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Cour d’appel de Paris, 3 septembre 2025 (Pôle 6 – chambre 1-A). Saisie d’un déféré, la juridiction tranche la recevabilité d’une déclaration d’appel en matière prud’homale effectuée sans représentation obligatoire. La question tient aux effets d’un acte accompli par lettre recommandée, sans avocat ni défenseur syndical, et à sa possible régularisation.
Un salarié avait saisi le conseil de prud’hommes pour la requalification de missions en contrat à durée indéterminée, puis la juridiction prud’homale avait constaté l’extinction de l’instance pour caducité de la citation. L’intéressé a adressé une déclaration d’appel par lettre recommandée, enregistrée postérieurement, sans représentation constituée.
Alerté par le greffe, l’appelant a constitué un avocat après l’expiration du délai d’appel. Le conseiller de la mise en état a cependant admis la recevabilité, retenant la possibilité d’une régularisation dans un délai de trois mois. L’intimée a déféré l’ordonnance, soutenant l’irrecevabilité de l’appel, faute de représentation dans le délai de forclusion.
La question de droit était la suivante. Une déclaration d’appel en matière sociale, faite par lettre recommandée sans représentant habilité, peut-elle être régularisée par la constitution ultérieure d’un avocat et interrompt-elle le délai d’appel ? La cour répond négativement, en jugeant que « ces irrégularités ne sont pas des causes de nullité de la déclaration d’appel mais en application des dispositions précitées, elles entraînent l’irrecevabilité de celle-ci, laquelle ne produit aucun effet interruptif du délai d’appel ».
I – Le régime de la représentation obligatoire et la qualification d’irrecevabilité
A – Représentation obligatoire et modes de saisine en appel social
La chambre sociale de la cour d’appel connaît d’un contentieux marqué par la représentation obligatoire, organisée par les textes combinés du code du travail et du code de procédure civile. Le rappel de principe est net : « Les parties peuvent se défendre elles-mêmes, sous réserve des cas dans lesquels la représentation est obligatoire. » La matière prud’homale en appel relève précisément de cette exception, le représentant étant un avocat ou, à défaut, un défenseur syndical.
Le régime procédural distingue nettement les vecteurs des actes selon le représentant choisi. En cas de recours à un avocat, la remise électronique s’impose, à peine d’irrecevabilité, conformément aux prescriptions de la dématérialisation. Si un défenseur syndical est constitué, l’envoi papier par lettre recommandée reste admis, dans les strictes formes prévues par les textes.
Le dossier révèle une déclaration d’appel adressée par lettre recommandée sans représentant, puis la constitution d’un avocat postérieure à l’expiration du délai. Cette séquence soulève une question de qualification, décisive pour l’issue du déféré, qui commande la sanction applicable et les effets attachés à l’acte.
B – Absence de nullité régularisable, présence d’une fin de non-recevoir
La cour écarte toute analyse en nullité de forme, privilégiant la logique de la fin de non-recevoir, dont le régime est plus strict et insusceptible de régularisation hors délai. Le motif est explicite et ferme : « ces irrégularités ne sont pas des causes de nullité de la déclaration d’appel mais en application des dispositions précitées, elles entraînent l’irrecevabilité de celle-ci, laquelle ne produit aucun effet interruptif du délai d’appel ».
L’argument tiré d’une régularisation par la constitution d’un avocat se heurte à l’exigence préalable d’un acte d’appel conforme. La formule retenue par la cour dissipe toute ambiguïté : « Non seulement cette constitution est tardive mais surtout elle ne peut tenir lieu d’acte d’appel alors qu’il convenait de former celui-ci conformément aux dispositions tirées de l’article 901 du code de procédure civile ».
Cette qualification emporte une conséquence immédiate. L’ordonnance de recevabilité est infirmée, puisque la déclaration initiale, irrecevable, n’a pas pu interrompre le délai. Aucune régularisation ultérieure ne peut suppléer l’absence d’un acte d’appel valable dans le temps utile.
II – Portée du défaut d’effet interruptif et rejet des transpositions prétoriennes
A – Inefficacité interruptive et forclusion acquise
L’acte irrecevable demeure sans effet sur le cours du délai d’appel, que la cour qualifie de délai de forclusion. Dès lors, seule la réitération régulière dans le temps utile aurait pu préserver les droits de l’appelant. La décision souligne que la répétition n’était possible qu’à une condition précise : « à condition de le faire dans le délai de forclusion, c’est-à-dire au plus tard le 10 mai 2024 ».
La démarche suivie par le greffe n’infléchit pas ce cadre impératif. Les échanges d’organisation ne confèrent aucun pouvoir d’appréciation sur la recevabilité, laquelle relève exclusivement de la norme procédurale. Le rappel est utile : « le greffe ne disposant d’aucun pouvoir d’appréciation à cet égard ».
Cette solution consacre un formalisme fonctionnel, articulé autour de la sécurité des délais et de la clarté des vecteurs procéduraux. Elle renforce la lisibilité des rôles des acteurs, tout en imposant une vigilance accrue lors de l’exercice des voies de recours.
B – Inapplicabilité de la jurisprudence relative à la saisine d’une juridiction incompétente
L’appelant invoquait des arrêts de la deuxième chambre civile admettant la régularisation, dans l’hypothèse d’une saisine d’une juridiction incompétente, le délai ayant été interrompu par la première déclaration d’appel (Civ. 2e, 1er oct. 2020, n° 19-11.490 ; Civ. 2e, 5 oct. 2023, FS-B, n° 21-21.007). La cour refuse la transposition, en raison de la différence de nature du vice et du fondement textuel.
Le motif écarte clairement cette analogie : « ces arrêts ne sont nullement transposables à la présente espèce dès lors que ceux-ci ne s’appliquent qu’au cas de saisine d’une juridiction incompétente dont l’article 2241 al 2 du code civil dispose expressément qu’elle produit un effet interruptif du délai de forclusion ; ce qui n’est pas le cas d’un appel interjeté sans avocat ni défenseur syndical ».
La distinction opère sur la qualité de l’acte introductif et le support légal de l’interruption. La saisine incompétente bénéficie d’un texte, l’appel irrégulièrement formé en matière sociale n’en bénéficie pas. En filigrane se lit une cohérence du système, qui protège la prévisibilité au prix d’un formalisme strict.
L’économie de la décision, enfin, éclaire la pratique : en appel social, l’anticipation de la représentation et le respect des vecteurs procéduraux conditionnent l’accès au juge du second degré. La solution, rigoureuse, s’inscrit dans une politique de sécurisation des délais et ferme la voie aux régularisations tardives.