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La date de consolidation d’un accident du travail constitue un enjeu majeur pour les victimes, car elle marque la fin de la période d’indemnisation des soins au titre de la législation professionnelle et ouvre droit à l’évaluation de l’incapacité permanente. L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Pau le 28 août 2025 illustre les difficultés auxquelles se heurtent les assurés lorsqu’ils contestent cette date, notamment en présence d’un état antérieur.
Les faits de l’espèce sont les suivants. Un salarié a été victime d’un accident du travail le 20 mai 2019. La Caisse primaire d’assurance maladie des Hautes-Pyrénées a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle. Le 1er septembre 2021, l’état de santé de l’intéressé a été déclaré consolidé au 1er octobre 2021. Le salarié a saisi la Commission médicale de recours amiable le 24 février 2022, contestant cette date et sollicitant une expertise médicale technique. Par décisions des 5 et 12 avril 2022, la commission a maintenu la consolidation au 1er octobre 2021, se fondant sur le rapport d’un médecin expert concluant que l’état de l’assuré pouvait être considéré comme consolidé à cette date.
Le salarié a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Tarbes le 3 juin 2022. Une consultation médicale a été ordonnée et confiée à un médecin consultant. Par jugement du 1er juin 2023, le tribunal a homologué le rapport de consultation médicale, confirmé la décision de la commission et fixé la date de consolidation au 1er octobre 2021. Le salarié a interjeté appel de cette décision le 15 juin 2023.
Devant la Cour d’appel de Pau, l’appelant a maintenu sa contestation et produit diverses pièces médicales. La caisse a demandé la confirmation du jugement, estimant que l’appelant ne versait pas aux débats de pièces justifiant d’une non-consolidation et que les documents produits démontraient l’existence d’un état antérieur sans soins actifs imputables à l’accident après la date retenue.
La question posée à la cour était de savoir si la date de consolidation de l’état de santé du salarié à la suite de son accident du travail devait être maintenue au 1er octobre 2021, nonobstant les contestations de l’intéressé et les pièces médicales produites à l’appui de son recours.
La Cour d’appel de Pau a confirmé le jugement du pôle social de Tarbes du 1er juin 2023 et condamné l’appelant aux dépens d’appel. Elle a retenu que les conclusions des experts médicaux étaient claires, précises et concordantes, et que l’appelant ne produisait aucun élément médical permettant de modifier la date de consolidation.
Cette décision invite à examiner d’abord les critères de détermination de la date de consolidation en matière d’accident du travail (I), puis la charge de la preuve pesant sur l’assuré contestataire (II).
I. La détermination de la date de consolidation en matière d’accident du travail
La cour rappelle les principes gouvernant la notion de consolidation (A), puis précise le rôle déterminant des expertises médicales dans la fixation de cette date (B).
A. Le rappel de la notion juridique de consolidation
La Cour d’appel de Pau reprend la définition classique de la consolidation en droit de la sécurité sociale. Elle énonce que « la consolidation est le moment où, à la suite de l’état transitoire constitué par la période de soins, la lésion se fixe et prend un caractère permanent, sinon définitif, tel qu’un traitement n’est plus en principe nécessaire, si ce n’est pour éviter une aggravation ». Cette formulation, constante en jurisprudence, distingue la consolidation de la guérison. L’assuré peut conserver des séquelles tout en étant consolidé, dès lors que son état ne nécessite plus de soins actifs destinés à améliorer les lésions imputables à l’accident.
La cour précise utilement que « la fixation d’une date de consolidation ne fait pas obstacle à la reconnaissance ultérieure de rechutes ou de l’aggravation, voire de l’amélioration de l’état de la victime susceptibles d’entraîner des révisions du taux d’incapacité ». Cette précision revêt une importance pratique considérable. Elle signifie que la consolidation n’est pas synonyme de clôture définitive du dossier médical. L’assuré conserve la possibilité de solliciter la prise en charge de rechutes ou d’obtenir une révision de son taux d’incapacité si son état évolue.
Cette approche s’inscrit dans une conception pragmatique du droit de la réparation des accidents du travail. Elle permet de concilier la nécessité de fixer un terme à la période d’indemnisation des soins avec la prise en compte des évolutions possibles de l’état de santé de la victime.
