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Par un arrêt de la Cour d’appel de Pau, chambre sociale, du 28 août 2025, la juridiction statue sur la détermination des points de retraite d’un professionnel libéral exerçant sous le régime micro, pour la retraite de base et la retraite complémentaire. La liquidation intervenue au 1er janvier 2022 a été contestée, après une décision implicite puis explicite de la commission de recours préalable, devant le pôle social du tribunal judiciaire qui a partiellement fait droit aux demandes. La caisse a interjeté appel, sollicitant la validation de ses calculs, tandis que l’assuré a demandé la confirmation, des dommages et intérêts et une indemnité procédurale.
Le litige soulève deux séries de questions. D’une part, l’assiette pertinente pour attribuer les points de retraite de base aux auto‑entrepreneurs, avant et après l’inflexion opérée par la loi du 23 décembre 2016 et le mécanisme proportionnel de l’article D. 643‑1 du Code de la sécurité sociale. D’autre part, les modalités d’attribution des points de retraite complémentaire, entre logique proportionnelle et attribution forfaitaire par classes au regard du décret n° 79‑262. La Cour confirme les rectifications de points de base pour 2010‑2015, infirme pour 2016‑2021 en retenant la stricte proportion aux cotisations, et confirme l’attribution automatique des points complémentaires selon la classe. Elle rejette les demandes indemnitaires, y compris pour appel abusif.
I. Le régime de base des auto‑entrepreneurs: clarification de l’assiette et du mode d’acquisition des points
A) Assiette avant 2016: primauté du chiffre d’affaires sur le bénéfice imposable
Pour la période antérieure à 2016, la Cour retient la lecture textuelle de l’article L. 133‑6‑8, alors applicable aux micro‑entrepreneurs. L’assiette de cotisations repose sur le chiffre d’affaires déclaré, non sur le bénéfice fiscal après abattement. La solution se fonde sur la distinction entre base de calcul des cotisations sociales et régime fiscal micro, inapte à gouverner la classe de cotisation. Le motif est sans ambiguïté lorsqu’il rappelle que « ce n’est que dans sa rédaction issue de la loi du 23 décembre 2016, applicable aux travailleurs indépendants créant leur activité à compter du 1er janvier 2018, que cet article prévoit le calcul des prestations sur la base du chiffre d’affaires après abattement d’un taux de 34% ».
Cette position consolide la sécurité juridique des micro‑entrepreneurs antérieurs à 2016. Elle confirme la cohérence du premier juge, qui avait recalculé les points de base de 2010 à 2015 à partir du chiffre d’affaires et des valeurs de points applicables. La pratique consistant à transposer l’abattement fiscal de 34% comme critère social est écartée, faute de fondement légal.
B) Calcul 2016‑2021: proportionnalité stricte aux cotisations et valeur d’achat du point
À compter des prestations 2016, la Cour applique l’article D. 643‑1, qui organise l’acquisition des points par référence aux cotisations effectivement acquittées. Le texte rappelle que « le versement de la cotisation annuelle correspondant au plafond de revenu fixé au 1º de l’article D. 642‑3 ouvre droit à l’attribution de 525 points de retraite ». La Cour en déduit que « le nombre de points de retraite de base est strictement proportionnel aux cotisations effectivement acquittées ».
La méthode retenue distingue, au sein du forfait social, la part affectée à l’assurance vieillesse de base, puis rapporte cette fraction à la cotisation annuelle correspondant au plafond, pour déterminer les points acquis. Elle écarte une détermination erronée de la valeur d’achat du point fondée sur le seul plafond, et non sur la cotisation correspondante prévue par l’article D. 642‑3. Cette construction, plus technique, assure l’alignement du droit des micro‑entrepreneurs avec l’architecture contributive de la retraite de base postérieure à 2015, et justifie l’infirmation partielle du jugement.
II. La retraite complémentaire: affirmation de la logique de classes et portée contentieuse mesurée
A) Attribution des points: primauté du décret n° 79‑262 et des classes forfaitaires
S’agissant du régime complémentaire, la Cour applique le dispositif réglementaire autonome d’attribution des points par classes. Le décret prévoit que « le régime d’assurance vieillesse complémentaire institué par l’article 1er comporte huit classes de cotisation ». Les points sont attribués automatiquement selon la classe obligatoire ou d’option, indépendamment d’un calcul proportionnel aux versements.
La Cour constate l’appel des cotisations dans des classes déterminées selon les années en cause et le paiement effectif des cotisations. Elle confirme alors l’attribution des points forfaitaires (quarante points avant 2013, trente‑six en 2013, soixante‑douze à compter de 2014 dans la classe correspondante). La solution écarte toute règle proportionnelle issue de statuts internes, inapplicables en présence d’un décret qui fixe la mécanique d’attribution des droits.
B) Portée pratique, cohérence normative et demandes accessoires
L’arrêt clarifie la dualité des logiques. Le régime de base relève d’une proportion stricte aux cotisations versées depuis 2016, quand le régime complémentaire demeure régi par des classes forfaitaires donnant lieu à un quantum annuel déterminé. Cette dualité améliore la prévisibilité des droits et encadre les reconstitutions rétroactives. Elle impose toutefois une traçabilité fine des versements et de leur affectation, afin d’éviter des divergences méthodologiques persistantes devant les juridictions sociales.
Les demandes indemnitaires sont rejetées, la Cour relevant l’existence d’une controverse juridique sérieuse. La règle applicable à l’appel abusif est rappelée en des termes nets: « selon l’article 559 du code de procédure civile, en cas d’appel principal dilatoire ou abusif, l’appelant peut être condamné à une amende civile d’un montant maximum de 10 000€ sans préjudice des dommages‑intérêts qui lui seraient réclamés ». En l’espèce, l’absence de caractère fautif exclut toute condamnation à dommages et intérêts, de même qu’une indemnité procédurale d’appel. La décision, confirmative pour l’essentiel, trace ainsi une ligne claire pour les contentieux analogues mêlant micro‑entreprise, retraite de base et retraite complémentaire.