Cour d’appel de Paris, le 9 septembre 2025, n°22/06372

La Cour d’appel de Paris, 9 septembre 2025, est saisie d’un appel contre un jugement de départage du conseil de prud’hommes de Bobigny du 12 avril 2022. Le litige trouve son origine dans une saisie-attribution du 19 mai 2016, intervenue après un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 8 mars 2016.

Un salarié avait obtenu, par ordonnance du conseil de prud’hommes de Nanterre du 20 janvier 2014, une provision et des frais irrépétibles. La Cour d’appel de Versailles a ensuite infirmé partiellement, allouant un rappel de salaire de 9 000 euros, les congés afférents, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et un crédit de formation. L’employeur a été parallèlement confronté à la saisie-attribution, puis a saisi le juge de l’exécution de Créteil, qui a statué les 21 octobre 2016 et 28 janvier 2022.

L’employeur a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny pour répétition de l’indu. Le jugement du 12 avril 2022 a jugé irrecevables les demandes relatives aux frais d’huissier et à la résistance abusive, et a condamné le salarié à restituer 7 317,99 euros. L’appel principal demande la reconnaissance de l’effet dévolutif, l’examen de la compétence, et une restitution portée à 24 933,29 euros; l’intimé oppose l’irrecevabilité et l’autorité de la chose jugée.

La décision tranche, d’abord, l’étendue de la dévolution au regard de la déclaration d’appel, puis la répartition des compétences entre juge de l’exécution et juge prud’homal, avant d’apprécier les conditions et le quantum de la répétition de l’indu après substitution des condamnations.

I. Saisine d’appel et compétence matérielle

A. L’effet dévolutif conditionné par l’énonciation des chefs

La cour vérifie le respect des articles 562 et 901 du code de procédure civile, au regard d’une déclaration d’appel visant des chefs précis. Elle retient, de manière nette, que « La déclaration d’appel a en conséquence bien saisi la cour des 2 chefs de jugements critiqués précités et l’effet dévolutif doit ainsi opérer. » Cette affirmation verrouille l’office de la juridiction d’appel autour des deux chefs expressément critiqués.

La solution est cohérente avec le formalisme issu des réformes récentes de la procédure d’appel, qui exigent une identification claire des chefs attaqués. Le rappel de l’absence d’appel incident de l’intimé conforte encore le périmètre de la saisine. L’approche renforce la prévisibilité des débats et la sécurité procédurale, en évitant toute reconstitution imprécise du litige.

B. La ligne de partage entre contentieux de l’exécution et contentieux prud’homal

La cour distingue les contestations liées à l’exécution forcée et la demande de restitution de l’indu. Elle énonce que « Il résulte des dispositions des articles L. 211-4 du code des procédures civiles d’exécution, et L. 1411-1 du code du travail que les demandes […] relèvent de la compétence du juge de l’exécution et non du juge prud’homal », le juge prud’homal conservant la compétence pour la seule restitution de l’indu. Cette lecture articule clairement les domaines d’attribution.

L’autorité de la chose jugée, attachée aux décisions du juge de l’exécution de Créteil, conduit à l’irrecevabilité des demandes relatives aux frais d’huissier et à la résistance abusive. La solution privilégie l’unité du contentieux de l’exécution, tout en réservant au juge du fond l’examen du bien-fondé de la restitution. Elle évite les chevauchements de compétence et circonscrit les pouvoirs de chaque juge.

II. Répétition de l’indu et substitution des condamnations

A. La substitution d’une condamnation d’appel excluant tout cumul

La cour qualifie l’articulation entre l’ordonnance prud’homale de référé et l’arrêt ultérieur. Elle affirme que la nouvelle allocation « ne s’ajoute pas à la condamnation faite par le conseil de prud’hommes […] mais se substitue à elle », la juridiction d’appel ayant « infirmé la décision de 1ère instance et statué à nouveau ». La substitution exclut tout cumul entre la provision initiale et la condamnation définitive.

Cette lecture respecte la logique de l’infirmation avec réformation. L’allocation d’appel absorbe l’objet du litige tranché, rendant indus les paiements excédentaires opérés par le biais de la saisie-attribution, dès lors que l’employeur a par ailleurs exécuté l’arrêt. Le raisonnement clarifie la portée des décisions successives et la structure des dettes salariales.

B. La preuve du montant restituable en présence d’une saisie-attribution

La cour vérifie, pièces en main, les paiements effectués et les flux liés à la saisie. Elle constate des règlements exécutoires antérieurs à hauteur de 6 040,27 euros puis 17 344 euros, l’existence d’un blocage de 38 013,41 euros, des déblocages partiels et un versement par l’auxiliaire de justice d’un acompte incluant un principal de 7 317,99 euros. L’autorité de la chose jugée du juge de l’exécution ne fait pas obstacle, car « [celui-ci] n’ayant pas statué sur le bien fondé d’une demande en restitution de l’indu laquelle relève de la seule compétence du juge du fond. »

La prétention d’un indu de 24 982,55 euros est écartée faute de preuve. La cour relève que « les pièces qu’elle verse aux débats ne permettant pas d’établir que le salarié a effectivement perçu cette somme ni même de vérifier que cette somme n’a pas été postérieurement débloquée par la banque ». Seule la restitution de 7 317,99 euros est ainsi retenue, le reste demeurant non démontré.

Cette exigence probatoire est ferme. Le blocage de fonds ne suffit pas sans traçabilité des décaissements effectifs au profit du créancier saisi. La solution engage les parties à produire des relevés exhaustifs, sur une période suffisante, et à articuler précisément les montants exécutés, libérés ou restitués. Elle garantit une restitution mesurée, strictement adossée à la réalité des sommes indûment perçues.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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