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La Cour d’appel de Paris, pôle 6, chambre 6, a rendu le 9 juillet 2025 un arrêt en matière de licenciement. Cette décision s’inscrit dans un contentieux opposant un salarié cadre à une association du secteur social, à propos de la rupture de son contrat de travail pour insuffisance professionnelle et comportementale.
Un salarié a été engagé par une association en qualité de coordonnateur en développement social par contrat à durée déterminée le 10 novembre 2004. La relation contractuelle s’est poursuivie par un contrat à durée indéterminée à compter du 27 février 2006. Par avenant du 14 février 2011, il est devenu responsable de projet, accédant ainsi au statut cadre. L’employeur lui a notifié sa convocation à un entretien préalable le 24 juillet 2017, reporté au 11 septembre 2017 à la demande du salarié alors en arrêt maladie. Le licenciement lui a été notifié le 19 septembre 2017.
Le conseil de prud’hommes de Paris, par jugement du 10 décembre 2021, a statué sur les demandes du salarié. L’association a interjeté appel de cette décision, contestant les condamnations prononcées à son encontre. Le salarié intimé sollicitait la confirmation du jugement et formait des demandes complémentaires en cause d’appel. L’employeur soutenait que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse tenant à l’insuffisance professionnelle du salarié dans le déploiement du dispositif dont il avait la charge, à son refus de s’inscrire dans la nouvelle organisation et à son comportement inadapté à ses fonctions de cadre.
La question posée à la cour était de déterminer si les griefs articulés dans la lettre de licenciement, mêlant insuffisance professionnelle et comportement fautif, caractérisaient une cause réelle et sérieuse de rupture du contrat de travail.
La cour devait examiner la nature hybride des motifs invoqués et leur établissement par l’employeur, ainsi que les conséquences indemnitaires attachées à la qualification retenue (I), avant d’apprécier les demandes accessoires relatives à l’exécution du contrat de travail (II).
I. La qualification du licenciement et ses conséquences indemnitaires
La cour procède à l’analyse des motifs du licenciement en distinguant leur nature juridique (A), puis en tire les conséquences sur l’indemnisation du salarié (B).
A. L’appréciation de la cause réelle et sérieuse du licenciement
Le licenciement pour motif personnel peut reposer sur une insuffisance professionnelle ou sur une faute du salarié. Ces deux fondements obéissent à des régimes distincts. L’insuffisance professionnelle se caractérise par l’inaptitude du salarié à exécuter correctement les tâches qui lui sont confiées, sans que cette carence revête un caractère fautif. La faute suppose un comportement volontaire contraire aux obligations contractuelles.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige. L’employeur reprochait au salarié « des insuffisances dans le déploiement et le suivi du dispositif », « un refus réitéré et catégorique de s’inscrire dans l’organisation » et « un comportement en inadéquation avec la nature des fonctions ». Ces griefs mêlaient des carences professionnelles et des reproches comportementaux présentés comme fautifs.
La cour relève que l’employeur n’établissait pas la matérialité des insuffisances alléguées. Le courrier d’un partenaire institutionnel critiquant l’absence de déploiement du dispositif ne suffisait pas à démontrer que cette situation était imputable au seul salarié. Les missions reprochées comme non réalisées relevaient pour partie de la responsabilité d’autres acteurs de l’association. Le grief tenant au refus de signer une nouvelle fiche de poste ne caractérisait pas davantage une insuffisance professionnelle dès lors que cette signature n’était pas contractuellement obligatoire.
S’agissant des reproches comportementaux, l’employeur invoquait une « opposition systématique » et un comportement « colérique et imprévisible ». Ces griefs, s’ils étaient établis, relevaient du terrain disciplinaire. La cour constate que l’employeur ne produisait aucun élément probant corroborant ces allégations. Les attestations versées aux débats émanaient de personnes n’ayant pas directement travaillé avec le salarié. Aucun avertissement ni rappel à l’ordre n’avait été adressé au salarié antérieurement à l’engagement de la procédure de licenciement.
