Cour d’appel de Pau, le 3 juillet 2025, n°21/01700

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Rendue par la Cour d’appel de Pau le 3 juillet 2025, la décision intervient à la suite d’un accident du travail survenu en 2015, ayant entraîné l’amputation de la phalange distale du pouce non dominant. La prise en charge initiale au titre des risques professionnels a été suivie d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur. Le pôle social du tribunal judiciaire de Mont‑de‑Marsan a débouté la victime par jugement du 29 avril 2021.

La Cour d’appel de Pau, par arrêt du 25 janvier 2024, a infirmé le jugement, retenu la faute inexcusable, ordonné une expertise médicale, et renvoyé pour statuer sur l’indemnisation. Le rapport a précisé des douleurs persistantes, une préhension altérée et un blocage en semi‑flexion de l’articulation métacarpo‑phalangienne. La victime sollicitait l’indemnisation de plusieurs postes, l’employeur en contestait le quantum et la réalité de certains préjudices, la caisse s’en remettant à justice dans les limites de l’article L.452‑3.

La question posée à la juridiction d’appel tenait à la détermination des chefs indemnisables en cas de faute inexcusable au regard de l’article L.452‑3 du code de la sécurité sociale, ainsi qu’à leurs modalités d’évaluation. La cour rappelle le texte suivant: «Indépendamment de la majoration de rente […] la victime a le droit de demander […] la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales […], de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.» Elle ajoute: «Suivant ce texte, tel qu’interprété à la lumière de la décision n° 2010‑8QPC […] la victime a droit à la réparation […] de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV». Elle en déduit que «peuvent être indemnisés les frais d’assistance aux opérations d’expertise […] le déficit fonctionnel temporaire et le déficit fonctionnel permanent […] et les souffrances physiques et morales». Statuant, la Cour d’appel de Pau fixe des indemnités au titre du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, des préjudices esthétiques, du déficit fonctionnel permanent, de l’assistance par tierce personne et des frais d’assistance à expertise, rejette le préjudice d’agrément et la perte de promotion, et ordonne la mise à la charge de l’employeur des intérêts légaux sur les recours de la caisse.

I) Le cadre indemnitaire en cas de faute inexcusable

A) L’articulation de l’article L.452‑3 et des préjudices complémentaires

La cour replace d’abord l’indemnisation dans le champ de l’article L.452‑3, en rappelant, dans les termes mêmes du texte, l’autonomie des postes énumérés. Elle étend, dans le sillage de la jurisprudence constitutionnelle, le périmètre des réparations. L’énoncé est net: «Suivant ce texte […] la victime a droit […] à l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV», ce qui ouvre la voie à des postes complémentaires, distincts de la rente majorée.

Cette ouverture se double d’une précision sur le circuit de paiement, de portée pratique décisive: «la réparation des préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur». La solution respecte la logique duale du régime, où la rente couvre pertes de gains et incidence professionnelle, tandis que les dommages extra‑légaux relèvent d’une indemnisation complémentaire, contrôlée par le juge.

B) La qualification des postes et les méthodes d’évaluation retenues

La motivation caractérise chaque poste, en s’attachant à sa finalité juridique propre. S’agissant du déficit fonctionnel temporaire, la cour souligne que «Ce préjudice ne répare pas une perte de revenus», retenant une base de 25 euros par jour et écartant toute neutralisation liée au maintien du salaire. La rémunération n’influe pas sur l’atteinte aux joies usuelles de la vie courante.

Pour les souffrances endurées, l’évaluation médicale à 3/7 est jugée conforme à l’ampleur des soins subis, comprenant réimplantation tentée, amputation, pansements répétés et rééducation prolongée. Le préjudice esthétique temporaire, apprécié à 3/7, est confirmé, la cour retenant la visibilité intermittente du moignon avant cicatrisation, corroborée par la recommandation de «bien masser le moignon avec de la crème cicatrisante». Le préjudice esthétique permanent est fixé à 2/7, au vu de l’«attitude de la main», du blocage en semi‑flexion et des cicatrices.

L’assistance par tierce personne avant consolidation est indemnisée sur une base de 18 euros l’heure, sans réduction pour aide familiale, conformément à une jurisprudence constante. Enfin, les frais d’assistance à expertise sont expressément admis: «Les frais d’assistance de la victime par son médecin lors des opérations d’expertise […] ne figurent pas parmi les chefs de préjudice expressément couverts […] ce dont il résulte qu’ils ouvrent droit à indemnisation complémentaire.»

II) Appréciation de la solution et portée

A) Les exigences probatoires rappelées pour les préjudices subjectifs

La décision trace une ligne claire pour le préjudice d’agrément. L’expertise mentionne une gêne possible pour le vélo, et des attestations évoquent des arrêts d’activités. La cour sanctionne l’insuffisance des preuves d’une pratique antérieure régulière par une formule ferme: «Ces éléments sont cependant insuffisants à caractériser une pratique régulière, antérieurement à l’accident, de la pêche, du vélo et de la natation.» La rigueur probatoire protège l’autonomie du déficit fonctionnel permanent, pour éviter une double indemnisation des troubles dans les conditions d’existence.

La même rigueur gouverne la perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle, dont la rente ne répare pas l’atteinte. La cour rappelle la condition déterminante: «La perte ou la diminution de chance des possibilités de promotion professionnelle ne peut toutefois être indemnisée que si la victime justifie d’un préjudice certain distinct du déclassement professionnel ou si elle justifie de chances sérieuses de promotion professionnelle.» Faute de pièces relatives au licenciement et de perspective d’évolution étayée, elle conclut qu’«il n’est fourni aucun élément qui démontre l’existence d’un tel préjudice.»

B) La consécration d’une approche concrète du déficit fonctionnel permanent et des frais d’assistance

La fixation du déficit fonctionnel permanent illustre une méthode intégrative, attentive au retentissement global. Les constatations cliniques rapportées par l’expert décrivent une «pince […] sans force», un «enroulement des 4 doigts possible» avec protection du moignon et des douleurs de «membre fantôme». La cour assume une valorisation supérieure aux simples barèmes digitaux, en raison des douleurs majeures et du blocage en position semi‑fonctionnelle. Elle tranche sans ambiguïté: «Au vu de ces éléments, il convient de retenir le taux de 20 % proposé par l’expert.»

Cette approche cohérente s’articule avec le référentiel indicatif des cours d’appel de 2024, utilisé pour déterminer une valeur de point adaptée à l’âge de la victime à la consolidation. L’articulation barème‑référentiel, modulée par les données concrètes, confère prévisibilité et sécurité juridique à l’indemnisation.

La solution relative aux frais d’assistance à expertise confirme, enfin, une ligne désormais établie en matière de faute inexcusable. En qualifiant ces dépenses de conséquence directe et non couvertes par le livre IV, la cour entérine leur réparation complémentaire, facilitant une défense médicale effective des droits. Cette reconnaissance, alliée au mécanisme de subrogation prévu par l’article L.452‑3, renforce l’effectivité de la réparation: «la réparation des préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur.»

Par cette méthode, la Cour d’appel de Pau hiérarchise les postes, délimite strictement les preuves requises pour les préjudices subjectifs et confirme une indemnisation concrète des atteintes fonctionnelles et des frais nécessaires à leur évaluation.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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