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La Cour d’appel de Paris, 3 septembre 2025 (Pôle 6 – Chambre 1-A), statuant sur déféré, tranche une difficulté d’articulation entre l’irrecevabilité d’une déclaration d’appel remise par voie non électronique et la caducité invoquée au titre de l’article 908 du code de procédure civile. L’ordonnance du conseiller de la mise en état avait retenu l’incorporation d’une seconde déclaration à la première et fait courir le délai de trois mois à compter du premier dépôt.
Les faits utiles sont simples. À la suite d’un jugement prud’homal défavorable, l’appelant a adressé une première déclaration d’appel par courrier, puis a formé une seconde déclaration par voie électronique dans le délai d’un mois. Un troisième appel a ensuite été formé puis suivi d’un désistement. Le conseiller de la mise en état a joint les procédures, compté le délai de l’article 908 à partir du premier acte et prononcé la caducité.
La question de droit portait sur la qualification de la première déclaration d’appel au regard de l’article 930-1 du code de procédure civile et sur ses effets procéduraux. S’agissait-il d’un vice régularisable permettant l’incorporation de la seconde déclaration, ou d’une fin de non-recevoir excluant toute saisine et imposant de faire courir le délai de l’article 908 à compter de la seule déclaration régulière.
L’arrêt répond en deux temps. D’abord, il affirme l’irrecevabilité de la première déclaration, remise par courrier, au visa de l’article 930-1. Ensuite, il refuse toute incorporation de la seconde déclaration à la première, faute de saisine initiale, et écarte la caducité en retenant que le délai de trois mois a couru depuis l’appel régulier. La solution s’appuie sur plusieurs attendus décisifs, notamment: « A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. » et « Il reste néanmoins que la saisine irrégulière d’une cour d’appel, qui fait encourir une irrecevabilité à l’appel, n’interdit pas à son auteur de former un second appel, même sans désistement préalable du premier appel, sous réserve de l’absence d’expiration du délai d’appel et que le premier appel n’ait pas été déclaré irrecevable. »
I. Le sens de la décision: l’irrecevabilité exclut toute incorporation
A. La portée de l’article 930-1 et la nature de la sanction
L’arrêt opère une qualification nette de la sanction attachée au non-respect de la voie électronique. L’extrait « A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. » rappelle que la contrariété à cette exigence ne relève pas de la nullité de forme ou de fond, mais d’une fin de non-recevoir qui empêche la saisine. La Cour en déduit que l’acte irrégulier n’interrompt aucun délai de forclusion et ne peut initier l’instance d’appel.
Cette qualification commande le traitement de la seconde déclaration. La Cour affirme la possibilité d’un nouvel appel, dès lors qu’il intervient dans le délai d’un mois et qu’aucune décision d’irrecevabilité n’a déjà frappé le premier. Elle le dit sans ambiguïté: « Il reste néanmoins que la saisine irrégulière (…) n’interdit pas à son auteur de former un second appel (…) sous réserve de l’absence d’expiration du délai d’appel et que le premier appel n’ait pas été déclaré irrecevable. »
B. Le refus d’incorporation et le point de départ du délai de l’article 908
La Cour distingue le régime des déclarations irrégulières mais saisissantes de celui des déclarations irrecevables. Elle écarte l’argument tiré de l’incorporation consacré par une jurisprudence relative aux actes nuls, erronés ou incomplets, en retenant que l’irrecevabilité exclut toute saisine. La formule décisive clôt le débat: « Dans ces conditions aucune régularisation dans le délai pour conclure n’était possible ni encore moins une quelconque incorporation de la seconde déclaration d’appel à la première. »
Les conséquences sur les délais sont immédiates. Le délai de l’article 908 court à compter de la seule déclaration valable, transmise par voie électronique. Les conclusions de l’appelant, remises précisément le jour de l’échéance, empêchent toute caducité. La Cour le souligne expressément: « Dès lors, la déclaration d’appel n’est nullement caduque et l’ordonnance entreprise sera infirmée. »
II. Valeur et portée: une clarification utile des délais et des jonctions
A. Une solution cohérente avec les lignes jurisprudentielles récentes
La solution s’inscrit dans une lecture rigoureuse des textes et des précédents. Les décisions ayant admis l’incorporation d’une seconde déclaration à la première visent des hypothèses où la Cour était valablement saisie par un acte nul ou incomplet. Ici, l’irrecevabilité, en tant que fin de non-recevoir, interdit d’assimiler l’acte initial à un support de saisine. Le rappel de la possibilité d’un second appel dans le délai, déjà admise (Civ. 2e, 1er oct. 2020, n° 19-11.490), complète utilement l’édifice.
La Cour d’appel de Paris précise ainsi la frontière entre irrecevabilité et nullité. Elle réserve l’incorporation aux seules situations où l’acte initial a saisi la juridiction, et refuse d’en étendre la logique aux cas où la saisine a fait défaut. Cette distinction renforce la sécurité juridique des délais de l’article 908.
B. Conséquences pratiques: détermination du dies a quo et neutralité de la jonction
L’enseignement principal tient au point de départ du délai pour conclure. Lorsque la première déclaration est irrecevable au titre de l’article 930-1, le délai de trois mois court exclusivement depuis la déclaration électronique régulière. Cette clarification évite que l’appelant soit pénalisé par un acte qui n’a jamais saisi la Cour, tout en préservant l’exigence de diligence.
L’arrêt rappelle enfin la neutralité de la jonction. La Cour énonce que « la jonction d’instance ne crée pas une instance unique et laisse à chaque procédure son identité propre », tout en soulignant qu’une telle mesure, insusceptible de recours, ne modifie ni le régime de recevabilité, ni le calcul des délais. Cette précision confirme que l’économie des délais demeure attachée à la régularité propre de chaque déclaration.