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Rendue par la cour d’appel de Poitiers, 1re chambre civile, le 1er juillet 2025 (n° RG 23/02722), la décision commente la recevabilité et le bien‑fondé d’une action en responsabilité personnelle dirigée contre un liquidateur amiable. Une société licenciée, dissoute et placée en liquidation amiable, avait cessé de régler des redevances dues à son concédant. Une ordonnance de référé l’avait condamnée à une provision significative, restée inexécutée malgré des diligences d’exécution. Le créancier a alors attrait le liquidateur amiable en responsabilité, sur le fondement de l’article L. 237‑12 du code de commerce et de l’article 1240 du code civil, en lui reprochant de n’avoir ni provisionné les créances litigieuses, ni, à défaut d’actif suffisant, sollicité l’ouverture d’une procédure collective. Le tribunal de commerce a déclaré cette action irrecevable au motif que la liquidation restait en cours. La cour d’appel infirme, déclare l’action recevable, retient la faute du liquidateur amiable et alloue une indemnité au titre d’une perte de chance d’être payé.
La question centrale porte sur l’ouverture de l’action en responsabilité personnelle du liquidateur amiable avant la clôture de la liquidation. Elle intéresse le point de départ et l’autonomie du droit d’agir au regard de la prescription, ainsi que la prévention des comportements dilatoires. La cour consacre en outre l’obligation de provisionner toute créance litigieuse jusqu’au terme des procédures, et, en cas d’insuffisance d’actif, le devoir de différer la clôture et d’orienter vers le collectif. Elle juge enfin que le préjudice du créancier s’analyse en une perte de chance dont l’étendue dépend de la preuve, qui pèse sur le liquidateur.
I. Recevabilité de l’action contre le liquidateur amiable
A. L’autonomie du droit d’agir avant la clôture
La cour énonce d’abord que « le délai de prescription de l’action ne se confond pas avec le droit d’agir ». Elle en déduit que l’action fondée sur l’article L. 237‑12 du code de commerce peut être introduite avant la clôture par « ceux qui y ont intérêt ». Cette solution neutralise l’argument tiré de la persistance de la personnalité morale pendant les opérations et du point de départ de la prescription fixé, classiquement, à la publication de la clôture. Elle s’inscrit dans la logique d’une responsabilité fonctionnelle, détachable de la seule phase terminale des opérations.
La motivation s’appuie sur un principe d’accès au juge et sur la nature même des fautes reprochées. La cour souligne ainsi que « la clôture des opérations de liquidation amiable procédant d’une décision du liquidateur amiable, le droit d’agir en responsabilité à son encontre ne peut être subordonné à la réalisation d’une condition qui lui serait potestative ». L’empêchement procédural dénoncé par le créancier est donc levé. L’office du juge se concentre alors sur l’existence, l’imputabilité et les effets des manquements déjà consommés.
B. La prévention des manœuvres dilatoires et la portée des mesures de publicité
La juridiction retient que l’action ne peut être conditionnée à une clôture que le liquidateur pourrait différer, spécialement en l’absence de comptes de liquidation et de justificatifs d’opérations effectives. La référence à la radiation d’office, rappelée comme une mesure administrative, n’efface ni la personnalité morale ni l’obligation d’apurer le passif. La cour cite à cet égard un attendu de principe: « La liquidation amiable d’une société impose l’apurement intégral de son passif ». La publicité commerciale et ses éventuelles sanctions ne dispensent pas d’exécuter les obligations liquidatives.
La solution protège la finalité de la liquidation et évite que la maîtrise du calendrier ne crée un angle mort de responsabilité. Le créancier n’ayant pas qualité pour provoquer la clôture ni pour obtenir la désignation d’un mandataire ad hoc, la recevabilité anticipée refonde l’équilibre procédural. Elle permet aussi de préserver la preuve, menacée par l’inertie prolongée des organes sociaux.
II. Faute du liquidateur et réparation du préjudice
A. L’obligation de provisionner et l’orientation vers le collectif
La cour rappelle un double standard de prudence. D’une part, « la responsabilité personnelle du liquidateur amiable peut être recherchée s’il n’a pas constitué dans les comptes de la société une provision de nature à garantir les créances litigieuses ». D’autre part, « c’est jusqu’aux termes des procédures en cours que les créances litigieuses doivent être garanties par une provision ». Le défaut de provisionnement après une condamnation, fût‑elle en référé et sans autorité au principal, caractérise un manquement, le caractère litigieux imposant précisément la constitution d’une provision.
Lorsque l’actif s’avère insuffisant, l’office du liquidateur ne s’arrête pas au constat d’impuissance. La cour rappelle que « en l’absence d’actif social suffisant pour répondre du montant des condamnations […] il appartient au liquidateur de différer la clôture et de solliciter, le cas échéant, l’ouverture d’une procédure collective ». L’abstention doublement fautive, consistant à ne pas provisionner et à ne pas orienter vers le collectif, rompt l’égalité des créanciers et fait obstacle à l’apurement intégral du passif.
B. La perte de chance et la charge de la preuve
Le lien de causalité est réglé par une qualification constante: « lorsque la faute personnelle du liquidateur amiable est reconnue […], le préjudice […] est réparé par l’allocation d’une indemnité correspondant à la perte de chance pour le créancier d’obtenir le paiement de sa créance ». La mesure de cette chance dépend des éléments d’actif et des perspectives réalistes de recouvrement au moment des fautes. La cour retient ici une chance maximale, faute pour le liquidateur d’avoir renseigné la situation.
Le régime probatoire est clarifié avec précision. Après avoir visé l’article 1353 du code civil, la cour ajoute: « Il résulte de ce texte que la charge de la preuve de l’insuffisance d’actif pèse sur le liquidateur amiable lorsqu’il s’en prévaut ». En l’absence de comptes, de projets de comptes ou de pièces comptables, l’argument tenant à l’impossibilité de payer reste inopérant. La réparation est alors évaluée au montant de la créance provisionnelle non garantie, augmenté des accessoires admis, ce qui conduit à une indemnité cohérente au regard du risque créé.
Cette décision conforte les jalons d’un droit positif exigeant à l’égard des liquidateurs amiables. Elle érige l’obligation de provisionnement et le recours loyal aux procédures collectives en pivots de la diligence liquidative. Elle consacre, enfin, une méthode probatoire équilibrée qui évite de faire peser sur le créancier les conséquences d’une documentation défaillante.