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Par un arrêt de la Cour d’appel de Paris, Pôle 6 – chambre 12, 5 septembre 2025, la juridiction confirme le jugement du 2 mars 2022. Le litige porte sur l’opposabilité, à l’employeur, de la décision de prise en charge d’un accident du travail au regard des exigences du contradictoire.
Un salarié a déclaré le 23 mars 2021 un accident survenu la veille, accompagné d’un certificat initial mentionnant une lombalgie. La caisse a reconnu le caractère professionnel le 15 juin 2021, puis l’employeur a contesté l’opposabilité de cette décision.
Saisi, le tribunal judiciaire de Bobigny a jugé la décision inopposable à l’employeur. En appel, la caisse soutient avoir informé l’employeur des périodes de consultation et d’observations prévues par les textes, tandis que ce dernier conteste toute preuve de réception conférant date certaine.
La question posée tient à l’effet d’un manquement probatoire sur l’information procédurale prévue par l’article R. 441-8 du code de la sécurité sociale. Plus précisément, l’absence de preuve d’une réception, avec date certaine, au moins dix jours francs avant l’ouverture de la consultation, prive-t-elle d’opposabilité la décision de prise en charge.
La cour rappelle les exigences textuelles en relevant que: « La caisse informe la victime ou ses représentants et l’employeur des dates d’ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation. » Elle constate ensuite l’insuffisance des éléments versés, jugeant que: « Si le texte précité exige qu’il soit justifié d’une date certaine de la réception de ce document, on ne saurait se contenter du fait que l’employeur a complété le questionnaire qui lui était transmis dans les délais car dans ce cas, on ignore toujours la date exacte de réception et donc, la durée de consultation effective possible. » La solution confirmée énonce enfin: « En conséquence, c’est à juste titre que le tribunal a considéré que l’absence de justification par la caisse de la réception de la lettre d’information entraînait l’inopposabilité de la décision de prise en charge, pour violation du caractère contradictoire de la procédure. »
I. La date certaine d’information, condition d’opposabilité
A. Le cadre normatif des délais et de l’information
Le régime issu des articles R. 441-7 et R. 441-8 organise l’instruction autour de délais francs, d’un questionnaire et, le cas échéant, d’une enquête. La décision rappelle que l’information des périodes utiles constitue un préalable impératif, assorti d’un mode de preuve spécifique. L’extrait suivant fixe la norme opératoire, en termes clairs et exigeants: « La caisse informe la victime ou ses représentants et l’employeur des dates d’ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation. »
L’économie du dispositif articule, d’abord, l’identification des fenêtres de consultation et d’observations, ensuite, l’exigence d’une preuve de réception. Cette preuve ne vise pas seulement l’émission, mais la connaissance utile des dates procédurales par les destinataires.
B. L’application aux pièces: insuffisance du questionnaire et défaut de preuve électronique
La cour écarte l’argument tiré du retour du questionnaire dans le délai, faute de garantir la connaissance du calendrier. Elle précise, par une motivation explicite et rigoureuse: « Si le texte précité exige qu’il soit justifié d’une date certaine de la réception de ce document, on ne saurait se contenter du fait que l’employeur a complété le questionnaire qui lui était transmis dans les délais car dans ce cas, on ignore toujours la date exacte de réception et donc, la durée de consultation effective possible. » De même, la preuve par courriel est jugée défaillante: « De même, si la caisse invoque l’envoi d’un courriel le 2 juin 2021 pour l’informer de la l’ouverture de la période de consultation, là encore, elle ne justifie ni de la teneur du courriel ni de sa réception. »
L’analyse se complète par l’appréciation d’un grief concret, tiré de l’absence de consultation du dossier, établi par pièces: « A l’inverse, les copies d’écran qu’elle produit démontrent que la société n’a pas consulté le dossier, ce qui peut s’expliquer par l’absence de connaissance des dates de la procédure d’instruction et constitue un grief pour la société ainsi privée de pouvoir le consulter et de faire des dernières observations, le dossier étant désormais complet. » L’exigence probatoire s’en trouve renforcée et commande la solution d’inopposabilité.
II. Valeur et portée d’une orthodoxie du contradictoire
A. Une consécration ferme de la loyauté procédurale
La motivation consacre une conception substantielle du contradictoire, centré sur l’effectivité d’une consultation informée. La cour souligne la centralité de l’information préalable en des termes sans équivoque: « Il s’en déduit que la lettre d’information des différentes dates de la procédure est l’élément principal de la procédure d’instruction qui rythme les échanges entre les parties, et constitue l’illustration du caractère contradictoire de la procédure. » L’exigence de date certaine ne traduit pas un formalisme gratuit, mais la garantie d’un débat utile avant décision.
Cette approche s’accorde avec la finalité de la réforme intervenue en 2019, qui a densifié le contradictoire en phase d’instruction. Elle impose à l’organisme social une traçabilité robuste de la réception, conforme à l’équilibre des armes.
B. Des effets pratiques structurants pour la gestion du risque
La solution oblige les organismes instructeurs à sécuriser la preuve de réception par des moyens incontestables. À défaut, la décision de prise en charge demeure fragile et risque l’inopposabilité, indépendamment de la matérialité de l’accident alléguée.
Pour les employeurs, l’intérêt est double: accéder effectivement au dossier et formuler des observations utiles, ou, en cas de carence probatoire, opposer la sanction procédurale. La ligne dégagée incite à une vigilance accrue sur la conservation des avis de réception et des preuves électroniques fiables.
En définitive, l’arrêt consolide un standard probatoire clair et aisément vérifiable. Il rappelle, avec constance, que le respect du contradictoire conditionne l’autorité et l’opposabilité des décisions de prise en charge.