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Rendu par la Cour d’appel de Paris, Pôle 6 – chambre 1‑A, le 3 septembre 2025 (RG n° 25/02854), l’arrêt statue sur un déféré dirigé contre une ordonnance du 1er avril 2025 ayant prononcé la caducité de la déclaration d’appel sur le fondement de l’article 911 du code de procédure civile. L’instance d’origine, née d’un litige prud’homal, a donné lieu à un appel formé le 13 juin 2024, l’appelant ayant déposé ses conclusions au greffe le 26 juin 2024, tandis que l’intimée a constitué avocat le 2 juillet 2024. Un incident de caducité a été soulevé le 27 janvier 2025 au motif d’une absence de notification des conclusions dans les délais, puis accueilli par le conseiller de la mise en état.
L’appelant demandait l’infirmation de l’ordonnance, soutenant que ses écritures avaient été remises en temps utile au greffe, que l’intimée en avait eu connaissance et y avait répondu, et qu’une transmission par courriel avait eu lieu le 13 janvier 2025. L’intimée sollicitait la confirmation, invoquant la rigueur des prescriptions de l’article 911 et l’absence de notification à son avocat dans le délai requis. La question posée à la cour portait sur l’étendue et les modalités de l’obligation de notification des conclusions de l’appelant lorsque l’intimée ne s’est pas encore constituée à la date du dépôt au greffe, puis se constitue dans le mois. La solution confirme la caducité, la cour retenant que l’appelant devait notifier ses écritures à l’avocat ultérieurement constitué dans le délai d’un mois suivant la remise au greffe, aucune régularisation ultérieure ne pouvant effacer le manquement. L’analyse exigera d’abord d’éclairer la logique du dispositif de l’article 911 et son application temporelle, puis d’apprécier la valeur et la portée d’une sanction automatique confrontée aux exigences du contradictoire.
I) Le régime et l’économie de l’article 911 du code de procédure civile
A) La double temporalité de la notification des conclusions et la sanction de caducité
Le texte distingue la notification aux avocats dans le même délai que la remise au greffe et, subsidiairement, la signification aux parties non constituées dans un délai spécifique. La cour rappelle la lettre du texte, selon laquelle « Sous les sanctions prévues aux articles 905‑2 et 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour ». Elle énonce que, lorsque la constitution intervient après ce dépôt, la notification doit néanmoins intervenir dans le mois suivant, en s’adressant à l’avocat désormais constitué.
L’arrêt fixe précisément le point de départ et le terme du délai en ces termes: « En l’espèce, la société intimée n’ayant pas constitué avocat à la date de dépôt au greffe des conclusions du 26 juin 2024, il appartenait à l’appelant de les notifier à l’avocat adverse constitué ultérieurement […] dans le mois suivant la remise au greffe des conclusions, soit le 26 juillet 2024 au plus tard. » La sanction demeure la caducité de la déclaration d’appel, attachée aux manquements visés par les articles 908 à 910, que le juge peut relever d’office.
B) La mise en œuvre concrète: absence de régularisation par connaissance ou échanges
La cour écarte l’argument tiré d’une transmission informelle et tardive. Elle relève que « Cette communication n’avait cependant pu se faire par RPVA dès lors que ce dernier n’était pas encore constitué », ajoutant qu’« Il n’est pas soutenu que la communication aurait été faite selon un autre moyen dans le délai prescrit à l’article 911 du code de procédure civile. » Elle juge également sans effet la circonstance que l’intimée a conclu dans le délai de l’article 909, retenant que « Il est tout aussi inopérant que l’intimé ait conclu au fond le 25 novembre 2024 […] cette circonstance n’étant pas de nature à régulariser l’absence de notification des conclusions d’appelant en application des textes précités. »
La cour déclare encore inopérant le moyen fondé sur la notification de la déclaration d’appel prévue à l’article 902, en relevant que « […] l’invocation de l’arrêt de la Cour de cassation (Cass. civ. 2e, 14 novembre 2019, n° 18‑22.167), se révèlent totalement inopérants dès lors qu’ils se rapportent à la notification de la déclaration d’appel […] et non pas à la notification des conclusions de l’appelant. » La solution confirme ainsi la stricte autonomie des régimes de notification respectifs.
II) Appréciation de la solution: rigueur procédurale et portée pratique
A) La cohérence systémique d’une sanction automatique et la sécurité des délais
La solution s’inscrit dans une conception rigoureuse du calendrier impératif de l’appel, qui articule la remise au greffe et la notification avec un formalisme protecteur de l’égalité des armes. En imposant la notification dans le mois suivant le dépôt lorsque la constitution intervient après celui‑ci, la cour prévient les incertitudes liées aux échanges officieux et préserve l’intelligibilité du contradictoire. La référence jugée inopérante à l’article 902 souligne la différence de logique: la régularité de la déclaration d’appel ne compense pas une défaillance dans la mise en état des débats.
Cette interprétation, fidèle au texte, vise la prévisibilité des délais et la discipline de l’instance. Elle écarte, sans excès, les théories de la connaissance acquise et refuse que la diligence de l’intimé régularise le manquement initial. En confirmant que « Il y a donc lieu de confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise », la cour privilégie la normativité procédurale sur les considérations opportunes, lesquelles sont inégales et aléatoires.
B) Portée et enseignements pratiques pour la conduite de l’appel
La portée est double. D’une part, l’appelant doit, lorsqu’il dépose ses conclusions avant la constitution de l’adversaire, organiser sans délai la signification ou, si un avocat se constitue avant l’expiration du mois, procéder à la notification à ce dernier dans le même délai. D’autre part, la connaissance effective des écritures par l’intimé et ses propres conclusions demeurent indifférentes à la régularisation, sauf texte contraire. La décision clarifie ainsi le point de jonction entre l’événement « constitution » et l’exigence de notification dans la fenêtre d’un mois.
Cette rigueur répond à une exigence de sécurité juridique dans les procédures à bref délai comme dans la procédure ordinaire, et elle incite à une vigilance accrue sur la preuve de l’envoi. L’usage exclusif de canaux idoines, dûment horodatés, s’impose pour éviter toute discussion sur la date et la qualité de la notification. La solution, ferme mais lisible, contribue à stabiliser la pratique et à limiter les contentieux d’incident liés aux transmissions informelles ou tardives.