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La Cour d’appel de Paris, le 9 septembre 2025, statue sur la validité d’un licenciement intervenu en cours d’arrêt maladie, dans une entreprise de moins de onze salariés, pour motif de désorganisation et nécessité de remplacement définitif. Le conseil de prud’hommes avait rejeté l’ensemble des demandes du salarié. En appel, celui‑ci sollicitait la nullité, à défaut l’absence de cause réelle et sérieuse, des rappels de salaires, ainsi que des dommages et intérêts, tandis que l’employeur demandait la confirmation. La cour rejette les fins de non‑recevoir, écarte la nullité, retient l’absence de cause réelle et sérieuse, alloue des dommages et intérêts selon le barème légal, un rappel de préavis et déboute des autres chefs, notamment les heures supplémentaires.
Le litige conduit à déterminer les conditions de rupture en cas d’absences d’origine non professionnelle, au regard de la combinaison du droit commun du licenciement, du contrôle probatoire et des stipulations conventionnelles prévoyant une garantie d’emploi, assortie d’une faculté de remplacement définitif. La décision rappelle la règle de preuve, selon laquelle « si un doute subsiste, il profite au salarié ». Elle énonce surtout que « L’absence prolongée ou les absences répétées d’un salarié pour raisons de santé d’origine non professionnelle peuvent conduire à son licenciement lorsqu’elles perturbent le bon fonctionnement de l’entreprise et rendent nécessaire son remplacement définitif. L’employeur doit donc démontrer l’existence de perturbations dans l’entreprise et la nécessité de remplacer de façon définitive le salarié. La perturbation doit affecter l’entreprise et non uniquement le service du salarié licencié. Enfin, le recrutement d’un salarié doit être effectué dans un temps proche du licenciement et sous la forme d’un contrat de travail à durée indéterminée. » Constatant l’insuffisance des éléments produits sur la période proche du licenciement, la cour juge la cause non établie, sans prononcer la nullité pour discrimination ou suspension protectrice.
I. Les conditions du licenciement pour absences prolongées et leur contrôle
A. Le cadre légal et conventionnel applicable
La décision articule le droit commun du licenciement et la convention collective sectorielle. Le contrôle repose sur l’article L. 1235‑1 du code du travail, qui guide le juge dans l’appréciation du caractère réel et sérieux du motif allégué. Dans ce cadre, la formation rappelle utilement que « si un doute subsiste, il profite au salarié ».
Au plan conventionnel, la garantie d’emploi de six mois n’est pas absolue. La cour synthétise l’économie des textes en ces termes : « Il résulte de la combinaison de ces textes que le salarié dispose d’une garantie d’emploi de six mois mais que la société dispose de la possibilité de le licencier si elle est dans l’obligation de le remplacer. » Cette formule invite à vérifier deux conditions cumulatives : perturbation du fonctionnement et nécessité d’un remplacement définitif.
La grille de contrôle est ensuite précisée par un attendu de principe très didactique, déjà cité. Il impose une perturbation d’ampleur entreprise, non cantonnée au seul service, et un remplacement par contrat à durée indéterminée, intervenant dans un temps proche de la rupture. Le juge du fond doit ainsi apprécier le couple perturbation‑remplacement dans sa dimension concrète et temporelle.
B. L’application aux éléments produits et l’insuffisance probatoire
La cour relève que les échanges clients attestent seulement de retards jusqu’à la fin août, alors que la rupture est d’octobre. L’exigence de contemporanéité fait défaut, la perturbation alléguée n’étant pas démontrée au moment de la décision de rompre. La preuve se révèle trop localisée dans le temps et trop sectorielle.
S’agissant du remplacement, un enchaînement CDD puis CDI est établi à la date de la rupture. Toutefois, la seule réalité du CDI ne suffit pas si la nécessité d’un tel remplacement, à cette date, n’est pas démontrée. L’arrêt souligne que la poursuite du CDD jusqu’en décembre permettait d’attendre la fin prévisible de l’arrêt, faute d’éléments établissant l’insuffisance des mesures temporaires.
Le raisonnement articule ainsi, de façon stricte, les deux branches du test. La carence sur la perturbation emporte l’absence de cause, quand bien même le remplacement définitif a été opéré. L’économie de la solution rejoint le considérant de principe déjà reproduit, selon lequel « La perturbation doit affecter l’entreprise et non uniquement le service du salarié licencié. » Le contrôle probatoire est donc rigoureux, et conduit à retenir l’indemnisation selon l’article L. 1235‑3.
II. Valeur et portée de la solution rendue
A. Une confirmation nette de l’exigence cumulative et de la proximité temporelle
La décision s’inscrit dans une jurisprudence constante qui refuse le licenciement fondé sur la seule absence et le seul remplacement, sans preuve d’une désorganisation globale au moment de la rupture. Le rappel explicite de la nécessaire proximité temporelle du CDI de remplacement avec la décision, combinée à l’état réel de perturbation, renforce la cohérence du contrôle.
Cette construction évite une lecture extensive de la clause conventionnelle de remplacement avant l’échéance de six mois. La faculté conventionnelle n’éteint pas les exigences du droit commun. Elle demeure subordonnée à une nécessité objectivée, appréciée in concreto, et non présumée du seul fait de l’absence prolongée.
La portée est double. D’une part, elle prévient une automaticité du remplacement, en exigeant des faits précis et contemporains. D’autre part, elle confirme que l’usage d’un CDD peut, selon les circonstances, constituer une mesure suffisante et proportionnée, qui neutralise la nécessité d’un CDI immédiat.
B. Enseignements pratiques en matière de nullité et d’accessoires du litige
La cour écarte la nullité pour discrimination, faute d’éléments objectifs distincts de l’absence elle‑même. Elle le fait en des termes mesurés : « En conséquence, la nullité du licenciement n’est pas encourue sur le fondement de ce moyen. » La solution distingue nettement le contrôle de la cause et l’examen du mobile prohibé, qui suppose des indices concordants.
Elle rejette également la nullité tirée de la suspension pour maladie non professionnelle, rappelant que la protection de l’article L. 1226‑9 vise l’accident du travail et la maladie professionnelle. La décision se montre ainsi fidèle au texte, sans étendre un régime dérogatoire de nullité hors de son champ.
Enfin, s’agissant des demandes accessoires, le rappel de préavis est ordonné en cohérence avec la dispense notifiée, tandis que les heures supplémentaires sont rejetées au visa du régime probatoire. Le rappel de principe est clair et opérationnel, le juge retenant sa conviction à partir d’éléments suffisamment précis, ce qui fait écho au standard probatoire général.
L’arrêt articule pédagogiquement le droit commun et la norme conventionnelle, impose un faisceau d’indices contemporains et globaux, et trace une ligne de conduite probatoire exigeante mais lisible pour l’ensemble des acteurs.