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La Cour d’appel de Pau, chambre sociale, 28 août 2025, se prononce sur la contestation par un salarié protégé de la légalité de l’autorisation administrative ayant permis son licenciement économique, et sur la demande de renvoi préjudiciel au juge administratif posée à cette fin. Les faits tiennent à un projet de réorganisation ayant entraîné la fermeture d’un site, la proposition d’un transfert de poste puis de reclassements refusés, et la saisine de l’inspection du travail concluant à l’autorisation de licenciement. La procédure a vu un jugement du conseil de prud’hommes de Mont‑de‑Marsan, 5 juillet 2023, débouter le salarié de ses demandes, avant l’appel tendant notamment au renvoi préjudiciel, à la nullité de la rupture pour violation du statut protecteur, et, subsidiairement, à la reconnaissance d’une absence de cause réelle et sérieuse. La question de droit portait sur les conditions du renvoi préjudiciel au regard de la séparation des pouvoirs et de l’article 49 du code de procédure civile, et sur la distinction entre validité et légalité de l’autorisation administrative. La solution retient le refus du renvoi, l’absence de caractère sérieux de l’exception d’illégalité, et confirme le jugement prud’homal.
I. Le cadre juridictionnel du litige et la portée du renvoi préjudiciel
A. La séparation des pouvoirs et le partage des compétences
Le juge judiciaire est ici conduit à rappeler son office à l’égard des licenciements des salariés protégés, lorsqu’une décision administrative d’autorisation existe. La décision énonce de manière nette les conditions du renvoi préjudiciel: «Le juge judiciaire peut, en application de l’article 49 du code de procédure civile, saisir le juge administratif d’une question préjudicielle et surseoir à statuer dans l’attente de la décision du juge administratif lorsque la solution d’un litige dépend d’une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative.» La Cour précise également le régime de l’exception d’illégalité, quant à sa recevabilité temporelle et au contrôle opéré: «Il est constant que l’exception devant le juge judiciaire tirée de l’illégalité d’un acte administratif individuel n’est soumise à aucune condition de délai. Il appartient au juge saisi de se prononcer sur le caractère sérieux de l’exception.»
Cette grille s’articule avec les principes fondateurs de la séparation des autorités administrative et judiciaire, lesquels interdisent d’apprécier le motif économique lorsqu’une autorisation devenue définitive existe. La Cour trace ensuite une ligne conceptuelle déterminante pour la suite: «Il doit en effet être fait une distinction entre la validité de l’autorisation administrative de licencier et sa légalité.» Cette distinction commande les effets procéduraux du renvoi et borne, en droit positif, la nature des réparations accessibles devant le juge judiciaire.
B. La distinction validité/légalité et ses conséquences sur la demande de nullité
La demande principale visait la nullité du licenciement pour violation du statut protecteur, donc la disparition de l’acte administratif autorisant la rupture. Or la Cour relève que l’éventuelle illégalité de l’autorisation, objet d’un renvoi préjudiciel, n’emporterait pas, devant le juge judiciaire, pouvoir de prononcer la nullité de la rupture sur ce fondement. La motivation reprend précisément le régime issu du code du travail et de la jurisprudence relative à l’indemnisation corrélée à l’annulation: «Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables quand la décision administrative autorisant le licenciement, sur renvoi préjudiciel du juge judiciaire, est déclarée illégale par le juge administratif ou lorsque le juge judiciaire accueille, au vu d’une jurisprudence établie, la contestation du salarié portant sur la légalité de l’autorisation de licenciement. Il appartient dans ce cas au juge judiciaire, après avoir statué sur la cause réelle et sérieuse de licenciement, de réparer le préjudice subi par le salarié, si l’illégalité de la décision d’autorisation est la conséquence d’une faute de l’employeur.»
Ainsi, l’illégalité n’ouvre pas, en tant que telle, la voie à la nullité recherchée dans ce contentieux civil, mais, le cas échéant, à une réparation subordonnée à l’établissement d’une faute de l’employeur après examen de la cause réelle et sérieuse. La solution du principal, centrée sur la validité de la rupture, ne dépendait donc pas de la réponse du juge administratif sur la légalité. En cohérence, la Cour juge inutile la saisine du juge administratif et décide que «La demande de renvoi à une question préjudicielle devant le tribunal administratif sera donc rejetée.»
II. L’appréciation du sérieux de l’exception d’illégalité et la portée de la décision
A. Un contrôle resserré du sérieux de l’exception d’illégalité
Au-delà du refus de renvoi pour le chef principal, la Cour examine la contestation subsidiaire articulée autour de l’absence de cause réelle et sérieuse, combinée à une faute de l’employeur qui aurait induit l’illégalité de l’autorisation. Elle rappelle le double critère cumulatif de l’article 49 du code de procédure civile, à savoir le lien de dépendance avec la solution du litige et la difficulté sérieuse. La Cour attache une importance particulière au processus contradictoire devant l’inspection du travail, aux auditions réalisées et à la contemporanéité suffisante des éléments chiffrés mobilisés, au regard de la période de réorganisation et des décisions prises.
L’argumentation fondée sur l’usage de données économiques des deux premiers trimestres de l’année précédant la décision ne convainc pas la juridiction d’appel. Au vu des baisses significatives d’activité et du résultat, et du calendrier de la réorganisation, la critique ne dévoile pas une difficulté sérieuse justifiant un renvoi. En conséquence, la Cour considère que les conditions du renvoi subsidiaire ne sont pas réunies et confirme la position des premiers juges. La formule retenue, parfaitement claire, parachève ce raisonnement en indiquant que «Le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.»
B. Portée pratique: sécurité des offices et vigilance probatoire
Cette décision présente une portée double. Sur le plan institutionnel, elle sécurise la répartition des offices. Le juge judiciaire conserve la main sur la réparation et l’examen de la cause, mais il n’instrumentalise pas le renvoi pour rechercher, par ricochet, la nullité d’une rupture en présence d’une autorisation existante. Le renvoi reste l’outil d’un contrôle ponctuel de légalité, opérant seulement si la réponse conditionne effectivement la solution du litige civil, et à la stricte condition d’une difficulté sérieuse établie.
Sur le plan probatoire, la motivation incite les salariés à documenter de manière précise le caractère erroné, incomplet ou non contemporain des données soumises à l’administration, et à établir un lien sérieux avec l’issue du litige prud’homal. Elle invite corrélativement les employeurs à justifier l’assise factuelle de la réorganisation et du motif économique à la date pertinente, ainsi que la réalité des recherches de reclassement, afin de résister au contrôle combiné du juge administratif et du juge judiciaire.
L’arrêt confirme enfin une ligne jurisprudentielle constante sur l’articulation entre légalité administrative et contentieux prud’homal des salariés protégés. Le renvoi n’est pas un détour automatique, mais un mécanisme d’exception, strictement borné par la dépendance de la solution et par l’exigence de sérieux, ici jugée défaillante. Cette clarification, utile en contexte de réorganisations rapides, contribue à la lisibilité du contentieux en tranchant d’abord la compétence, puis l’objet exact du contrôle exercé.