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La Cour d’appel de Pau, chambre sociale, a rendu le 28 août 2025 un arrêt confirmant la validité d’une contrainte émise pour des cotisations dues par un travailleur indépendant, architecte immatriculé depuis 2008, pour un total de 1 480 euros au titre du quatrième trimestre 2023 et du premier trimestre 2024. L’affaire trouve son origine dans l’opposition formée contre cette contrainte, rejetée par jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Bayonne du 17 janvier 2025, décision assortie d’une amende civile de 300 euros et d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’appel avait été interjeté sous la forme d’un appel nullité. L’appelant soutenait, au fond, pouvoir refuser l’affiliation à un régime légal de sécurité sociale au profit d’une couverture contractuelle souscrite auprès d’assureurs européens, et réclamait des dommages et intérêts. L’organisme de recouvrement soulevait l’irrecevabilité de ce recours et sollicitait la confirmation intégrale du jugement, avec augmentation de l’indemnité de procédure. La cour énonce d’abord le cadre de l’appel nullité et en rejette le moyen, puis confirme la contrainte, les condamnations accessoires, et majore l’indemnité de procédure. La question posée était double : d’une part, la recevabilité d’un appel nullité contre un jugement en dernier ressort en l’absence d’excès de pouvoir ; d’autre part, la possibilité, au regard du droit de l’Union, d’échapper à l’affiliation obligatoire aux régimes légaux de sécurité sociale par le recours à des assurances privées.
La cour rappelle d’abord le principe directeur du contentieux de l’appel nullité : « En application des articles 543 et 562 du code de procédure civile, il est admis que les jugements en dernier ressort ne peuvent être frappés d’appel sauf en cas d’excès de pouvoir. Lorsque l’appel porte sur la nullité du jugement, la cour d’appel, saisie de l’entier litige par l’effet dévolutif de l’appel, est tenue de statuer sur le fond quelle que soit sa décision sur la nullité. » Puis, répondant au grief de partialité alléguée, elle souligne que « L’éventuelle erreur d’appréciation du juge ou l’erreur de droit de celui-ci, qui n’est au demeurant pas démontrée, ne saurait constituer un excès de pouvoir. » Sur le fond du litige d’affiliation, la solution réaffirme le caractère obligatoire des régimes légaux et l’absence de conflit avec les libertés européennes. La cour énonce que « Il sera ajouté que les directives européennes en matière d’assurance excluent de leur champ d’application les assurances comprises dans un régime légal de sécurité sociale » et que « Selon la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes, les États membres conservent leur compétence pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale. » Elle en déduit que « En conséquence, en l’état actuel de la législation relative à la sécurité sociale, toute personne travaillant en France doit être affiliée à un régime de sécurité sociale et de retraite. »
I – Portée et cohérence du contrôle exercé sur l’appel nullité et la contrainte
A – L’appel nullité cantonné à l’excès de pouvoir
La cour rappelle avec netteté le domaine strict de l’appel nullité en matière sociale. La formule citée fixe la règle et son corollaire procédural, soulignant qu’en toute hypothèse, l’effet dévolutif commande un examen du fond. La motivation écarte toute assimilation d’une éventuelle erreur de droit à un excès de pouvoir, en des termes sans ambiguïté : « L’éventuelle erreur d’appréciation du juge ou l’erreur de droit de celui-ci, qui n’est au demeurant pas démontrée, ne saurait constituer un excès de pouvoir. » La solution sécurise la frontière entre les vices de jugement, qui relèvent des voies de recours ordinaires ou d’un pourvoi, et l’excès de pouvoir, qui seul ouvre l’exceptionnelle voie d’un appel nullité contre une décision rendue en dernier ressort.
Ce cadrage présente une cohérence classique. La voie de l’appel nullité conserve sa fonction d’ultime soupape contre les dévoiements de compétence, sans se muer en appel-bis. La cour maintient ainsi l’économie des voies de recours, tout en assumant l’examen au fond que commande l’effet dévolutif quand l’appel est formé, ce qui évite les impasses procédurales.
B – La régularité de la contrainte et la charge probatoire de l’opposition
Sur la contestation de la contrainte, la cour rappelle la règle gouvernant l’instance d’opposition, qui concentre la charge probatoire sur le débiteur : « Il appartient à l’opposant à la contrainte de démontrer le bien-fondé de son opposition. » Après avoir constaté la production des mises en demeure, de la contrainte et de sa signification, elle souligne que les calculs, fondés sur les revenus transmis par l’administration fiscale en l’absence de déclaration, ne sont pas utilement contestés.
La démarche, prudente et méthodique, conforte la logique probatoire propre au recouvrement social. L’opposant doit étayer ses moyens par des éléments comptables ou juridiques précis. À défaut, la régularité formelle de la procédure et la justification de la créance suffisent, à elles seules, à emporter la validation de la contrainte.
II – Affirmation du caractère obligatoire de l’affiliation et portée dissuasive de la sanction de l’abus
A – L’exclusion des régimes légaux du champ assurantiel et la compétence des États
La cour replace le débat dans son cadre normatif européen et interne. D’une part, « Il sera ajouté que les directives européennes en matière d’assurance excluent de leur champ d’application les assurances comprises dans un régime légal de sécurité sociale. » D’autre part, « Selon la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes, les États membres conservent leur compétence pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale. » Cette double affirmation neutralise l’argument tiré de la libre prestation de services d’assurance et réaffirme la spécificité des régimes légaux, ancrés dans la solidarité.
La solution s’adosse ensuite au droit positif national, en rappelant l’impératif d’affiliation, ainsi formulé : « En conséquence, en l’état actuel de la législation relative à la sécurité sociale, toute personne travaillant en France doit être affiliée à un régime de sécurité sociale et de retraite. » Elle précise que les organismes chargés de ces régimes exercent une mission de service public ; partant, « Elle n’est donc pas soumise aux règles relatives à la concurrence », ce qui exclut l’idée d’un « marché » de la protection sociale légale. L’option assurantielle privée demeure possible uniquement sur le terrain complémentaire, sans effet exonératoire sur l’assiette et les obligations du régime de base.
B – La qualification d’abus et la fonction ordonnatrice de l’amende civile
La cour confirme la qualification d’abus procédural pour des recours réitérant un moyen inopérant déjà écarté. La motivation retient un objectif dilatoire, dans une formule ferme : « Il en résulte comme l’a analysé le premier juge que ce comportement peut être qualifié d’abusif n’ayant manifestement pour objet que de gagner du temps. » L’amende civile de 300 euros, proportionnée aux circonstances, s’ajoute aux dépens et aux frais irrépétibles pour rétablir l’équilibre procédural.
Cette sanction poursuit une finalité ordonnatrice. Elle prévient la saturation des juridictions par des contestations stéréotypées, sans dissuader l’exercice loyal des droits de la défense. Elle contribue, par effet d’annonce, à sécuriser la jurisprudence sociale face à des contentieux sériels contestant l’affiliation obligatoire au regard des libertés européennes, lesquelles, ainsi réinterprétées par la cour, ne méconnaissent ni la solidarité ni la compétence normative des États.
Au total, l’arrêt articule rigoureusement le contrôle de l’appel nullité, la régularité de la contrainte et la réaffirmation du monopole des régimes légaux, dans un ensemble cohérent et conforme au droit de l’Union, tout en rappelant la vocation dissuasive mesurée de l’amende civile.