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L’obligation pour les organismes de sécurité sociale de respecter les formalités préalables au recouvrement forcé des cotisations constitue une garantie fondamentale pour les redevables. L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 4 septembre 2025 illustre les conséquences du défaut de mise en demeure préalable à la délivrance d’une contrainte.
Un entrepreneur individuel exerçant une activité d’électricien a fait l’objet d’une saisie-attribution pratiquée le 3 janvier 2024 entre les mains d’un établissement de paiement électronique, pour un montant de 4 125,25 euros. Cette mesure d’exécution a été diligentée en vertu d’une contrainte décernée le 2 novembre 2023 par l’organisme de recouvrement des cotisations sociales.
Le débiteur a contesté cette saisie devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Évry. Par jugement du 9 avril 2024, le juge de l’exécution a débouté le requérant de ses demandes, constatant que la contrainte avait été régulièrement signifiée et qu’aucune opposition n’avait été formée. Le juge a estimé que le créancier pouvait se prévaloir de ce titre exécutoire et que le débat sur le fond échappait à ses pouvoirs.
L’entrepreneur a interjeté appel le 7 mai 2024. Il a sollicité l’annulation de la contrainte et de la saisie-attribution, invoquant l’absence de mise en demeure préalable. L’organisme de recouvrement, bien que régulièrement assigné, n’a pas constitué avocat.
La question posée à la Cour d’appel de Paris était la suivante : le défaut de mise en demeure préalable à la délivrance d’une contrainte entraîne-t-il la nullité de celle-ci et, par voie de conséquence, celle de la mesure d’exécution forcée pratiquée sur son fondement ?
La cour a infirmé le jugement et annulé la contrainte. Elle a jugé que « toute action aux fins de recouvrement de cotisations de sécurité sociale doit être précédée, à peine de nullité, de l’envoi d’une mise en demeure adressée au redevable ». Elle a précisé que « l’inobservation de cette prescription qui constitue l’omission d’un acte et non un vice de forme, affecte la validité du titre, sans que soit exigée la preuve d’un grief ».
L’exigence de la mise en demeure préalable constitue une formalité substantielle du recouvrement forcé des cotisations sociales (I). Son omission emporte des conséquences radicales sur la validité du titre exécutoire et de la mesure d’exécution (II).
I. La mise en demeure préalable, formalité substantielle du recouvrement forcé
La cour rappelle le caractère impératif de la mise en demeure préalable (A) et précise sa fonction protectrice à l’égard du débiteur (B).
A. Le caractère impératif de la mise en demeure préalable
La Cour d’appel de Paris fonde sa décision sur l’article L. 244-2 du code de la sécurité sociale. Ce texte impose que toute action ou poursuite en recouvrement de cotisations soit « obligatoirement précédée » d’une mise en demeure adressée au redevable. La cour en déduit que cette formalité est exigée « à peine de nullité ».
Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante de la Cour de cassation. La deuxième chambre civile a rappelé à de nombreuses reprises que la mise en demeure constitue un préalable obligatoire à toute procédure de recouvrement forcé. L’organisme de recouvrement ne saurait s’en dispenser au motif que le débiteur connaîtrait sa dette par ailleurs.
La cour relève qu’en l’espèce, l’organisme de recouvrement « n’est pas justifié de l’envoi de la lettre de mise en demeure préalable ». Cette absence de preuve suffit à caractériser le manquement. La charge de la preuve du respect des formalités préalables incombe au créancier poursuivant. Le juge de l’exécution avait omis de vérifier ce point dans son jugement.
B. La fonction protectrice de la mise en demeure
La cour précise la double fonction de la mise en demeure. Elle constitue d’abord « une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti ». Elle doit ensuite permettre « à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation ».
Cette exigence d’information préalable du débiteur répond à un impératif de loyauté procédurale. Le redevable doit pouvoir vérifier le bien-fondé de la créance réclamée et, le cas échéant, exercer les voies de recours appropriées. La mise en demeure ouvre le délai pour former opposition à la contrainte ultérieurement décernée.
La mise en demeure garantit également le respect du contradictoire. Elle permet au débiteur de contester la dette avant toute mesure d’exécution forcée. Cette garantie apparaît d’autant plus importante que la contrainte produit les effets d’un jugement une fois le délai d’opposition expiré.
II. Les conséquences de l’omission de la mise en demeure préalable
L’absence de mise en demeure constitue une irrégularité de fond affectant la validité du titre (A) et entraînant l’annulation de la mesure d’exécution pratiquée (B).
A. Une irrégularité de fond affectant la validité du titre
La cour qualifie l’omission de la mise en demeure avec précision. Elle affirme que « l’inobservation de cette prescription constitue l’omission d’un acte et non un vice de forme ». Cette qualification emporte des conséquences importantes sur le régime de la nullité.
En matière de nullité pour vice de forme, l’article 114 du code de procédure civile exige la démonstration d’un grief. La cour écarte cette exigence en qualifiant l’irrégularité d’omission d’un acte. Elle juge que l’absence de mise en demeure « affecte la validité du titre, sans que soit exigée la preuve d’un grief ».
La cour ajoute que cette exception de nullité « peut être opposée en tout état de cause ». Le débiteur peut donc soulever ce moyen même s’il n’a pas formé opposition à la contrainte dans le délai légal. Cette solution permet de sanctionner efficacement le manquement de l’organisme de recouvrement aux formalités préalables.
B. L’annulation de la mesure d’exécution et ses suites
La cour tire les conséquences de la nullité de la contrainte sur la saisie-attribution pratiquée. Elle juge que « la saisie-attribution ayant été pratiquée sans titre exécutoire valable doit être annulée et sa mainlevée ordonnée ». L’annulation du titre prive rétroactivement la mesure d’exécution de tout fondement.
La cour fait ensuite application de l’article L. 111-7 du code des procédures civiles d’exécution. Ce texte prévoit que le créancier est responsable des dommages causés par une mesure d’exécution abusive ou diligentée sans titre. Elle alloue au débiteur une somme de 150 euros en réparation du préjudice résultant du blocage de ses liquidités durant dix-huit mois. Elle ordonne également le remboursement des frais bancaires de 25 euros.
Cette solution rappelle que les organismes de sécurité sociale ne sauraient s’affranchir des garanties procédurales. Le respect de la mise en demeure préalable conditionne la régularité de l’ensemble de la procédure de recouvrement forcé. Son omission expose le créancier à l’annulation de ses poursuites et à l’indemnisation du préjudice causé au débiteur.