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La procédure de surendettement des particuliers constitue un mécanisme protecteur dont le contentieux soulève régulièrement des questions relatives aux pouvoirs du juge et à la recevabilité des demandes formulées en appel. La cour d’appel de Reims, dans un arrêt du 2 septembre 2025, apporte des précisions utiles sur l’articulation entre les règles de procédure civile et le régime spécifique du surendettement.
En l’espèce, deux époux avaient bénéficié de mesures imposées par la commission de surendettement le 28 août 2018 prévoyant une mensualité de 1 248,90 euros sur 24 mois afin de leur permettre de vendre leur bien immobilier. À l’issue de ces mesures, ils déposèrent une nouvelle demande et furent déclarés recevables le 27 août 2020. Le 29 septembre 2023, la commission décida de mesures de rééchelonnement sur 95 mois avec une mensualité portée à 1 530,01 euros. Les débiteurs contestèrent ce montant qu’ils estimaient excessif. Par jugement du 14 mars 2025, le juge des contentieux de la protection de Charleville-Mézières confirma les mesures adoptées par la commission et maintint la mensualité contestée.
Les débiteurs interjetèrent appel le 25 mars 2025. Devant la cour, ils sollicitèrent à titre principal l’effacement de la créance bancaire d’un montant de 133 469,89 euros et subsidiairement la réduction de la mensualité à 800 euros. La cour souleva d’office la question de l’irrecevabilité de la demande d’effacement comme prétention nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile. Après renvoi, les débiteurs produisirent leurs conclusions de première instance établissant qu’ils avaient déjà formulé cette demande devant le premier juge.
La question posée à la cour était double. Il s’agissait d’abord de déterminer si une demande d’effacement de créance formulée en appel constituait une prétention nouvelle irrecevable lorsque le jugement de première instance ne l’avait pas mentionnée dans l’exposé du litige. Il convenait ensuite d’apprécier si la situation des débiteurs justifiait cette mesure ou une réduction de la mensualité.
La cour d’appel de Reims déclare recevable la demande d’effacement après avoir constaté, au vu des conclusions de première instance communiquées lors du renvoi, que cette prétention avait été formée devant le premier juge. L’arrêt, dont les motifs sont incomplets dans la décision soumise, devait ensuite statuer sur le bien-fondé des demandes au regard de la situation financière des débiteurs.
Cette décision mérite examen tant au regard de la recevabilité des prétentions en appel dans le contentieux du surendettement (I) que de l’office du juge dans l’appréciation des mesures de traitement (II).
I. La recevabilité des prétentions en appel soumise à la preuve de leur antériorité
La cour d’appel de Reims rappelle l’exigence procédurale de l’article 564 du code de procédure civile (A) avant d’en tirer les conséquences pratiques quant à la charge probatoire pesant sur les parties (B).
A. L’application de la prohibition des demandes nouvelles au contentieux du surendettement
L’article 564 du code de procédure civile dispose « qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions ». Cette règle générale trouve application dans le contentieux du surendettement malgré les particularités procédurales de cette matière. La cour d’appel de Reims fait une stricte application de ce principe en soulevant d’office l’irrecevabilité potentielle de la demande d’effacement.
Le contentieux du surendettement obéit pourtant à des règles dérogatoires. L’article R. 713-7 du code de la consommation prévoit que l’appel « est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire ». Cette procédure simplifiée ne dispense toutefois pas du respect des règles fondamentales gouvernant l’effet dévolutif de l’appel. La prohibition des demandes nouvelles constitue un principe d’ordre public procédural que le juge doit relever d’office.
La demande d’effacement de créance au titre de l’article L. 724-1 du code de la consommation représente une prétention substantiellement différente d’une simple contestation du montant de la mensualité. Elle implique la reconnaissance d’une situation irrémédiablement compromise et conduit à l’extinction définitive de la créance. La cour était donc fondée à s’interroger sur son caractère nouveau dès lors que le jugement de première instance n’en faisait aucune mention.
