérées et utilité

Les intimés invoquaient l’article L.132‑13 du code des assurances pour solliciter une réintégration. La cour rappelle le critère directeur, étroitement finalisé: « Le caractère manifestement exagéré des sommes versées sur un contrat d’assurance-vie s’apprécie tout particulièrement au regard de l’utilité de l’opération pour le souscripteur ». Elle apprécie l’âge, l’état de santé, le patrimoine résiduel, l’origine des fonds et l’usage du produit.

Le versement contesté procède d’une gestion patrimoniale prudente, après cession d’un immeuble commercial, sans épuisement de l’actif et avec une utilité financière tangible. Faute d’établir des rachats ou un capital dénoué excessif, la preuve de l’exagération n’est pas rapportée. La conclusion s’impose, claire et brève: « Le caractère manifestement exagéré du montant de la prime n’est donc pas démontré. »

La cohérence d’ensemble se dégage. La Cour d’appel de Paris, le 3 septembre 2025, articule la compétence, la loi applicable, et les effets patrimoniaux autour de critères sûrs et contrôlables, sans céder à des automatismes procéduraux.

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Hassan KOHEN
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