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Par un arrêt du 26 juin 2025, la Cour d’appel de Pau s’est prononcée sur la recevabilité des actions en nullité d’un contrat de vente et de crédit affecté portant sur une installation photovoltaïque, ainsi que sur la responsabilité du prêteur et la déchéance de son droit aux intérêts.
Le 19 janvier 2013, un particulier a commandé auprès d’une société spécialisée une installation de production d’électricité photovoltaïque comprenant douze panneaux solaires, un onduleur et un ballon thermodynamique pour un prix de 26.500 euros. Pour financer cette acquisition, il a souscrit avec son épouse un crédit affecté auprès d’un établissement bancaire, remboursable en 180 mensualités au taux débiteur de 5,61 %. Cinq jours après la commande, l’acquéreur a signé une attestation de livraison sollicitant le déblocage des fonds au profit du vendeur.
Par acte du 17 novembre 2021, les emprunteurs ont assigné la banque aux fins d’obtenir la nullité des contrats de vente et de crédit, de voir engager la responsabilité du prêteur et de le voir déchu de son droit aux intérêts. Le vendeur n’a pas été appelé dans la cause. Par jugement du 2 mai 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mont de Marsan a déclaré prescrites les actions fondées tant sur la violation du code de la consommation que sur le dol, et a déclaré les demandeurs irrecevables en leur action. Les emprunteurs ont interjeté appel.
La Cour d’appel de Pau devait répondre à plusieurs questions. L’action en nullité du contrat de vente était-elle recevable en l’absence du vendeur dans la cause ? L’action en responsabilité du prêteur pour défaut de vérification de la régularité du bon de commande était-elle prescrite ? Le prêteur pouvait-il être déchu de son droit aux intérêts faute de justifier de la consultation du fichier des incidents de crédit ?
La Cour confirme l’irrecevabilité de l’action en nullité faute de mise en cause du vendeur. Elle infirme partiellement le jugement en déclarant non prescrite l’action en responsabilité pour défaut de vérification de la conformité du bon de commande. Elle rejette néanmoins cette action au fond faute de lien de causalité entre la faute alléguée et les préjudices invoqués. Elle prononce enfin la déchéance du droit aux intérêts du prêteur qui n’établit pas avoir consulté le fichier des incidents de crédit avant l’octroi du prêt.
Cet arrêt illustre les exigences procédurales pesant sur le consommateur contestant un contrat de vente, tout en révélant les obligations probatoires incombant au prêteur. Il convient d’examiner les conditions de recevabilité de l’action en nullité et de l’action en responsabilité (I), avant d’analyser le régime de la déchéance du droit aux intérêts du prêteur (II).
I. Les obstacles à la contestation du contrat par l’emprunteur
La Cour d’appel de Pau rappelle avec fermeté les conditions de recevabilité de l’action en nullité (A), tout en adoptant une position plus nuancée quant à la prescription de l’action en responsabilité dirigée contre le prêteur (B).
A. L’irrecevabilité de l’action en nullité faute de mise en cause du vendeur
Les emprunteurs sollicitaient la nullité du contrat de vente pour irrégularité formelle du bon de commande au regard des prescriptions du code de la consommation, ainsi que la nullité subséquente du contrat de crédit affecté. La Cour oppose à cette demande une fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en cause du vendeur.
La Cour fonde sa décision sur les articles 14 et 32 du code de procédure civile. Le premier énonce que « nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ». Le second dispose qu’« est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir ». La juridiction en déduit qu’« en l’absence d’une des parties à ce contrat litigieux, leur action en nullité du contrat principal ne peut être examinée et est irrecevable ».
Cette solution procède d’une application rigoureuse des règles gouvernant l’effet relatif des jugements. L’annulation d’un contrat ne saurait être prononcée sans que les deux parties contractantes aient été mises en mesure de présenter leurs observations. Le principe du contradictoire commande que le vendeur, partie au contrat dont la nullité est sollicitée, puisse défendre ses intérêts devant la juridiction saisie.
