Cour d’appel de Paris, le 4 septembre 2025, n°24/09064

La Cour d’appel de Paris, 4 septembre 2025, statue sur des mesures d’exécution pratiquées à l’encontre de cautions d’un bail commercial. Le contrat, reçu en la forme authentique le 14 juin 2019, prévoyait un engagement de caution solidaire des dettes locatives. Le locataire a été placé en redressement, puis en liquidation, et le créancier a diligenté des saisies, notamment de droits sociaux et sur comptes. Saisis, les débiteurs ont contesté la validité du cautionnement, puis les poursuites. Par jugement du 25 avril 2024, le juge de l’exécution a partiellement cantonné les mesures, rejeté les nullités et les demandes indemnitaires, et statué sur les dépens. Les appelants invoquent l’ambiguïté de l’identité du débiteur garanti, l’absence de plafond entraînant l’inefficacité des renonciations au bénéfice de discussion et de division, et sollicitent la mainlevée ou une limitation accrue. L’intimé conclut à la confirmation, conteste toute nullité, et demande l’indemnisation de frais. La question posée concerne, d’une part, l’identification du débiteur cautionné et l’exigence de protection de la caution dans un acte authentique, et, d’autre part, la portée de l’ancien article L.331-3 du code de la consommation sur les renonciations et les conditions d’exercice du bénéfice de discussion, avec leurs incidences sur le cantonnement de la créance. La cour confirme le jugement, retient la validité du cautionnement, constate l’inefficacité des renonciations faute de plafond, mais refuse la mainlevée totale en l’absence de mise en œuvre régulière du bénéfice de discussion, et maintient le cantonnement à 302 769,18 euros.

I. Le sens de la décision

A. L’identification du débiteur garanti par lecture d’ensemble de l’acte authentique
La cour se fonde sur la nature de l’acte et la cohérence terminologique pour écarter l’argument d’ambiguïté. Elle retient une interprétation contextualisée du contrat, où les termes « preneur » et « locataire » renvoient à une même personne juridique, telle qu’identifiée par le bail. Elle insiste sur la lecture intégrale réalisée et sur la portée de la représentation par procuration, qui rattache les déclarations de caution à l’économie du bail. La finalité protectrice de l’acte authentique demeure, mais n’autorise pas à créer une équivoque artificielle. L’acte désigne suffisamment l’obligation garantie, par référence à la dette locative née du bail, et permet à la caution de connaître l’étendue de son engagement.

B. Les renonciations réputées non écrites et l’impossibilité d’en déduire une nullité
La cour se réfère à l’ancien article L.331-3 du code de la consommation pour rappeler que, faute de plafond contractuel global, les clauses de solidarité et la renonciation au bénéfice de discussion sont inefficaces. Elle précise la règle d’applicabilité, par une affirmation de principe qui s’inscrit dans la lignée antérieure: « Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, ces dispositions sont applicables au cautionnement civil ou commercial, même constaté par acte authentique. » Toutefois, elle refuse d’en déduire une mainlevée automatique, et recentre le débat sur les conditions d’exercice de la discussion. Elle énonce en ce sens: « Toutefois, cette circonstance ne saurait entraîner la nullité ou justifier la mainlevée totale des mesures d’exécution, dans la mesure où les appelants ne remplissent pas les conditions de mise en œuvre du bénéfice de discussion. » La solution confirme l’articulation entre protection de la caution et rigueur procédurale, l’inefficacité des renonciations ne dispensant pas de solliciter la discussion lors des premières poursuites et d’en assumer les charges.

II. La valeur et la portée de la solution

A. La cohérence du régime protecteur et la charge procédurale de la caution
La décision s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle claire sur deux points. D’abord, l’ancien article L.331-3 irrigue aussi l’acte authentique, ce qui consolide l’unité du statut de la caution personne physique face au professionnel. Ensuite, l’inefficacité des renonciations ne transforme pas le bénéfice de discussion en mécanisme automatique. La cour rappelle implicitement les exigences anciennes: invocation dès les premières poursuites, indication d’actifs, et avance des deniers. En ne constatant pas ces diligences, elle maintient l’effectivité des mesures. La portée est double: pédagogique sur la discipline procédurale attendue des cautions, et conservatoire pour la stabilité des poursuites en présence d’une procédure collective du débiteur principal.

B. Les incidences pratiques: cantonnement, dépôt de garantie, loyers postérieurs
Sur le quantum, la cour confirme le cantonnement à 302 769,18 euros après compensation avec le dépôt de garantie. Elle écarte toute réduction additionnelle au titre des loyers postérieurs au jugement d’ouverture, faute de preuve d’un paiement effectif au créancier, et affirme une règle opérationnelle claire: « S’agissant d’un cautionnement, il n’y a pas lieu de distinguer selon que la créance de loyers se rapporte à une période antérieure au jugement d’ouverture ou à une période postérieure. » Cette affirmation évite une segmentation artificielle du passif garanti et recentre le débat sur la preuve des règlements. Le raisonnement se conclut par une confirmation globale de la validité des poursuites, dont la portée s’apprécie sans excès: « Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de nullité et de mainlevée totale des mesures d’exécution. » L’économie générale de la décision renforce la lisibilité du régime: protection matérielle par le plafonnement exigé, protection procédurale par la discussion, mais charge probatoire maintenue sur la caution en matière de paiements et d’actifs.

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Hassan KOHEN
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