Cour d’appel de Paris, le 9 septembre 2025, n°22/06897

La Cour d’appel de Paris, 9 septembre 2025, statue sur la validité d’un licenciement consécutif à une inaptitude d’origine professionnelle et sur ses suites indemnitaires. Le contentieux porte également sur la réparation d’un retard dans la remise des documents de fin de contrat.

Les faits tiennent en quelques éléments décisifs. Après un accident du travail, le salarié est déclaré inapte par la médecine du travail le 7 février 2019, avec maintien possible sur un poste sédentaire de type administratif, notamment sur écran. La convocation à entretien préalable intervient le 11 février, le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement est notifié le 21 février. Un poste administratif venait d’être libéré peu auparavant selon le registre du personnel.

La juridiction prud’homale, le 10 juin 2022, avait dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, alloué des dommages-intérêts, et rejeté la demande relative aux documents sociaux. L’employeur a relevé appel sur la qualification et le quantum, tandis que le salarié sollicitait une revalorisation de l’indemnité et l’indemnisation du retard dans la remise des documents.

La question posée tient à l’étendue de l’obligation de reclassement après inaptitude d’origine professionnelle, à la charge de l’employeur au regard des articles L 1226-10 et L 1226-12 du code du travail, et aux conséquences indemnitaires attachées à son manquement, y compris le préjudice distinct lié aux documents sociaux.

La cour confirme le manquement à l’obligation de reclassement et retient l’absence de cause réelle et sérieuse. Elle hausse l’indemnité principale à 20 000 euros en application du plancher légal, et répare à hauteur de 1 000 euros le préjudice né de la remise tardive de documents conformes. L’arrêt précise d’abord le contenu de l’obligation et la nature des diligences attendues, puis en dégage la sanction et les effets pratiques sur l’évaluation du préjudice.

I. L’obligation de reclassement en cas d’inaptitude: contenu et contrôle

A. Le cadre légal rappelé par la cour

Le raisonnement s’adosse au texte et à sa finalité protectrice. La cour cite le principe selon lequel « L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail. » La proposition doit être appropriée aux capacités résiduelles, située dans le périmètre pertinent, et ajustée si nécessaire par des aménagements raisonnables.

Le rappel est complété par la règle de comparabilité fonctionnelle du poste. L’arrêt reproduit que « L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail. » Il s’ensuit que l’initiative, la traçabilité, et le caractère loyal des recherches incombent à l’employeur, qui doit éclairer par écrit l’impossibilité alléguée.

B. L’appréciation concrète des diligences de l’employeur

L’inaptitude médicalement constatée circonscrivait clairement l’effort de reclassement. La cour relève ainsi que « En l’espèce l’avis d’inaptitude du 7 février 2019 indique que le salarié est inapte à son poste et précise s’agissant de l’obligation de reclassement que sont contre-indiquées la manutention manuelle et la station débout prolongée et que reste possible le travail sédentaire de type administratif ou sur écran. » Cette indication ciblait un emploi administratif compatible, accessible dans un délai rapproché.

L’enchaînement procédural très rapide, l’absence de recherches établies, et l’existence d’un poste administratif récemment vacant emportent la conviction des juges. Aucun élément écrit ne documente des démarches de reclassement, ni l’impossibilité objective d’aménager le poste libéré. Le manquement à l’obligation de reclassement est donc caractérisé, ce qui prive le licenciement de cause réelle et sérieuse dans le régime protecteur des victimes d’accident du travail.

II. La sanction et ses effets pratiques

A. Le plancher légal et la mesure de l’indemnité

La cour articule la sanction avec le dispositif spécifique. Elle affirme que « Il résulte de l’article L 1226-15 du code du travail qui renvoie à l’article L 1235-3-1 du code du travail qu’en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte suite à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié qui ne demande pas sa réintégration peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure au salaire des 6 derniers mois. » Le plancher s’impose, sans préjudice d’une appréciation individualisée du quantum au-delà.

L’évaluation à 20 000 euros s’explique par une ancienneté significative, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, et une perte de revenus durable. La cour retient des éléments précis, notamment une indemnisation chômage pendant vingt-quatre mois avec un différentiel mensuel de 650 euros. L’indemnité dépasse le minimum légal issu du salaire moyen de référence, en cohérence avec la gravité du manquement.

B. Le préjudice autonome lié aux documents de fin de contrat

La solution admet un dommage distinct, à condition d’une preuve concrète du retard et de ses effets. La décision énonce que « Le salarié justifie d’un préjudice dans la mesure où du fait de la remise tardive des documents de fin de contrat conformes il n’a pu être pris en charge par pôle emploi que le 14 août 2019, préjudice que la cour évalue à 1 000 euros. » L’indemnité répare la carence démontrée, sans se confondre avec la sanction du licenciement.

Cette appréciation rappelle qu’une régularisation tardive, même accompagnée de tentatives de contact, n’efface pas l’atteinte subie par le retard de remise d’une attestation conforme. La réparation reste mesurée et proportionnée au décalage effectif de prise en charge, conformément à la nécessité d’un préjudice avéré et imputable.

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Hassan KOHEN
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