Cour d’appel de Paris, le 3 septembre 2025, n°25/02771

Rendue par la Cour d’appel de Paris, Pôle 6 – chambre 1-A, le 3 septembre 2025, la décision ici commentée statue sur un déféré formé contre une ordonnance du conseiller de la mise en état du 20 mars 2025. Elle tranche la question de la caducité de la déclaration d’appel au regard de l’article 902 du code de procédure civile et évoque l’incidence possible de l’article 84, alinéa 2, pour les jugements statuant exclusivement sur la compétence.

Les faits utiles tiennent en peu d’éléments. Une juridiction prud’homale a décliné sa compétence par jugement du 3 octobre 2024. L’appel a été interjeté le 6 novembre 2024. Après avis du greffe du 27 décembre 2024, la déclaration d’appel et des conclusions ont été signifiées par acte de commissaire de justice le 23 janvier 2025. Le 20 mars 2025, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d’appel sur le fondement de l’article 902. Un déféré a été formé le 26 mars 2025.

Devant la Cour d’appel de Paris, l’appelante sollicitait l’infirmation de l’ordonnance et la recevabilité de son appel. Elle soutenait avoir respecté le délai de signification prévu par l’article 902 et contestait toute exigence de transmission de l’acte au greffe avant l’expiration de ce délai. L’intimée n’a pas conclu.

La question de droit portait sur la portée du délai d’un mois prévu par l’article 902, notamment sur le point de savoir si seule la réalisation de la signification dans ce délai est requise, ou si la preuve de cette signification devait encore être produite au greffe avant son expiration. La Cour d’appel de Paris retient que « A peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office, la signification doit être effectuée dans le mois suivant la réception de cet avis. » Partant, elle constate la signification dans le délai et décide que « Dès lors, elle ne saurait encourir la caducité sur le fondement du texte précité et l’ordonnance entreprise sera infirmée. » Le dispositif consacre la solution en ces termes: « Dit que la déclaration d’appel n’encourt pas la caducité sur le fondement de l’article 902 du code de procédure civile. » La cour souligne toutefois une autre source potentielle de caducité en cas de jugement statuant exclusivement sur la compétence, sans pouvoir en connaître dans le cadre du déféré, et « Invite néanmoins les parties à conclure sur l’éventuelle caducité de la déclaration d’appel en application de l’article 84 al.2 du code de procédure civile. »

I. La caducité au titre de l’article 902 du code de procédure civile

A. L’exigence d’une signification dans le mois, non d’un dépôt au greffe

Le texte, cité par la cour, énonce clairement la condition temporelle et son régime de sanction: « A peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office, la signification doit être effectuée dans le mois suivant la réception de cet avis. » L’impératif vise l’accomplissement de l’acte de signification dans le délai utile. L’économie de l’article 902 privilégie la notification de la déclaration d’appel à l’intimé lorsque le greffe n’a pu notifier ou lorsque l’intimé n’a pas constitué avocat.

En refusant d’ériger en condition de validité la transmission au greffe de la preuve de cette signification avant l’échéance, la cour n’ajoute pas au texte. Elle sépare nettement l’acte exigé, son délai, et la preuve de celui-ci, laquelle peut être rapportée a posteriori. La caducité ne peut frapper que si la signification n’a pas été effectuée dans le délai, non si la preuve n’a pas été versée au greffe à temps.

B. L’application au cas d’espèce: signification régulière et infirmation de l’ordonnance

La cour constate une signification intervenue le 23 janvier 2025, avant la date d’expiration du 27 janvier 2025. Elle en déduit, sans détour, que « Dès lors, elle ne saurait encourir la caducité sur le fondement du texte précité et l’ordonnance entreprise sera infirmée. » Le dispositif reformule la portée de la solution, qui scelle l’absence de caducité: « Dit que la déclaration d’appel n’encourt pas la caducité sur le fondement de l’article 902 du code de procédure civile. » La lecture adoptée sécurise la finalité de l’article 902: garantir l’information de l’intimé et la poursuite de l’instance, sans multiplier les conditions non prévues.

II. Le périmètre du déféré et la perspective d’une caducité fondée sur l’article 84, alinéa 2

A. La limite de la saisine de la cour statuant sur déféré

La cour délimite son office avec précision. Elle rappelle ne pouvoir connaître, dans le cadre du déféré, que de la caducité prononcée par l’ordonnance critiquée. Elle le dit expressément: « La cour, statuant dans les limites de sa saisine sur déféré, ne peut se prononcer sur ce chef de caducité mais renvoie la présente affaire à la conférence virtuelle de mise en état du lundi 20 octobre 2025 à 9h afin que les parties fasse valoir leurs observations à cet égard. » Le déféré ne se transforme pas en contrôle général de la recevabilité de l’appel. Il oblige, en revanche, à attirer l’attention des parties sur un grief procédural distinct, s’il apparaît des pièces.

Cette autocontention juridictionnelle protège l’équilibre du contradictoire. Elle évite une surprise contentieuse et préserve l’architecture des voies de recours. Elle distingue clairement le contentieux de la caducité 902, circonscrit par l’ordonnance déférée, d’une autre cause possible de caducité liée à la nature du jugement attaqué.

B. La vigilance procédurale requise en cas de jugement statuant sur la compétence

La cour signale le risque procédural propre aux jugements statuant exclusivement sur la compétence. Dans cette hypothèse, l’article 84, alinéa 2, conduit l’appelant à solliciter, dans le délai d’appel, une autorisation d’assigner à jour fixe ou une fixation prioritaire. À défaut, une caducité spécifique peut être encourue. La démarche retenue est pragmatique. Elle invite les parties à s’expliquer avant toute décision, conformément au contradictoire, et à ajuster la suite de l’instance.

La formule retenue éclaire la suite procédurale: « Invite néanmoins les parties à conclure sur l’éventuelle caducité de la déclaration d’appel en application de l’article 84 al.2 du code de procédure civile. » La renvoyant à la mise en état, la cour ménage un temps d’examen ordonné, utile à la sécurité juridique. L’arrêt, prudent sur ce point, rappelle l’importance des circuits spécifiques d’appel en matière de compétence et incite les praticiens à une vigilance accrue dès la notification du jugement.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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