La Cour étend logiquement cette irrecevabilité à l’action en nullité du contrat de crédit affecté. Le mécanisme de l’interdépendance des contrats prévu par le code de la consommation suppose que la nullité du contrat principal soit préalablement constatée. L’impossibilité de prononcer cette nullité fait obstacle à ce que le contrat de crédit soit atteint par voie de conséquence. Les juges relèvent au surplus que les emprunteurs « ne soulèvent pas de cause de nullité propre au contrat de prêt lui-même », fermant ainsi toute voie de contestation autonome du financement.
Cette décision invite à s’interroger sur les diligences attendues du consommateur confronté à la défaillance du vendeur. L’arrêt mentionne incidemment que la société venderesse « semble faire (ou avoir fait) l’objet » d’une procédure collective, sans que les appelants aient fourni de précisions sur ce point. Cette circonstance révèle peut-être les difficultés pratiques auxquelles se heurtent les emprunteurs désireux de mettre en cause un vendeur en situation de déconfiture.
B. Le report du point de départ de la prescription de l’action en responsabilité
Les emprunteurs recherchaient la responsabilité du prêteur pour avoir libéré les fonds sans vérifier la régularité du bon de commande. La banque opposait la prescription de cette action. La Cour adopte une solution différenciée selon la nature du manquement reproché.
Concernant le défaut de vérification de l’exécution du contrat principal, la Cour fixe le point de départ de la prescription à la date du déblocage des fonds. Elle relève que « les emprunteurs ne pouvaient ignorer, à la date du déblocage des fonds, soit le 28 janvier 2013, qu’ils ont sollicité en signant l’attestation de livraison le 24 janvier 2013 […] que le contrat principal n’était pas complètement exécuté ». L’action introduite le 17 novembre 2021 est donc prescrite sur ce fondement, le délai quinquennal étant largement écoulé.
La Cour adopte une position inverse concernant le défaut de vérification de la conformité formelle du bon de commande. Elle constate que « la page comprenant les dispositions légales (article L121-23 à L121-26 du code de la consommation) et les conditions générales de vente produites par la banque ne comporte aucune signature ». Elle en déduit que « la preuve n’est pas rapportée que le bon de commande signé […] reproduisait les articles L121-23 à L121-26 du code de la consommation lui permettant de vérifier la conformité des mentions du bon de commande avec les prescriptions légales ».
Cette constatation conduit la Cour à reporter le point de départ de la prescription au jour où les emprunteurs ont eu connaissance des irrégularités, soit « au moment où [ils] ont consulté leur avocat ». La juridiction fait ici application de l’article 2224 du code civil selon lequel les actions se prescrivent « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».
Cette distinction entre les deux griefs mérite approbation. L’emprunteur profane ne peut déceler les irrégularités formelles d’un bon de commande que s’il dispose du référentiel légal applicable. En l’absence de reproduction des textes sur le document contractuel, la connaissance du vice est nécessairement reportée à une date ultérieure. En revanche, l’emprunteur qui signe une attestation de livraison alors que l’installation n’est pas achevée dispose d’une connaissance immédiate de l’inexécution partielle du contrat principal.
II. Les sanctions du manquement du prêteur à ses obligations
La Cour d’appel de Pau distingue l’action en responsabilité, qui échoue faute de préjudice démontré (A), de la sanction automatique que constitue la déchéance du droit aux intérêts (B).
A. L’échec de l’action en responsabilité faute de préjudice en lien causal avec la faute
Les emprunteurs sollicitaient la privation de la créance de restitution du prêteur ainsi que des dommages et intérêts au titre d’un préjudice économique et moral. La Cour rejette ces demandes en l’absence de lien de causalité entre la faute reprochée et les préjudices invoqués.
La Cour admet implicitement que le prêteur pourrait être fautif en libérant les fonds « sans vérification préalable de la régularité du contrat ». Elle précise que cette faute priverait « l’emprunteur d’une chance de ne pas contracter un contrat de vente irrégulier, et un contrat de crédit qui lui est lié ». Toutefois, elle rappelle que « la responsabilité de l’organisme dispensateur de crédit ne peut être engagée que s’il est rapporté la preuve d’un préjudice en lien de causalité avec cette faute ».
