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La Cour d’appel de Paris, 5 septembre 2025, Pôle 6 – chambre 12, statue sur l’opposabilité des arrêts et soins consécutifs à un accident du travail. Un salarié, gardien d’immeuble, a déclaré un fait accidentel le 10 janvier 2020, immédiatement suivi d’un certificat médical initial assorti d’un arrêt de travail. L’organisme de sécurité sociale a pris en charge l’accident au titre de la législation professionnelle et a servi des prestations jusqu’à la consolidation.
L’employeur a contesté, devant la commission de recours amiable puis devant le tribunal judiciaire de Créteil, non la reconnaissance du caractère professionnel, mais l’imputabilité des arrêts et soins enregistrés. Le jugement du 18 juin 2021 a cependant déclaré inopposable la décision de prise en charge, au motif d’une production insuffisante des pièces médicales. En appel, l’organisme soutient l’application de la présomption d’imputabilité dès lors qu’un arrêt initial a été prescrit, et l’employeur s’en remet à justice.
La question posée tient à l’étendue de la présomption d’imputabilité de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale et à la charge probatoire pesant sur l’employeur lorsqu’un certificat initial assorti d’un arrêt a été délivré. La Cour réforme le jugement, recentre le litige sur la seule imputabilité des arrêts et soins, et rappelle que « Il résulte de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, que la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial est assorti d’un arrêt de travail, s’étend à toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime ». Elle en déduit l’opposabilité à l’employeur des arrêts et soins jusqu’à la consolidation, faute de preuve contraire rapportée.
I. La clarification du périmètre du litige et la réaffirmation de la présomption d’imputabilité
A. La rectification de l’objet du recours et l’erreur du premier juge
La Cour constate l’absence de contestation de la reconnaissance initiale du caractère professionnel, expressément rappelée dans la saisine préalable. Le premier juge a statué ultra petita en déclarant inopposable la décision de prise en charge de l’accident, alors que seul l’enjeu probatoire relatif aux arrêts et soins était soumis au débat. La réformation s’imposait pour rétablir la portée exacte du recours, strictement limitée à l’imputabilité des prestations postérieures.
Ce recentrage conditionne l’examen du régime probatoire applicable. L’effet attaché à la reconnaissance d’un accident du travail demeure, tandis que l’opposabilité des arrêts et soins dépend de la présomption légale et, le cas échéant, de sa réfutation par l’employeur. La Cour adopte dès lors une méthode en deux temps, distinguant l’acquisition du caractère professionnel et l’imputabilité continue des conséquences médicales jusqu’à consolidation.
B. L’application concrète de la présomption légale et la charge probatoire de renversement
La Cour rappelle la règle de principe, déjà citée, et ajoute que « Il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire, à savoir celle de l’existence d’un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l’accident ou la maladie ou d’une cause extérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs » (2e Civ., 12 mai 2022, n° 20-20.655). Le certificat médical initial décrit des lésions physiques et psychiques et prescrit un arrêt dès le jour des faits, ce qui déclenche la présomption.
Aucune pièce versée par l’employeur ne vient établir une cause étrangère totale ni un état antérieur évoluant pour son propre compte. Les prolongations médicales mentionnent la persistance de troubles en lien avec les lésions initiales, notamment psychiques. La Cour retient en conséquence l’opposabilité de l’ensemble des arrêts et soins jusqu’à la consolidation, et infirme le jugement en toutes ses dispositions.
II. La cohérence jurisprudentielle et la portée pratique de la solution retenue
A. Une solution conforme à la ligne de la Cour de cassation
La motivation s’inscrit dans une construction jurisprudentielle désormais exigeante sur la charge de la preuve. En reprenant la règle de l’article L. 411-1, la Cour d’appel aligne son raisonnement sur les décisions de la deuxième chambre civile, qui refusent d’exiger de l’organisme social la production de justifications médicales détaillées lorsque la présomption joue. La Cour le dit sans détour en citant le principe selon lequel la présomption couvre la période antérieure à la guérison ou à la consolidation dès qu’un arrêt initial a été prescrit.
La portée matérielle de la présomption est, de plus, précisément circonscrite par le rappel suivant, qui commande l’analyse des lésions et de leurs suites: « Ainsi, la présomption d’imputabilité à l’accident des soins et arrêts subséquents trouve à s’appliquer aux lésions initiales, à leurs complications, à l’état pathologique antérieur aggravé par l’accident, mais également aux lésions nouvelles apparues dans les suites de l’accident » (2e Civ., 24 juin 2021, n° 19-24.945). La Cour d’appel applique ce canevas sans le distordre, en exigeant seulement une preuve contraire pertinente et exclusive.
B. Des effets contentieux resserrant le débat probatoire et sécurisant la prise en charge
La solution ferme la voie aux contestations reposant sur l’insuffisance alléguée des pièces médicales produites par l’organisme lorsque l’arrêt initial existe. Le débat utile porte sur l’existence d’une cause totalement étrangère ou d’un état antérieur évoluant pour son propre compte, démontrés par des éléments médicaux précis rapportés par l’employeur. À défaut, l’opposabilité des arrêts et soins s’impose jusqu’à la consolidation.
Ce schéma renforce la sécurité juridique des prises en charge et limite les incidences financières de contentieux tardifs. Il incite les employeurs à documenter sans délai les éléments objectifs de rupture du lien causal, plutôt que de discuter la complétude du dossier produit. La décision maintient néanmoins une voie de contestation effective, strictement probatoire, en réservant le renversement de la présomption aux hypothèses d’exclusion causale totale ou d’autonomie évolutive d’un état antérieur suffisamment étayé. En l’espèce, l’absence de preuve contraire, conjuguée à la continuité des certificats jusqu’à la consolidation, justifie l’opposabilité retenue et la condamnation aux dépens, tandis que le rejet des frais irrépétibles atteste d’une appréciation mesurée de l’équité procédurale.