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Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – chambre 16, 9 septembre 2025. Recours en annulation contre une sentence CCI et son addendum relatifs à un contrat d’infrastructure routière.
Le projet n’a pas abouti; une partie a résilié en invoquant des défauts des plans, l’autre a contre‑résilié en imputant des manquements et a actionné les garanties. Une procédure d’insolvabilité italienne, de type concordato preventivo, a été ouverte au bénéfice de l’entreprise, antérieurement au prononcé de la sentence.
Une sentence du 29 mars 2022, complétée le 1er juillet 2022, a jugé la résiliation de l’entrepreneur injustifiée, validé la résiliation administrative, et condamné au paiement d’importantes sommes.
La partie condamnée invoque trois moyens: contrariété à l’ordre public international liée au concordato preventivo, dépassement de mission, et atteinte au principe de la contradiction. L’adversaire sollicite le rejet et l’exequatur de la sentence et de l’addendum.
La Cour d’appel de Paris devait cerner le contrôle d’ordre public face à une insolvabilité étrangère et délimiter la mission arbitrale selon les prétentions soumises. Elle rejette le recours et rappelle que « le rejet du recours conférant l’exequatur à la sentence arbitrale et son addendum en application des dispositions de l’article 1527 du code de procédure civile ».
I – Ordre public international et concordato preventivo
A – Cadre du contrôle d’ordre public
La cour fixe d’abord les principes gouvernant le contrôle d’ordre public international exercé en matière d’annulation de sentence. Elle énonce que « l’ordre public international au regard duquel s’effectue le contrôle du juge s’entend de la conception qu’en a l’ordre juridique français ».
Elle précise encore: « Ce contrôle s’attache seulement à examiner si l’exécution des dispositions prises par le tribunal arbitral viole de manière caractérisée les principes et valeurs compris dans cet ordre public international. »
Relève enfin que « le principe d’égalité de traitement des créanciers et de suspension des poursuites individuelles relève de cet ordre public international ».
Ce rappel ferme le périmètre du contrôle: absence d’examen au fond, focalisation sur une atteinte manifeste, et prise en compte des exigences issues des procédures collectives.
B – Application au concordato preventivo
S’agissant de l’insolvabilité italienne, la cour retient la prévalence de la lex concursus au titre du règlement (UE) 2015/848, dans les limites de la conception française. Elle constate que « l’article 168 de la loi italienne sur les faillites, qui régit la procédure de concordato preventivo, prévoit un gel des mesures d’exécution sur le patrimoine du débiteur pendant ladite procédure, mais ne prévoit pas de suspension des poursuites ni d’interdiction d’une action en justice pour obtenir une condamnation du débiteur ».
Partant, la poursuite de l’arbitrage et le principe d’une condamnation ne heurtent pas l’ordre public; demeurent les modalités d’exécution et la qualité de la créance. Elle retient que « en application du Règlement (UE) 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilité, elle produit sur le territoire de tout Etat membre de l’Union européenne les mêmes effets qu’en Italie, de sorte que l’éventuelle atteinte par la sentence déférée au principe d’égalité de traitement des créanciers doit s’apprécier au regard des règles du droit italien de l’insolvabilité ».
La solution consacre une articulation stricte: contrôle restreint au risque d’atteinte manifeste, renvoi à la lex concursus pour la hiérarchie des créances, et appréciation reportée à l’exécution.
II – Mission arbitrale et principe de la contradiction
A – Limites de la mission et refus de révision
Sur la mission arbitrale, la cour rappelle d’abord les bornes textuelles du recours et la délimitation objective du litige par les prétentions. Elle rappelle: « Selon l’article 1520, 3°, du code de procédure civile, le recours en annulation est ouvert si le tribunal a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée. »
Et précise: « Il appartient ainsi au tribunal arbitral de statuer dans les limites des demandes qui lui sont soumises, de sorte que s’il accorde plus que ce qui avait été demandé, sa sentence est susceptible d’être annulée. »
La cour ajoute: « L’amiable composition est une renonciation conventionnelle aux effets et au bénéfice de la règle de droit, les parties perdant la prérogative d’en exiger la stricte application, les arbitres recevant corrélativement le pouvoir de modifier ou de modérer les conséquences de cette règle dès lors que l’équité ou l’intérêt commun bien compris des parties l’exige. » Elle complète: « L’arbitre ne s’écarte pas de sa mission s’il use de la liberté qui lui est accordée par le droit applicable au différend, l’usage par un tribunal arbitral d’une liberté d’appréciation que lui confère la règle applicable pour statuer sur une demande ne suffisant pas à qualifier ce pouvoir d’amiable composition. »
Il en résulte que la critique visant la méthodologie de calcul ne prospère pas, la cour retenant que « Un tel contrôle reviendrait à une révision au fond de la sentence, à laquelle le juge de l’annulation ne saurait procéder. » Le grief d’ultra petita échoue dès lors que la détermination d’un solde global entrait dans l’office défini par les prétentions et l’économie contractuelle pertinente.
B – Appréciation du contradictoire et débat sur les certificats de paiement
S’agissant du contradictoire, la cour définit d’abord la norme d’examen et la marge d’appréciation de l’arbitre sur l’argumentation juridique. Le texte de référence est rappelé: « L’article 1520, 4°, du code de procédure civile ouvre le recours en annulation si le principe de la contradiction n’a pas été respecté. »
Elle souligne la finalité de ce principe: « Le principe de la contradiction veut seulement que les parties aient été mises à même de débattre contradictoirement des moyens invoqués et des pièces produites, et qu’elles aient pu faire connaître leurs prétentions de fait et de droit et discuter celles de leur adversaire de sorte que rien de ce qui a servi à fonder la décision des arbitres n’ait échappé à leur débat contradictoire. »
Il n’est pas exigé que l’arbitre anticipe sa motivation: « Le tribunal arbitral n’est pas tenu de soumettre aux parties l’argumentation juridique qui étaye la motivation de sa sentence avant son prononcé. Il ne peut toutefois fonder sa décision sur des moyens de droit ou de fait non invoqués. »
La cour constate que l’évaluation financière globale a fait l’objet d’un débat nourri, intégrant les certificats intérimaires de paiement et les compensations croisées; le contradictoire a donc été respecté. La distinction alléguée entre intégration de ces certificats et prétendue demande autonome de remboursement est jugée artificielle au regard de l’office d’évaluation dont le tribunal était saisi.