B. La primauté des conclusions écrites sur l’exposé du litige dans le jugement
La cour constate que les débiteurs « avaient déjà formé cette demande devant le premier juge » après communication des conclusions du 13 janvier 2025. Cette solution privilégie la réalité des écritures des parties sur la présentation qu’en fait le jugement entrepris. L’exposé du litige dans une décision de justice ne lie pas le juge d’appel quant à l’étendue des prétentions réellement soumises au premier juge.
Cette approche se justifie au regard du principe dispositif. Les parties déterminent l’objet du litige par leurs prétentions respectives et non par la retranscription qu’en fait le juge. Un exposé incomplet ou inexact dans le jugement ne saurait priver une partie du droit de voir sa demande examinée en appel. La cour procède ainsi à une vérification matérielle en examinant les pièces de la procédure de première instance.
La solution retenue impose toutefois aux parties une vigilance particulière. Elles doivent conserver et pouvoir produire leurs conclusions de première instance pour établir l’antériorité de leurs demandes. Cette exigence probatoire peut s’avérer contraignante dans une procédure sans représentation obligatoire où les justiciables interviennent fréquemment sans assistance. La cour d’appel de Reims accorde néanmoins aux débiteurs un renvoi pour leur permettre de rapporter cette preuve, manifestant ainsi une conception souple des droits de la défense.
II. L’étendue des pouvoirs du juge dans le traitement du surendettement
L’office du juge saisi d’une contestation des mesures imposées s’étend tant au contrôle de la régularité procédurale (A) qu’à l’appréciation du fond des mesures adaptées à la situation du débiteur (B).
A. Le contrôle de la recevabilité de l’appel et des demandes
La cour vérifie préalablement la recevabilité de l’appel au regard du délai de quinze jours prévu par l’article R. 713-7 du code de la consommation. Elle rappelle que « la date de réception d’une notification faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception est celle qui est apposée par l’administration des postes ». Le jugement notifié le 19 mars 2025 et l’appel interjeté le 25 mars 2025 respectaient ce délai bref caractéristique du contentieux du surendettement.
Ce contrôle d’office illustre le rôle directeur du juge dans cette procédure à caractère social. Le surendettement affecte des personnes souvent démunies face aux exigences procédurales. Le juge doit donc s’assurer de la régularité de la saisine avant tout examen au fond. La brièveté du délai d’appel répond à un impératif de célérité propre à cette matière où la situation financière des débiteurs commande une intervention rapide.
La cour exerce également son pouvoir de relever d’office l’irrecevabilité des demandes nouvelles. Cette initiative procédurale, expressément prévue par l’article 564 du code de procédure civile, témoigne d’une conception active de l’office du juge. Elle permet d’assurer le respect du double degré de juridiction en évitant que la cour statue pour la première fois sur une prétention.
B. L’appréciation des mesures adaptées à la capacité contributive du débiteur
L’article L. 733-13 du code de la consommation confère au juge le pouvoir de « prendre tout ou partie des mesures définies aux articles L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7 ». Ce texte lui reconnaît une latitude importante pour adapter le traitement du surendettement à la situation concrète du débiteur. La cour rappelle que « dans tous les cas, la part des ressources nécessaires aux dépenses » doit être préservée, même si la décision apparaît tronquée sur ce point.
Le débat opposait deux conceptions du traitement applicable. Les débiteurs invoquaient l’article L. 724-1 du code de la consommation permettant l’effacement des dettes en cas de situation irrémédiablement compromise. Le créancier bancaire soutenait que leur situation financière et patrimoniale ne justifiait pas cette mesure radicale. La possession d’un bien immobilier constituait vraisemblablement un obstacle à la reconnaissance du caractère irrémédiablement compromis de leur situation.
La mensualité de 1 530,01 euros fixée par la commission représentait une charge significative que les débiteurs contestaient. Leur demande subsidiaire de réduction à 800 euros impliquait un allongement corrélatif de la durée du plan ou un effacement partiel des créances. Le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation souverain pour déterminer la capacité contributive réelle du débiteur en fonction de ses ressources et charges incompressibles. Cette appréciation in concreto caractérise le contentieux du surendettement où chaque situation appelle une réponse individualisée.