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Rendue par la Cour d’appel de Pau, chambre sociale, le 25 juillet 2025 (n° RG 23/00652), la décision tranche un litige relatif au temps de travail et à la rupture pour faute grave d’un chef de bloc soumis à un forfait en jours. Le salarié, embauché en 2010 puis promu en 2012, a été placé en arrêt de travail en novembre 2020, convoqué en janvier 2021, puis licencié pour faute grave en février 2021. Le Conseil de prud’hommes de Bayonne, par jugement de départage du 9 février 2023, avait validé le forfait-jours, débouté le salarié de ses demandes d’heures supplémentaires et de dommages-intérêts, écarté la discrimination, et jugé le licenciement fondé. En appel, le salarié sollicitait la nullité des stipulations conventionnelles fondant le forfait, les rappels d’heures et de repos, la reconnaissance de violations des durées maximales et minimales, ainsi que la nullité du licenciement pour discrimination avec réintégration et indemnité d’éviction. L’employeur concluait à la confirmation pour l’essentiel, contestait toute discrimination et défendait la validité du forfait-jours.
La cour a d’abord jugé le forfait-jours inopposable faute de garanties conventionnelles effectives, ce qui a ouvert droit à des rappels d’heures et à contrepartie obligatoire en repos. Elle a ensuite retenu la nullité du licenciement pour discrimination liée à l’état de santé, prononcé la réintégration, et fixé une indemnité d’éviction avec congés payés au titre de la période d’éviction, tout en écartant le travail dissimulé. Elle a, en outre, indemnisé la violation des durées maximales et minimales de travail.
I. Le contrôle renforcé des conventions de forfait-jours et ses effets
A. L’insuffisance des garanties conventionnelles protectrices
La cour rappelle le cadre légal exigeant un accord collectif qui « prévoit les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié », ainsi que des modalités de communication périodique sur la charge, l’articulation des temps, la rémunération et l’organisation. Elle confronte les clauses de branche et d’entreprise aux exigences de l’article L.3121-64 du Code du travail. Deux constats structurent le raisonnement. D’une part, « ces dispositions ne sont pas conformes aux exigences légales précitées ». D’autre part, « l’accord d’entreprise n’a donc nullement institué de dispositions garantissant le suivi effectif et régulier par l’employeur de la charge de travail du salarié ». L’invalidation découle d’un défaut de garanties intrinsèques, non d’une seule défaillance d’exécution. La solution s’inscrit dans une logique de garantie de la santé et du repos, en rendant inopposable un forfait dépourvu de mécanismes de contrôle substantiels.
Cette appréciation s’accorde avec une ligne prétorienne exigeant que l’accord encadre réellement l’amplitude et la charge pour assurer des « durées raisonnables de travail et de repos ». Elle renforce la vigilance sur les accords d’entreprise qui se bornent à reconduire des plafonds sans instituer des outils concrets de suivi. Les employeurs doivent y voir l’exigence d’entretiens périodiques, d’indicateurs objectivés, et d’un dispositif d’alerte effectif, faute de quoi la rémunération forfaitaire ne résiste pas au contrôle du juge.
B. Les conséquences probatoires et indemnitaires en matière d’heures et de repos
La nullité du forfait replace la relation dans le droit commun des heures. La cour applique la méthode probatoire de l’article L.3171-4, en relevant que le salarié versait un décompte précis et des pièces utiles, et en constatant la carence de l’employeur sur les horaires effectivement réalisés. Elle énonce ainsi que « le salarié produit donc des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre et de justifier des horaires réalisés », puis souligne que « les pièces de l’employeur ne permettent pas de justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ». Le rappel d’heures supplémentaires et les congés payés afférents sont alloués, de même que la contrepartie obligatoire en repos pour dépassement du contingent.
La demande d’indemnité forfaitaire de travail dissimulé est logiquement rejetée, l’élément intentionnel n’étant pas caractérisé. La cour indemnise, en revanche, l’atteinte aux règles de durée et de repos par une somme globale, retenant que des dépassements « très exceptionnels » ont existé sans preuve d’un respect effectif des repos. La réparation distincte « au titre des dommages et intérêts pour violation par l’employeur des durées maximales de travail et minimales de repos » demeure mesurée, ce qui limite le cumul indemnitaire autour d’un fait générateur unique.
II. La nullité pour discrimination liée à l’état de santé et la remise en état
A. Le contrôle probatoire et la qualification de la discrimination
Le juge d’appel s’attache à la méthode issue de l’article L.1134-1. Il rappelle que « il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ». Il examine les griefs disciplinaires, en vérifie la matérialité, la non-prescription et le sérieux, et relève des éléments convergents relatifs à l’état de santé du salarié et à la séquence temporelle de la rupture. La lettre de licenciement, étrangère à l’état de santé, ne suffit pas à neutraliser l’ensemble des indices produits, dès lors que les fautes invoquées se révèlent prescrites ou insuffisamment caractérisées.
Ce raisonnement illustre une approche rigoureuse de la preuve : les indices précis du salarié déclenchent un contrôle serré des justifications de l’employeur. Lorsque le dossier disciplinaire s’avère ténu ou tardif, la présomption opère. La solution confirme que la sanction de la discrimination emporte nullité, quelles que soient les apparences disciplinaires de la rupture. Elle invite les employeurs à articuler de manière cohérente gestion des arrêts, évaluation des performances, et temporalité des procédures.
B. La réintégration et l’indemnité d’éviction, complétées des congés payés
La cour rappelle utilement que « par principe, le droit à réintégration est acquis au salarié dont le licenciement est déclaré nul ». L’employeur n’alléguant aucune impossibilité matérielle, la réintégration est ordonnée. La réparation économique se déploie ensuite selon une logique intégrale. La cour juge que le salarié « a donc vocation à percevoir une indemnité d’éviction égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement ». Elle applique, en outre, la jurisprudence de l’Union en ces termes: « il y a lieu de juger désormais, en application de la jurisprudence européenne (…), que […] il peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période ». L’indemnité est assortie des intérêts légaux, avec capitalisation, et s’ajoute une condamnation à remboursement des allocations de chômage dans la limite de six mois.
Cette remise en état confirme l’ampleur des effets attachés à la nullité. Elle éclaire la portée pratique des arrêts de la Cour de justice sur le droit aux congés payés, désormais pleinement intégrés à l’éviction. Elle marque enfin l’importance d’une gestion probatoire et procédurale rigoureuse, tant dans la qualification initiale du motif de rupture que dans l’administration des garanties en matière de temps de travail.