Les emprunteurs invoquaient deux préjudices. Le premier tenait au défaut de rentabilité de l’installation qui ne couvrirait pas les mensualités du prêt. La Cour écarte ce grief en relevant qu’« aucune pièce ne vient corroborer un engagement contractuel du vendeur sur la rentabilité de l’installation qui n’est pas entrée dans le champ contractuel ». Le prêteur n’est pas garant des engagements du vendeur, fussent-ils déterminants du consentement de l’acquéreur.
Le second préjudice résidait dans la perte du prix de vente du fait de la déconfiture du vendeur. La Cour rejette également cet argument en constatant que « les appelants ont rendu toute annulation des contrats et toute restitution impossibles » en ne mettant pas le vendeur en cause. L’impossibilité d’obtenir restitution procède de la carence procédurale des emprunteurs, non de la faute du prêteur.
La Cour rejette pareillement la demande de dommages et intérêts au titre de l’enlèvement des panneaux et de la remise en état de la toiture. Elle relève qu’« en l’absence d’annulation du contrat de vente, il n’y aura pas enlèvement de la centrale photovoltaïque (dont il n’est pas contesté qu’elle fonctionne) ». Le préjudice allégué est purement hypothétique.
Cette motivation illustre les limites de l’action en responsabilité du prêteur dans le contentieux photovoltaïque. Même établie, la faute du prêteur ne suffit pas à engager sa responsabilité. L’emprunteur doit démontrer un préjudice certain en lien direct avec le manquement, ce qui s’avère particulièrement difficile lorsque l’installation fonctionne et que la nullité du contrat ne peut être prononcée.
B. La déchéance du droit aux intérêts pour défaut de consultation du fichier des incidents
La Cour prononce la déchéance du droit aux intérêts du prêteur qui ne justifie pas avoir consulté le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers avant l’octroi du prêt.
Les emprunteurs soulevaient le moyen tiré de la violation de l’article L312-16 du code de la consommation imposant au prêteur de consulter le fichier des incidents de crédit préalablement à la conclusion du contrat. La Cour constate que « la société Cofidis ne produit pas le justificatif de la consultation du FICP qui doit intervenir préalablement à la conclusion du contrat de crédit ».
La sanction de ce manquement est prévue par l’article L311-48 du code de la consommation, devenu L341-8, qui prévoit la déchéance du droit aux intérêts. La Cour prononce cette sanction et condamne en conséquence le prêteur « à rembourser […] les intérêts déjà payés au titre du contrat de crédit ».
Cette solution présente un intérêt pratique considérable pour les emprunteurs. La déchéance du droit aux intérêts constitue une sanction automatique qui ne suppose pas la démonstration d’un préjudice. Il suffit que le prêteur ne rapporte pas la preuve de la consultation du fichier pour que la sanction soit prononcée. La charge de la preuve pèse ainsi sur l’établissement de crédit.
L’arrêt illustre le renversement du rapport de forces opéré par cette sanction. Alors que l’action en responsabilité échoue faute pour les emprunteurs de démontrer un préjudice en lien causal avec la faute du prêteur, la déchéance du droit aux intérêts leur permet d’obtenir le remboursement de sommes substantielles sur le seul constat d’une carence probatoire de la banque. Le prêteur supporte ainsi le risque de ne pas avoir conservé les justificatifs de ses vérifications précontractuelles.
Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence constante sanctionnant le défaut de consultation du fichier des incidents. Elle rappelle aux établissements de crédit l’importance de conserver la trace des vérifications effectuées lors de l’octroi du prêt, plusieurs années après la conclusion du contrat. La sanction financière peut s’avérer lourde lorsque le prêt, comme en l’espèce, porte sur une durée de quinze années et génère des intérêts significatifs.