B. L’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ouvre droit à indemnisation selon les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail. Le salarié justifiait d’une ancienneté de plus de douze années dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés. Le barème applicable prévoyait une indemnité comprise entre trois et onze mois de salaire.
La cour retient que le salarié percevait une rémunération mensuelle brute de 3 847,11 euros. Elle prend en considération son âge au moment du licenciement, la durée de son ancienneté et les circonstances de la rupture. Le salarié avait été l’initiateur du projet dont le développement lui était confié. Son éviction intervenait dans un contexte de réorganisation interne. La cour fixe l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à une somme correspondant à dix mois de salaire.
Le salarié sollicitait également une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement. La cour relève que l’entretien préalable s’était tenu conformément aux dispositions légales, après report accepté par les deux parties. Aucune irrégularité procédurale n’était caractérisée. Cette demande est rejetée.
II. Les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail
La cour examine les prétentions du salarié concernant le rappel de salaire au titre de la classification conventionnelle (A), puis les demandes indemnitaires fondées sur un manquement de l’employeur à ses obligations (B).
A. La contestation de la classification professionnelle
Le salarié revendiquait une classification supérieure à celle qui lui avait été attribuée. Il soutenait exercer des fonctions correspondant à un niveau de responsabilité plus élevé que celui reconnu par l’employeur. L’association ne relevait d’aucune convention collective. Elle appliquait une classification interne distinguant les filières ETAM et cadre.
La détermination de la classification professionnelle s’effectue au regard des fonctions réellement exercées par le salarié. L’avenant du 14 février 2011 mentionnait la qualité de « responsable de projet » relevant de la filière cadre. Le salarié exerçait effectivement des fonctions d’encadrement et de coordination du dispositif. Il bénéficiait d’une autonomie dans l’organisation de son travail et représentait l’association auprès des partenaires institutionnels.
La cour constate que le salarié n’établissait pas exercer des fonctions excédant celles correspondant à sa classification. La fiche de poste qu’il avait refusé de signer décrivait des missions conformes à celles effectivement exercées. Le niveau de rémunération était cohérent avec la grille interne de l’association pour un cadre de son ancienneté. La demande de rappel de salaire fondée sur une classification supérieure est rejetée.
B. L’indemnisation au titre de l’exécution déloyale du contrat
Le salarié sollicitait des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail. Il invoquait une dégradation de ses conditions de travail ayant précédé son licenciement. Il reprochait à l’employeur de l’avoir progressivement dépossédé de ses missions et marginalisé au sein de l’équipe.
L’article L. 1222-1 du code du travail impose l’exécution de bonne foi du contrat de travail. Cette obligation pèse sur les deux parties. L’employeur doit fournir au salarié les moyens d’exercer ses fonctions et ne peut le placer dans une situation d’isolement professionnel.
La cour relève que la réorganisation du dispositif avait conduit à une redistribution des missions entre le siège et les structures régionales. Cette évolution organisationnelle relevait du pouvoir de direction de l’employeur. Le salarié avait été associé aux réflexions sur cette réorganisation. Il avait été destinataire des informations relatives aux nouvelles orientations stratégiques. L’employeur lui avait proposé une médiation qu’il avait déclinée.
La cour retient que les difficultés relationnelles invoquées par le salarié résultaient pour partie de son propre positionnement. Son refus de signer la nouvelle fiche de poste et sa contestation des directives hiérarchiques avaient contribué à la dégradation du climat de travail. L’employeur avait tenté de remédier à cette situation par différentes initiatives. La déloyauté dans l’exécution du contrat n’était pas caractérisée. La demande indemnitaire est rejetée.
La cour infirme partiellement le jugement entrepris. Elle dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne l’employeur au paiement d’une indemnité à ce titre. Elle déboute le salarié de ses demandes de rappel de salaire et de dommages et intérêts pour exécution déloyale. Elle condamne l’employeur aux dépens d’appel et au paiement d’une somme au titre des frais irrépétibles.