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Par un arrêt du 5 septembre 2025, la cour d’appel de Paris statue sur l’opposabilité à l’employeur d’une prise en charge au titre du tableau 57 C. Une salariée, affectée à des fonctions de back office en gestion immobilière, a déclaré en 2019 un syndrome du canal carpien gauche avec mention d’un EMG en 2017 et d’un traitement conservateur ultérieur. La caisse a reconnu le caractère professionnel en 2019, l’employeur a saisi la juridiction de sécurité sociale, puis a obtenu l’inopposabilité en 2021, avant l’appel de la caisse.
Le litige concentre deux séries de griefs, relatifs au délai de prise en charge et à l’exposition au risque tels qu’exigés par le tableau 57 C. La caisse soutient que la date de première constatation médicale peut être fixée au vu de l’EMG de 2017, sans production du compte rendu, ce qui ferait tomber l’argument tiré du délai. L’employeur réplique que le certificat initial de 2019 ne mentionne pas de date antérieure probante, que les pièces sont lacunaires et qu’aucune exposition spécifique n’est établie, s’agissant d’un poste tertiaire.
La question de droit porte sur l’étendue des pouvoirs du service médical dans la détermination de la première constatation, sur les exigences probatoires attachées au tableau 57 C et, surtout, sur la nécessité d’établir le membre dominant pour asseoir la présomption. La cour retient que la date de l’EMG peut fonder la première constatation, valide le délai, reconnaît en principe l’exposition par l’activité bureautique, mais écarte l’opposabilité faute de preuve du membre dominant. Elle cite d’abord le fondement légal, selon lequel « L’article L.461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale établit une présomption d’origine professionnelle » et précise que « la présomption suppose deux conditions cumulatives : une médicale […], et une administrative ». Il convient d’examiner la cohérence de ce raisonnement puis sa portée pratique.
I. L’articulation de la présomption légale avec la détermination médicale et temporelle
A. La fixation de la première constatation par le service médical
La cour rappelle l’office du service médical de manière ferme et détaillée. Elle énonce que « le médecin conseil doit restituer à la maladie déclarée sa bonne dénomination, et fixer la date de première constatation médicale au regard de l’entier dossier médical, sans être tenu par les déclarations du salarié, ni par le certificat médical initial ». Elle ajoute que « S’il est tenu de donner la nature des examens pratiqués et leur date, rien ne l’oblige à citer le nom du professionnel » ni « de produire le compte-rendu protégé par le secret médical ». Cette affirmation sécurise la méthode: la date de l’EMG peut valoir première constatation dès lors que sa nature et sa date sont identifiables, sans exigence d’une pièce couverte par le secret.
La solution s’inscrit dans une conception pragmatique du rôle du médecin conseil, conciliant la confidentialité médicale avec l’exigence de vérifiabilité. Elle ménage l’égalité des armes en imposant l’indication de la nature et de la date des examens, ce qui permet la contradiction utile, sans fragiliser le secret. Une telle approche évite le formalisme du seul certificat initial et valorise l’ensemble des éléments médicaux disponibles, y compris antérieurs.
B. Le contrôle du délai de prise en charge à l’aune du tableau 57 C
Sur le délai, la cour retient explicitement que « La date du 7 mars 2017 étant antérieure à la date de son premier arrêt de travail du 18 septembre 2017, la condition tenant au délai de prise en charge ne peut qu’être considérée comme satisfaite ». En validant la première constatation par référence à l’EMG, elle neutralise l’argument tiré de l’écart temporel avec le certificat initial de 2019. Le raisonnement demeure fidèle à la logique du tableau, centré sur l’apparition objectivable des signes, et non sur la chronologie des déclarations administratives.
Cette lecture conforte la sécurité juridique des dossiers où des investigations paracliniques ont précédé la formalisation administrative. Elle limite, toutefois, la marge de contestation de l’employeur lorsque les traces documentaires sont succinctes. La cour y répond indirectement par l’exigence d’une mention précise de la nature et de la date de l’examen, ce qui constitue un garde-fou suffisant au stade probatoire.
II. L’exigence d’une exposition spécifique et la preuve du membre dominant
A. La caractérisation des gestes bureautiques au regard du tableau 57 C
La cour rappelle la teneur du tableau 57 C, selon lequel la présomption joue « dès lors que le salarié justifie de travaux comportant de façon habituelle, soit des mouvements répétés ou prolongés d’extension du poignet ou de préhension de la main, soit un appui carpien, soit une pression prolongée ou répétée sur le talon de la main ». Elle en déduit que, pour un poste intégralement informatisé, l’exposition peut être reconnue, soulignant que, « Contrairement à ce que soutient la mutuelle », les déclarations concordent sur l’usage continu de l’ordinateur impliquant des appuis carpiens habituels.
La solution fait avancer la qualification des tâches tertiaires sous l’angle du tableau 57 C. Elle évite une lecture restrictive indexée au seul secteur d’activité, et privilégie la réalité des gestes. Cette orientation respecte l’économie des tableaux, qui s’attachent au risque fonctionnel. Elle incite les employeurs à documenter plus finement l’ergonomie, les cadences et les mesures de prévention, au-delà de la description générique du poste.
B. La centralité probatoire du membre dominant et la portée de l’inopposabilité
Le pivot de l’arrêt tient à l’exigence relative au membre dominant. La cour relève qu’ »il devrait être tenu compte du membre dominant » et constate l’absence de toute précision au dossier. Elle en tire la conséquence décisive: « A défaut de précisions sur cette question, on doit considérer que la caisse n’apporte pas la preuve de ce que [la salariée] était exposée au risque professionnel du poignet pris en charge ». Cette lacune probatoire emporte confirmation de l’inopposabilité, nonobstant la satisfaction des autres conditions.
La solution est exigeante, mais cohérente avec la finalité du tableau, qui corrèle l’atteinte au côté le plus sollicité. Elle prévient une extension mécanique de la présomption à un poignet potentiellement non dominant, surtout en l’absence de bilatéralité suffisamment étayée. Elle appelle, en pratique, une instruction plus rigoureuse des dossiers, incluant la mention explicite de la latéralité et, le cas échéant, la saisine du comité régional si l’exposition demeure incertaine. À court terme, la décision sécurise les employeurs sur le terrain de l’opposabilité et incite les caisses à standardiser la traçabilité de la dominance, élément désormais déterminant de la preuve.