Cour d’appel de Pau, le 10 juillet 2025, n°25/00503

Un magistrat de la mise en état de la cour d’appel de Pau a rendu, le 10 juillet 2025, une ordonnance de jonction dans le cadre d’un litige impliquant une société civile immobilière placée en liquidation judiciaire.

Les faits de l’espèce sont les suivants. Une société civile immobilière a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal judiciaire de Tarbes du 6 janvier 2022. Une société d’exercice libéral a été désignée en qualité de mandataire liquidateur. Un établissement bancaire figurait également parmi les parties à l’instance.

Sur le plan procédural, une première procédure d’appel avait été enregistrée sous le numéro 25/1040. Une seconde procédure d’appel, portant le numéro 25/00503, a été inscrite au répertoire général. La société civile immobilière en liquidation, représentée par son conseil, avait la qualité d’appelante. Le mandataire liquidateur et l’établissement bancaire avaient la qualité d’intimés. Les trois parties étaient représentées par des avocats inscrits aux barreaux de Pau et de Tarbes.

La question soumise au magistrat de la mise en état était celle de savoir s’il convenait de joindre les deux procédures d’appel pendantes devant la cour.

Le magistrat de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures, retenant qu’il y avait lieu de joindre l’affaire enregistrée sous le numéro 25/00503 à celle déjà pendante sous le numéro 25/1040. Les deux instances seraient désormais poursuivies sous ce dernier numéro.

Cette ordonnance de jonction soulève la question du régime juridique de cette mesure d’administration judiciaire et de ses implications procédurales. Il conviendra d’examiner les conditions de la jonction d’instances, mesure d’administration judiciaire relevant du pouvoir discrétionnaire du juge (I), avant d’analyser les effets limités de cette décision sur le cours de la procédure d’appel (II).

I. La jonction d’instances, mesure d’administration judiciaire relevant du pouvoir discrétionnaire du juge

La jonction d’instances constitue une faculté reconnue au juge pour assurer une bonne administration de la justice (A). Le magistrat de la mise en état dispose d’une compétence propre pour ordonner cette mesure dans le cadre de l’instance d’appel (B).

A. Le fondement juridique de la jonction d’instances

L’article 367 du code de procédure civile dispose que « le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble ». Cette disposition confère au juge un pouvoir d’appréciation souverain quant à l’opportunité de réunir des procédures distinctes.

En l’espèce, le magistrat de la mise en état a retenu « qu’il y a lieu de joindre la présente affaire à la procédure déjà pendante devant la Cour ». Cette formulation révèle l’existence d’un lien de connexité entre les deux instances, même si la décision ne détaille pas explicitement les éléments constitutifs de ce lien. L’identité des parties, à savoir la société civile immobilière en liquidation, son mandataire liquidateur et l’établissement bancaire créancier, laisse supposer que les deux appels portaient sur des aspects d’un même litige ou sur des questions juridiques étroitement liées.

La jonction répond à un double objectif. Elle permet d’éviter des décisions contradictoires et contribue à l’économie procédurale en regroupant l’instruction de litiges connexes. Dans le contexte d’une liquidation judiciaire, cette connexité se manifeste fréquemment lorsque plusieurs décisions du juge-commissaire ou du tribunal font l’objet d’appels distincts.

B. La compétence du magistrat de la mise en état pour ordonner la jonction

L’article 907 du code de procédure civile confie au conseiller de la mise en état le soin d’instruire l’affaire en appel. L’article 914 du même code lui attribue compétence exclusive pour statuer sur les incidents mettant fin à l’instance et sur les exceptions de procédure. La jonction, en tant que mesure d’administration judiciaire, relève également de ses attributions.

L’ordonnance du 10 juillet 2025 illustre cette compétence du magistrat de la mise en état. La décision a été rendue par le conseiller désigné à cette fonction au sein de la deuxième chambre civile première section de la cour d’appel de Pau. Ce magistrat a exercé le pouvoir que lui confère le code de procédure civile sans qu’il soit nécessaire de renvoyer l’affaire à la formation collégiale.

La jonction se distingue des autres incidents de mise en état par sa nature particulière. Elle ne tranche aucune contestation sur le fond du droit et ne met pas fin à l’instance. Elle se borne à organiser le traitement procédural de plusieurs affaires en les réunissant sous un numéro unique.

II. Les effets limités de l’ordonnance de jonction sur le cours de la procédure

L’ordonnance de jonction produit des effets essentiellement procéduraux qui n’affectent pas le fond du litige (A). Son caractère de mesure d’administration judiciaire emporte des conséquences sur les voies de recours (B).

A. Les conséquences procédurales de la jonction

L’ordonnance dispose que les procédures seront désormais suivies « sous le numéro 25/1040 ». Cette unification du numéro de rôle constitue l’effet immédiat de la jonction. Les deux instances conservent néanmoins leur autonomie juridique. La jurisprudence de la Cour de cassation rappelle régulièrement que la jonction de plusieurs instances n’entraîne pas leur fusion en une instance unique.

Cette autonomie persistante emporte plusieurs conséquences pratiques. Chaque appel conserve son objet propre et ses moyens distincts. Les délais de procédure continuent de courir séparément pour chaque instance originaire. Le désistement relatif à l’une des instances n’affecte pas nécessairement l’autre. De même, une éventuelle caducité de l’appel dans l’une des procédures ne rejaillit pas automatiquement sur la seconde.

En l’espèce, la présence d’une société civile immobilière en liquidation judiciaire confère à la procédure un caractère particulier. Le mandataire liquidateur, partie intimée, représente les intérêts collectifs des créanciers. L’établissement bancaire, également intimé, fait vraisemblablement valoir une créance à l’encontre de la société débitrice. La jonction permettra d’examiner ensemble les différents aspects du contentieux né de cette procédure collective.

B. L’absence de recours contre l’ordonnance de jonction

L’article 537 du code de procédure civile énonce que les mesures d’administration judiciaire ne sont sujettes à aucun recours. La jonction d’instances, qualifiée de telle par la jurisprudence constante, échappe donc aux voies de recours ordinaires et extraordinaires. Cette solution se justifie par la nature même de la mesure, qui n’affecte pas les droits substantiels des parties.

L’ordonnance du 10 juillet 2025 ne mentionne pas cette règle. Elle n’avait pas à le faire, le principe résultant directement des textes applicables. Les parties ne peuvent donc ni interjeter appel de cette décision ni former un pourvoi en cassation à son encontre. Elles pourront en revanche contester, le moment venu, l’arrêt qui sera rendu sur le fond du litige.

Cette irrecevabilité des recours contre les mesures d’administration judiciaire répond à un impératif de célérité procédurale. Permettre aux parties de contester chaque décision relative à l’organisation de l’instance conduirait à multiplier les incidents et à retarder considérablement le règlement du litige. Le législateur a préféré confier au juge un pouvoir souverain d’organisation, contrôlé seulement par les garanties générales du procès équitable.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture