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Par un arrêt du 8 juillet 2025, la Cour d’appel de Paris (pôle 3, chambre 5) confirme le rejet d’une action déclaratoire de nationalité par filiation paternelle. Saisie après un jugement du 16 février 2024, la cour contrôle la force probante d’un acte de naissance algérien au regard de l’article 47 du code civil et de la cohérence des pièces produites.
L’appelant, né en 1982 en Algérie, revendique la nationalité par filiation paternelle sur le fondement de l’article 18 du code civil, en se prévalant d’une reconnaissance antérieure de la nationalité de son ascendant par un arrêt de la cour d’appel de Lyon du 20 novembre 2018. Il a, en 2009, essuyé un refus de certificat de nationalité, puis a produit deux copies de son acte de naissance, dont l’une ne comporte pas toutes les mentions et l’autre diverge quant à l’heure de naissance.
Le tribunal judiciaire de Paris a déclaré la procédure régulière au regard de l’article 1043 du code de procédure civile, a dit que l’intéressé n’était pas Français et l’a condamné aux dépens. En appel, l’appelant sollicite l’infirmation et la reconnaissance de sa nationalité, tandis que l’intimé requiert la confirmation et la mention prévue par l’article 28 du code civil. La cour relève l’accomplissement de la formalité de l’article 1040 du code de procédure civile, puis confirme la décision entreprise.
La question posée tient à la valeur probante, au sens de l’article 47 du code civil, d’un acte d’état civil étranger entaché de lacunes formelles et d’incohérences internes, pour établir la filiation conditionnant la nationalité. La cour répond par une exigence renforcée de régularité et de cohérence, retenant l’insuffisance des preuves et ordonnant la mention prévue par l’article 28 du code civil.
I. L’exigence probatoire en matière de nationalité et le contrôle du juge
A. La charge de la preuve et le standard probatoire de l’article 47
La cour rappelle d’abord la règle directrice de l’instance en matière de nationalité. Elle cite que « Il résulte de l’article 30 du code civil que la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom, conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code. » Le demandeur doit ainsi établir, par actes probants, la nationalité de l’ascendant et un lien de filiation légalement constitué.
Cette exigence se double de la condition temporelle de l’article 20-1 du code civil, la filiation n’ayant d’effet sur la nationalité de l’enfant que si elle est établie durant la minorité. Le contrôle du juge se concentre donc sur la valeur intrinsèque des pièces au regard de l’article 47, qui commande d’apprécier l’authenticité apparente, la régularité formelle selon la loi locale, et la cohérence globale des informations.
B. La référence au droit algérien et la qualification de mentions substantielles
La cour confronte l’acte aux prescriptions de l’ordonnance algérienne n° 79-20. Elle reproduit que « Art. 62. – La naissance de l’enfant est déclarée par le père ou la mère ou, à leur défaut, par les docteurs en médecine, sage-femmes ou autres personnes qui ont assisté à l’accouchement ; lorsque la mère aura accouché hors de son domicile, par la personne chez qui elle a accouché. L’acte de naissance est rédigé immédiatement. Art. 63. – L’acte de naissance énonce le jour, l’heure et le lieu de naissance, le sexe de l’enfant et les prénoms qui lui sont donnés, les prénoms, noms, âge, profession et domicile des père et mère et, s’il y a lieu, ceux du déclarant [’] ». Elle constate l’absence de la profession et du domicile du déclarant, pourtant expressément requis.
Ces omissions affectent la force probante de l’acte, au sens de l’article 47 du code civil, dès lors qu’elles empêchent d’identifier correctement le déclarant et les circonstances de la déclaration. La cour l’énonce nettement : « L’absence de ces mentions requises par la loi algérienne, qui sont par ailleurs des mentions substantielles en ce qu’elles permettent d’identifier la personne ayant assisté à l’événement objet de l’acte d’état civil, ôte à l’acte sa force probante en application de l’article 47 du code civil. » Le standard probatoire exige donc une conformité stricte aux indications substantielles définies par la loi de l’État d’établissement.
II. Portée de la décision : rigueur documentaire et sécurité des filiations
A. La cohérence interne des copies et l’unicité de l’acte
Au-delà des lacunes formelles, la cour retient des contradictions entre copies, portant sur l’heure de naissance et la mention relative au déclarant. Elle pose un principe d’archives et de traçabilité incontournable, en affirmant que « Or l’acte de naissance est un acte unique, conservé dans les registres des actes de naissance d’une année précise et détenu par un seul centre d’état civil, de sorte que les copies de cet acte doivent comporter les mêmes références et le même contenu. » Des divergences internes ruinent la fiabilité de l’état civil.
Le juge écarte, en conséquence, la valeur probante de l’ensemble des copies versées, malgré la production d’une décision étrangère refusant de constater une erreur matérielle. La solution confirme que l’article 47 commande un contrôle concret, fondé sur la concordance des énonciations essentielles et la stabilité documentaire, préalable à toute discussion sur l’effet de la filiation durant la minorité.
B. Enseignements et réserves : une rigueur probatoire assumée, au risque d’un formalisme accru
La décision s’inscrit dans une ligne de fermeté, privilégiant la sécurité juridique de l’état des personnes et la fiabilité des registres, indispensables en matière de nationalité. Elle renforce un double filtre, d’abord formel, ensuite matériel, excluant les actes étrangers présentant des lacunes substantielles ou des incohérences non corrigées par une décision de rectification efficace.
Cette rigueur, conforme au texte, n’exclut pas un débat sur le point d’équilibre entre protection contre la fraude et accès effectif au droit. Le juge pouvait, en théorie, admettre des corroborations sérieuses, mais celles-ci doivent converger et lever tout doute. À défaut de régularisation ou de reconstitution de l’acte en bonne et due forme, la preuve de la filiation fait défaut, et la nationalité ne peut être reconnue, ce que confirme ici l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 juillet 2025.