Cour d’appel de Pau, le 25 juin 2025, n°25/00510

L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Pau le 25 juin 2025 illustre la rigueur du formalisme qui gouverne la procédure de saisie immobilière. En l’espèce, un créancier poursuivant avait engagé une telle procédure à l’encontre d’une société débitrice sur le fondement d’un acte notarié de prêt. Le commandement de payer valant saisie avait été publié au service de la publicité foncière le 31 août 2023, et le cahier des conditions de vente déposé au greffe le 4 octobre 2023. Cependant, ce cahier ne comportait pas le procès-verbal descriptif de l’immeuble saisi, lequel n’a été produit que le 8 novembre 2024.

Le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Pau, par un jugement du 7 février 2025, avait débouté la société débitrice de ses demandes et ordonné la vente aux enchères des immeubles. Il avait estimé que le procès-verbal descriptif avait été régulièrement établi dans le délai de huit jours suivant la délivrance du commandement et que son absence de production initiale ne constituait qu’une omission réparée sans grief. La société débitrice a interjeté appel de cette décision.

Devant la Cour d’appel de Pau, l’appelante soutenait que l’absence de procès-verbal descriptif dans le cahier des conditions de vente au moment de son dépôt devait entraîner la caducité du commandement de payer valant saisie. L’intimée faisait valoir que l’omission avait été réparée et qu’aucun grief n’avait été causé au débiteur saisi.

La question posée à la cour était de déterminer si le défaut de dépôt du procès-verbal descriptif concomitamment au cahier des conditions de vente, dans le délai prescrit par l’article R 322-10 du code des procédures civiles d’exécution, pouvait être régularisé ultérieurement ou s’il emportait nécessairement la caducité du commandement de payer valant saisie.

La Cour d’appel de Pau infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions. Elle déclare caduc le commandement de payer valant saisie immobilière du 25 juillet 2023 publié le 31 août 2023, dit que cette caducité sera inscrite en marge de la publication aux frais du créancier poursuivant, et condamne ce dernier aux dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Cet arrêt mérite attention en ce qu’il rappelle le caractère impératif des délais de la procédure de saisie immobilière (I) et précise le régime de la sanction applicable au défaut de production du procès-verbal descriptif (II).

I. Le caractère impératif du délai de dépôt du cahier des conditions de vente complet

L’arrêt commenté réaffirme l’exigence de complétude du cahier des conditions de vente au moment de son dépôt (A), ce qui conduit à écarter toute possibilité de régularisation tardive (B).

A. L’exigence de complétude du cahier des conditions de vente

La Cour d’appel de Pau procède à une lecture combinée des articles R 322-1, R 322-2 et R 322-10 du code des procédures civiles d’exécution. Elle relève que « le cahier des conditions de vente comprend un procès-verbal descriptif en sus des éléments énoncés du 1° au 6° de l’article R 322-10 ». Ce procès-verbal doit être « rédigé dans les termes de l’article R 322-2 du code des procédures civiles d’exécution et dans les délais de l’article R 322-1 du même code ».

L’article R 322-10 énumère limitativement les mentions que doit contenir le cahier des conditions de vente à peine de nullité. Parmi celles-ci figure, au 4°, « le procès-verbal de description ». La cour en déduit que ce procès-verbal « doit être déposé en même temps que le cahier des conditions de vente soit dans le délai de cinq jours suivant l’assignation délivrée au débiteur saisi ».

Cette interprétation s’inscrit dans la logique du formalisme protecteur qui caractérise la saisie immobilière. Le procès-verbal descriptif permet d’informer précisément les parties et les éventuels enchérisseurs sur l’état du bien saisi. Son absence au stade du dépôt du cahier des conditions de vente prive le débiteur d’un élément essentiel pour apprécier les conditions de la vente forcée envisagée.

B. L’impossibilité d’une régularisation tardive

En l’espèce, la cour constate qu’« aucun procès-verbal descriptif n’avait été joint au cahier des conditions de vente déposé au greffe le 4 octobre 2023 ». Ce n’est que « le 8 novembre 2024, postérieurement au jugement avant dire-droit du 18 octobre 2024 », que le procès-verbal établi le 23 août 2023 a été produit.

La cour refuse d’admettre cette production tardive. Elle énonce que « ce procès-verbal descriptif n’ayant pas été déposé dans les cinq jours de l’assignation du 3 octobre 2023, donc avant le 8 octobre 2023, sa production effectuée le 8 novembre 2024 est inopérante ».

Ce refus de régularisation s’explique par la nature des délais de la saisie immobilière. L’article R 311-11 du code des procédures civiles d’exécution prévoit expressément que le délai de l’article R 322-10 est « prescrit à peine de caducité du commandement de payer valant saisie ». Le créancier poursuivant ne saurait donc réparer son manquement en produisant ultérieurement le document omis.

II. Le régime de la caducité sanctionnant le défaut de procès-verbal descriptif

La cour précise la nature de la sanction applicable (A) avant de statuer sur les conséquences accessoires de cette caducité (B).

A. La caducité comme sanction exclusive du commandement

La Cour d’appel de Pau se réfère expressément à la jurisprudence de la Cour de cassation pour déterminer la sanction applicable. Elle indique que « la sanction de l’absence de procès-verbal descriptif dans le dépôt du cahier des conditions de vente est la caducité du commandement de payer valant saisie » et vise l’arrêt de la deuxième chambre civile du 21 février 2013.

Cette qualification emporte des conséquences procédurales significatives. La cour précise qu’« il ne s’agit donc pas d’une radiation du commandement de payer mais d’une caducité qui sera néanmoins mentionnée en marge de la copie du commandement publié au fichier immobilier ». La distinction est importante car la caducité fait tomber rétroactivement les effets du commandement, tandis que la radiation n’opère que pour l’avenir.

L’arrêt écarte également l’application du régime des nullités de procédure prévu aux articles 112 et suivants du code de procédure civile. Le juge de l’exécution avait retenu que l’omission avait été réparée sans causer de grief. La cour rejette cette analyse en sanctionnant l’irrégularité par la caducité, laquelle n’est pas subordonnée à la démonstration d’un grief.

B. Les conséquences de la caducité sur la procédure et les demandes accessoires

La déclaration de caducité du commandement emporte l’infirmation du jugement « dans toutes ses dispositions dès lors que la procédure de saisie immobilière ne peut prospérer du fait de la caducité du commandement de payer ». La vente aux enchères ordonnée par le premier juge est ainsi anéantie.

La cour ordonne que « cette caducité sera inscrite en marge de la publication de ce commandement de payer, aux frais de la SAS Eos France ». Cette publicité permet d’informer les tiers de l’extinction de la procédure de saisie.

S’agissant des demandes accessoires, la société débitrice est déboutée de sa demande en dommages-intérêts au motif qu’elle « n’étaye sa demande en dommages-intérêts par aucun élément ». En revanche, « l’équité commande d’allouer uniquement à l’EARL Pededaut une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ». Le créancier poursuivant est condamné aux dépens de la saisie immobilière et d’appel.

Cette solution manifeste une répartition classique des frais : le créancier qui a irrégulièrement conduit la procédure doit en supporter les conséquences pécuniaires. La caducité du commandement ne lui interdit cependant pas de recommencer une nouvelle procédure de saisie immobilière en respectant cette fois les exigences formelles du code des procédures civiles d’exécution.

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Hassan KOHEN
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