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Par un arrêt de la Cour d’appel de Pau du 28 août 2025, la chambre sociale tranche un litige relatif à un licenciement économique collectif. Un salarié, embauché en 2015 en contrat à durée indéterminée comme opérateur, a vu son poste supprimé lors d’une restructuration assortie d’un plan de sauvegarde de l’emploi homologué. La lettre du 9 novembre 2020 invoquait la sauvegarde de la compétitivité; l’intéressé a accepté le contrat de sécurisation professionnelle et la rupture est intervenue fin novembre. Le conseil de prud’hommes de Bayonne, le 9 novembre 2023, a admis la cause réelle et sérieuse, mais a retenu une méconnaissance des critères d’ordre. L’employeur a interjeté appel; le salarié et un syndicat sont intervenus pour contester la cause économique et solliciter diverses indemnisations. La cour statue sur la validité du motif économique fondé sur une réorganisation préventive, sur l’obligation de reclassement, et sur l’application des critères d’ordre. Elle confirme le bien-fondé du licenciement et le respect du reclassement, sanctionne l’absence de justification des critères d’ordre, et déclare l’action syndicale irrecevable.
I. La sauvegarde de la compétitivité comme motif économique
A. Exigences de motivation et de preuve
La cour rappelle d’abord les exigences textuelles de la lettre. « Conformément à l’article L.1233-16 du code du travail la lettre de licenciement comporte l’énoncé des motifs économiques invoqués par l’employeur ». Elle souligne ensuite que « Les faits énoncés doivent être précis et vérifiables ». La juridiction précise encore que « Il appert ici de rappeler que le contexte sanitaire exceptionnel de 2020, s’il a donné lieu à des dispositions législatives et réglementaires particulières dans le cadre de l’état d’urgence, n’a pas eu d’impact sur les dispositions relatives aux licenciements économiques ». Sur le fond, l’arrêt rappelle la grille d’appréciation de l’article L.1233-3 et les paramètres sectoriels de référence. Il énonce que « La réorganisation ne constitue un motif économique licite qu’à condition d’être nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise qui doit être réellement menacée, la seule recherche d’économies ne suffisant pas ». Il ajoute que « Une réorganisation peut être mise en ‘uvre, non seulement pour répondre à des difficultés économiques avérées, mais encore pour prévenir des difficultés économiques à venir, dès lors que la menace se profile et que la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise, donc son aptitude à affronter la concurrence, risque d’être mise en cause ». Quant au contrôle, la cour insiste sur la nécessité d’une motivation circonstanciée et sur les limites du contrôle d’opportunité. Les juges du fond « ne peuvent se borner à énoncer “des motifs d’ordre général” » et « le juge n’a pas à contrôler le choix effectué par l’employeur entre les différentes solutions possibles ».
B. Une caractérisation concrète et souveraine des menaces
La cour fonde sa décision sur des éléments comptables précis et vérifiables, en particulier la chute du chiffre d’affaires et l’apparition d’un résultat net significativement négatif. Elle constate une baisse de 34,6% du chiffre d’affaires entre 2019 et 2020, un déficit dépassant dix millions, et l’absence d’amélioration immédiate en 2021. L’arrêt déduit de ces données l’existence d’une menace certaine sur la compétitivité et la nécessité d’une réorganisation anticipative pour préserver l’emploi. Il s’inscrit dans la ligne selon laquelle « Les juges du fond doivent s’attacher à caractériser les menaces qui pèsent sur la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe ainsi que la nécessité de prendre des mesures d’anticipation afin de préserver l’emploi ». Cette analyse se combine avec une appréciation factuelle de la perturbation durable des carnets de commandes et des ajustements de charges. Les indices conjoncturels de reprise postérieurs au licenciement ne suffisent pas à disqualifier la menace existant au jour de la rupture.
II. Les garanties procédurales du licenciement collectif
A. Reclassement: obligation de moyens renforcée, tenue
La cour rappelle le cadre légal et la nature de l’obligation. « La recherche de reclassement constitue ainsi une obligation de l’employeur préalable à tout licenciement pour motif économique dont le non-respect prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, sauf à démontrer que l’employeur s’est trouvé dans l’impossibilité de reclasser le salarié ». « Il s’agit d’une obligation de moyens renforcée ». « L’obligation de reclassement est considérée comme remplie lorsque l’employeur justifie avoir effectué toutes les recherches dans l’entreprise ou dans les autres entreprises du groupe ». Appliquant ces principes, la cour retient l’existence de mesures prévues par le plan, une restructuration affectant l’ensemble des entités nationales, et l’absence de postes disponibles. La redistribution partielle des tâches ne démontre pas un remplacement, et aucun élément concret ne révèle une possibilité de reclassement effective pour l’intéressé. L’obligation a donc été respectée, la preuve d’une impossibilité sérieuse de reclasser ayant été rapportée.
B. Ordre des licenciements: charge de la preuve et réparation du préjudice
Le rappel des règles est net: « En cas de contestation, il appartient à l’employeur de communiquer au juge les éléments objectifs sur lesquels il s’est appuyé pour arrêter son choix ». « L’ordre des licenciements se détermine par catégorie professionnelle » et « Le seul fait que l’employeur n’ait pas pris en compte l’ensemble des critères suffit à caractériser la violation des critères d’ordre des licenciements ». Enfin, « l’inobservation des règles relatives à l’ordre des licenciements n’a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse »; le préjudice demeure distinct. La cour rappelle encore que « le non-respect des critères d’ordre n’entraîne pas nécessairement un préjudice » et qu’il doit être prouvé dans son étendue. En l’espèce, l’employeur n’a pas produit le tableau de pondération utile au contrôle; la violation est retenue et un préjudice est caractérisé par une baisse durable des revenus. L’indemnité est fixée à 5 850 euros, conformément à la logique réparatrice de l’atteinte, sans remise en cause de la cause réelle et sérieuse. L’action syndicale, enfin, est examinée au regard de l’intérêt collectif. « Ils peuvent devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent ». Faute de question de principe touchant la collectivité professionnelle et de démonstration d’une atteinte collective autonome, l’action est déclarée irrecevable.