B. Le rôle déterminant de l’expertise médicale concordante
La cour s’appuie sur plusieurs expertises médicales pour confirmer la date de consolidation. Le médecin désigné par la commission de recours amiable avait conclu que « l’état de l’assuré, victime d’un accident du travail le 20.05.2019 pouvait être considéré comme consolidé au 01.10.2021 ». Le médecin consultant désigné par le premier juge a abouti à une conclusion identique, retenant que « la présence d’un état antérieur patent au niveau du genou droit, les données de notre examen clinique […] et de l’absence de réalisation de soins actifs imputables à l’accident du travail du 20/05/2019 postérieurs au 01/10/2021 permettent de maintenir une date de consolidation au 01/10/2021 ».
La cour relève que « les conclusions du docteur [R] sont claires, précises et dépourvues d’ambiguïté » et qu’elles sont « par ailleurs concordantes avec celles du médecin expert désigné par la commission de recours amiable ». Cette concordance entre plusieurs avis médicaux indépendants renforce considérablement la légitimité de la date retenue. Elle établit une présomption solide que la date de consolidation est médicalement fondée.
Le médecin conseil de la caisse a également confirmé cette analyse dans son argumentaire médical, indiquant un « état consolidé sur absence de soins actifs depuis plusieurs mois ». La convergence de trois avis médicaux distincts confère à la décision une assise scientifique difficilement contestable en l’absence d’éléments contraires probants.
II. La charge de la preuve incombant à l’assuré contestataire
L’examen des pièces produites par l’appelant révèle leur inadéquation avec l’objet du litige (A). La présence d’un état antérieur complexifie par ailleurs la situation de l’assuré (B).
A. L’insuffisance des éléments médicaux produits par l’appelant
La cour constate que « M. [T] [M] ne produit aucun élément médical permettant de modifier cette date ». Cette affirmation traduit l’exigence probatoire pesant sur l’assuré qui conteste une date de consolidation. Il ne suffit pas de manifester son désaccord ou de produire des pièces médicales quelconques. Encore faut-il que ces pièces soient pertinentes au regard de l’objet du litige.
La cour relève que « les pièces qu’il produit ne portent pas sur la date de consolidation de son accident du travail et ne font pas mention de soins en cours pour les lésions et séquelles résultant de celui-ci ». L’appelant avait certes produit des certificats médicaux, mais ceux-ci concernaient notamment une demande de placement en invalidité. Or, comme le souligne la cour, ces certificats « ne portent aucune information médicale utile sur la date de la consolidation ».
Cette distinction entre invalidité et consolidation mérite d’être soulignée. L’invalidité relève du régime général de l’assurance maladie et concerne la réduction de la capacité de travail. La consolidation relève de la législation sur les accidents du travail et concerne la stabilisation des lésions imputables à l’accident. Un assuré peut être consolidé tout en relevant d’une mise en invalidité si sa capacité de travail est réduite pour des causes étrangères à l’accident ou en raison des séquelles de celui-ci.
B. L’incidence de l’état antérieur sur l’appréciation de la consolidation
La cour accorde une attention particulière à l’existence d’un état antérieur. Le médecin consultant avait relevé « la notion d’un état antérieur au niveau du genou droit représenté par une méniscose dégénérative associée à une chondropathie fémoro-tibiale importante ». Le médecin traitant avait également mentionné « la présence d’une arthrose du genou bilatérale ».
La cour observe avec finesse que « les pièces médicales produites confirment l’existence d’un état antérieur important qui peut laisser penser à M. [T] [M] que son état n’est pas consolidé puisque portant sur le genou ». Cette formulation révèle une compréhension des difficultés auxquelles est confronté l’assuré. Celui-ci peut légitimement confondre les symptômes liés à son état antérieur dégénératif avec les séquelles de son accident du travail.
Toutefois, cette confusion subjective ne saurait modifier l’appréciation objective de la consolidation. Seules les lésions imputables à l’accident du travail doivent être prises en compte pour déterminer si l’état est consolidé. L’existence de pathologies préexistantes ou concomitantes, même si elles affectent la même partie du corps, ne prolonge pas la période de consolidation dès lors que les lésions spécifiquement causées par l’accident ont atteint un état stable.
Cette décision illustre la rigueur avec laquelle les juridictions apprécient les contestations de dates de consolidation. Elle rappelle que l’assuré qui entend contester cette date doit produire des éléments médicaux précis, démontrant la persistance de soins actifs directement imputables à l’accident. La simple production de pièces médicales attestant de douleurs ou de gênes fonctionnelles ne suffit pas si ces symptômes peuvent être rattachés à un état antérieur ou si aucun traitement actif n’est en cours pour les lésions accidentelles.