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Cour d’appel de Paris, 9 septembre 2025. Un agent de sécurité, affecté depuis plusieurs années sur un périmètre donné, voit son contrat ne pas être repris lors du changement d’attributaire du marché. L’entreprise entrante invoque des dossiers incomplets. L’entreprise sortante informe pourtant le salarié, à la veille du basculement, qu’il est repris, puis lui remet des documents de fin de contrat. Le salarié agit en résiliation judiciaire.
Le conseil de prud’hommes prononce la résiliation aux torts de l’employeur sortant et alloue diverses sommes. En appel, le débat se déplace sur la responsabilité de l’absence de transfert au regard de l’avenant du 28 janvier 2011 à la convention collective prévention-sécurité, sur la loyauté de l’information donnée au salarié, et sur les conséquences indemnitaires, en présence de procédures collectives et de l’intervention de l’institution de garantie des salaires.
La question portait, d’abord, sur les conditions permettant à l’entreprise entrante de refuser le transfert conventionnel, notamment l’exigence d’un empêchement concret d’organiser la reprise. Elle portait, ensuite, sur la qualification et les effets d’un manquement de loyauté consistant à annoncer un transfert déjà refusé, au regard des critères de la résiliation judiciaire.
La cour retient que les manquements documentaires reprochés n’ont pas empêché la reprise effective du marché et impute la responsabilité du non-transfert à l’entreprise entrante. Elle juge néanmoins que l’information tardive et inexacte fournie au salarié par l’entreprise sortante constitue un manquement suffisamment grave justifiant la résiliation judiciaire avec effet au 31 décembre 2019, ce qui exclut tout rappel de salaires postérieurs, mais ouvre droit au préavis, à l’indemnité légale et à des dommages-intérêts, y compris pour exécution déloyale.
I) Le transfert conventionnel du personnel: exigences procédurales et contrôle d’effectivité
A) Les prescriptions de l’avenant du 28 janvier 2011 et leur finalité protectrice
La décision reproduit les clauses pertinentes et souligne l’exigence d’un circuit documentaire rapide et contradictoire. Il est rappelé que « L’entreprise entrante accuse réception de cette liste et des pièces jointes dans les 5 jours ouvrables suivant la réception en mentionnant avec précision les pièces éventuellement manquantes. L’entreprise sortante transmet par tous moyens, y compris électroniques, les pièces manquantes dans les 48 heures ouvrables. » Le dispositif ménage ainsi un temps utile à la régularisation, avant toute décision de refus.
Surtout, la faculté de refus est limitée par un critère finaliste, que la cour mobilise de façon décisive: « À défaut de transmission dans les délais de l’intégralité des éléments énumérés ci-dessus pour un salarié donné, l’entreprise entrante pourra refuser le transfert de ce salarié, que l’entreprise sortante devra reclasser en lui conservant les mêmes classification et rémunération. » La lecture d’ensemble impose de vérifier, au-delà des manques, si l’organisation opérationnelle de la reprise demeure possible.
B) L’absence d’impossibilité opérationnelle et l’imputation de la responsabilité à l’entreprise entrante
La cour constate que les pièces substantielles avaient été communiquées, que les plannings manquants étaient partiellement fournis, et que l’entreprise entrante a, malgré des lacunes analogues, repris plusieurs autres salariés sur le même périmètre. L’impossibilité concrète d’organiser la reprise n’est donc pas caractérisée. L’entreprise entrante ne s’est pas expliquée en cause d’appel; l’argument de principe cède devant l’épreuve des faits comparés.
La solution préserve la finalité protectrice du transfert conventionnel, en évitant qu’une lecture formaliste des délais et pièces ne se transforme en droit discrétionnaire de refus. Elle clarifie l’office du juge: contrôler la réalité d’un empêchement et non déduire mécaniquement le refus d’omissions documentaires régularisables.
II) La loyauté contractuelle comme fondement de la résiliation judiciaire et ses effets
A) La qualification du manquement: information inexacte et bonne foi contractuelle
Le juge d’appel articule la résiliation autour du standard de bonne foi. Il rappelle, dans les termes mêmes de la décision, que « Le salarié peut demander la résiliation de son contrat de travail en cas de manquements de son employeur à ses obligations. » La gravité s’apprécie in concreto, la sanction produisant, le cas échéant, les effets d’un licenciement sans cause. La cour souligne d’ailleurs que « Dans ce cas, la résiliation du contrat produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. »
Au regard de l’article L. 1222-1, dont la décision reprend l’énoncé, « En application de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. » Or l’employeur sortant a affirmé au salarié un transfert déjà refusé, tout en lui remettant des documents de fin de contrat. La cour caractérise alors la gravité en des termes dénués d’ambiguïté: « Ce manquement en ce qu’il a laissé le salarié démuni et sans information par rapport à sa situation alors que les dispositions conventionnelles ont pour but sa protection au regard de son emploi, est suffisamment grave pour empêcher la poursuite immédiate du contrat de travail. » La loyauté d’information devient la clef de voûte du contrôle judiciaire.
B) Les conséquences pratiques: date d’effet, indemnités, garanties et portée
La résiliation produit effet au 31 décembre 2019, ce qui écarte toute créance de salaires postérieure, par cohérence avec la cessation actée par l’employeur. Sont dus le préavis, les congés afférents et l’indemnité légale, selon l’ancienneté retenue. Pour la réparation du licenciement sans cause, la cour s’inscrit dans le cadre du barème applicable, après avoir rappelé les critères de l’article L. 1235-3 et la situation professionnelle du salarié. Elle ajoute une indemnisation autonome pour exécution déloyale, en raison du préjudice distinct causé par l’information trompeuse.
L’appel en garantie contre l’entreprise entrante est rejeté, faute de lien causal entre la faute de refus de transfert et les créances nées des manquements propres de l’employeur sortant. Le remboursement d’un mois d’allocations est ordonné sur le fondement de l’article L. 1235-4, tandis que la garantie de l’institution de salaires est rappelée dans ses limites légales. L’économie d’ensemble distingue nettement la responsabilité du non-transfert, imputée à l’entrant, et la résiliation aux torts du sortant, fondée sur la loyauté.
Cette décision consolide une double ligne. D’une part, le transfert conventionnel ne se refuse qu’en cas d’empêchement avéré d’organiser la reprise, apprécié concrètement et sans formalisme excessif. D’autre part, l’obligation de loyauté dans l’information au salarié, aux moments charnières d’un changement d’attributaire, devient un pivot contentieux autonome, susceptible d’emporter résiliation faute grave, indépendamment de l’issue du débat sur la responsabilité du transfert.