Cour d’appel de Paris, le 8 juillet 2025, n°22/06894

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Rendue par la Cour d’appel de Paris le 8 juillet 2025, la décision tranche un litige né d’un licenciement pour faute grave motivé par des irrégularités alléguées de notes de frais. Le salarié, technicien itinérant, avait été engagé en 2014 et licencié en 2020 après mise à pied conservatoire. Il contestait la faute grave et réclamait divers rappels salariaux, le remboursement de frais et des dommages‑intérêts. Le conseil de prud’hommes de Longjumeau avait validé la faute grave et débouté l’ensemble des demandes. L’appel a conduit la juridiction du second degré à confirmer la rupture disciplinaire, tout en accordant des rappels d’heures et le remboursement de certains frais professionnels, et en ordonnant la remise de documents.

La question juridique portait, d’une part, sur la preuve et la qualification de la fraude en matière de remboursement de frais, au regard de la prescription disciplinaire et des pouvoirs de requalification du juge. D’autre part, la cour devait apprécier les créances salariales connexes à la rupture, à l’aune du régime probatoire des heures supplémentaires et des frais professionnels.

« La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié constituant une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis. » La cour rappelle aussi que « La preuve des griefs reprochés au salarié doit être rapportée par l’employeur », et souligne que « Il est constant que le juge a le pouvoir de requalifier la gravité de la faute reprochée au salarié […] il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, […] ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement. » Sur la prescription, la juridiction vise le texte selon lequel « Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au‑delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance […] ». L’arrêt retient enfin, s’agissant des heures, que « En application de l’article L.3171‑4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter […] des éléments suffisamment précis », le juge formant ensuite sa conviction.

I. La caractérisation de la faute grave au prisme des notes de frais

A. Prescription disciplinaire et connaissance effective des faits

La cour vérifie d’abord l’articulation entre délai de l’article L.1332‑4 et découverte des irrégularités. Elle constate l’absence de preuve d’un audit à la date alléguée, mais retient des faits nouveaux non prescrits, autorisant la prise en compte d’antécédents. Cette approche, classique, préserve l’exigence de célérité, sans neutraliser l’appréciation d’un faisceau de faits réitérés.

Le raisonnement s’inscrit dans la ligne selon laquelle l’émergence de nouveaux griefs rouvre l’appréciation globale, sous réserve d’une connaissance avérée et datée. L’arrêt équilibre ainsi la protection disciplinaire et l’efficacité de la répression d’agissements répétés.

B. Fraude aux nuitées et contrôle de la qualification

Sur le fond, la juridiction écarte plusieurs griefs faute de preuve suffisante, notamment la surestimation de kilométrages ou l’erreur initiale de puissance fiscale, jugée non fautive. À l’inverse, s’agissant des nuitées, elle retient des anomalies substantielles affectant les justificatifs produits. Elle juge que « Ces éléments sont suffisamment probants pour rapporter la preuve du caractère frauduleux des remboursements obtenus […] au titre de ses nuits d’hôtels. »

Le standard probatoire est exigeant mais ciblé: absence de noms, incohérences comptables, établissements fermés, et duplications de numérotation. L’ensemble révèle une manœuvre réitérée et organisée. Dans ce cadre, l’impossibilité de maintien est affirmée par la formule: « Les fautes ainsi commises de façon répétée par le salarié revêtent un caractère de gravité qui rendait impossible la poursuite du contrat de travail. » La solution, rigoureuse, illustre le contrôle concret du juge sur la qualification, après tri des griefs non établis.

II. Le traitement probatoire des créances salariales et frais accessoires

A. Heures supplémentaires: partage de la preuve et conviction souveraine

La cour applique la règle de l’article L.3171‑4 en deux temps. Le salarié présente des éléments assez précis, notamment un relevé d’heures et un échange avec sa hiérarchie. L’employeur, qui contrôle le temps de travail, s’abstient de produire les données saisies dans les outils internes, malgré sommation.

Le juge forme alors sa conviction et évalue souverainement le quantum. Il alloue un rappel inférieur aux prétentions, avec congés afférents, marquant une ligne mesurée. La solution confirme l’exigence de coopération probatoire et la désapprobation d’une rétention de données de contrôle.

B. Frais professionnels et demandes connexes: cohérence et limites

La juridiction distingue avec soin le remboursement de frais nécessaires à l’activité, des remboursements frauduleux fondant la faute grave. Pour un mois déterminé, la preuve de dépenses professionnelles, corroborée par des relevés et l’absence de contestation utile, emporte condamnation au remboursement.

S’agissant des circonstances de la rupture, la cour écarte toute vexation en retenant que « Le fait pour l’employeur […] de lui couper l’accès à ses outils de travail, ne revêt pas un caractère vexatoire. » Les documents de fin de contrat sont ordonnés, sans astreinte, et les intérêts sont rappelés selon la nature des créances. L’ensemble compose une décision équilibrée, conjuguant fermeté sur la fraude caractérisée et exigence de paiement des sommes salariales et frais dûment établis.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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