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Rendue par la cour d’appel de Reims, chambre sociale, le 27 août 2025, la décision tranche un contentieux de licenciement économique après un jugement du conseil de prud’hommes de Charleville-Mézières. Le salarié, embauché en 1989, a été licencié en 2022 dans le cadre d’un plan. Les premiers juges ont requalifié la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, alloué divers montants et rejeté d’autres demandes. L’employeur a interjeté appel en critiquant le reclassement, l’indemnité de préavis et plusieurs postes indemnitaires. Le salarié a opposé, in limine litis, une irrecevabilité tirée de l’autorité de la chose jugée et, en subsidiaire, sollicité la réparation d’une inobservation des critères d’ordre. Les questions de droit portaient d’une part sur la portée de l’article 954 du code de procédure civile après sa réforme, et d’autre part sur la preuve du reclassement au sein d’un groupe, l’indemnité de préavis en cas d’acceptation d’un congé de reclassement, l’application des critères d’ordre, la sécurité et la formation. La cour rejette l’irrecevabilité, confirme l’absence de cause réelle et sérieuse pour manquement au reclassement, refuse l’indemnité de préavis, répare le préjudice lié aux critères d’ordre, et ordonne le remboursement des allocations de chômage dans la limite légale.
I. Effet dévolutif de l’appel et exigences de l’article 954 du code de procédure civile
A. Rejet de l’irrecevabilité et clarification du débat
La cour replace d’abord le débat sur son terrain exact en écartant l’autorité de la chose jugée comme fondement opérant. Elle énonce que «la discussion relative à l’irrecevabilité alléguée ne porte pas en effet sur la problématique de l’autorité de la chose jugée mais en réalité sur la portée de l’effet dévolutif de l’appel». L’office du juge d’appel se détermine au regard du périmètre des chefs critiqués et de la clarté du dispositif des conclusions, non à l’aune d’une fin de non-recevoir détournée de l’objet du litige procédural. De plus, la cour relève que le dispositif de l’appelant visait l’indemnité de préavis et que la déclaration d’appel mentionnait le chef relatif à la qualification du licenciement, ce qui circonscrivait suffisamment l’effet dévolutif.
Cette approche neutralise une stratégie contentieuse consistant à invoquer prématurément l’autorité de la chose jugée en appel. Elle rappelle que l’article 954 structure les écritures et ordonne l’examen des chefs critiqués, de sorte que l’irrecevabilité ne se déduit pas d’une lecture formaliste isolant le dispositif sans confronter la déclaration d’appel et l’économie des prétentions.
B. Référence suffisante aux chefs critiqués et contrôle du formalisme
La juridiction d’appel adopte une lecture raisonnable des exigences rédactionnelles. Elle affirme que «l’exigence posée par l’article 954 n’implique pas la reproduction littérale du chef du dispositif du jugement dans le dispositif des conclusions mais uniquement qu’il y soit fait référence». Elle ajoute que contraindre à la reprise textuelle «constituerait en effet un formalisme excessif au sens de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme». L’exigence de sécurité juridique se concilie avec l’accès effectif au juge, par la reconnaissance d’une référence claire aux chefs, sans ritualisme.
Cette solution, pleinement cohérente avec le principe du contradictoire, valorise la substance sur la forme. Elle entérine une discipline d’écriture suffisante pour guider l’effet dévolutif, tout en évitant qu’un excès formaliste ne neutralise l’examen au fond. Elle conforte l’office de la cour, appelée à connaître des chefs effectivement visés, sans transformer l’article 954 en piège procédural disproportionné.
II. Contrôle du licenciement économique et effets associés
A. Défaillance probatoire du reclassement et conséquences procédurales
S’agissant du fond, la cour rappelle les exigences de l’article L. 1233-4 et la charge probatoire pesant sur l’employeur. Elle constate que «il ne justifie pas avoir adressé à chacune de ces entités du groupe une demande relative à des possibilités de reclassement». Elle en déduit que «le jugement est dès lors confirmé, pour ce seul motif, en ce qu’il a requalifié la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse». La motivation est sobre et ferme: l’absence de justificatifs ciblés, couvrant l’ensemble des entités permutables du groupe, emporte l’illégalité du licenciement.
La décision illustre aussi le principe dispositif. La cour relève que le salarié n’a pas formulé de demande chiffrée alternative au titre du licenciement sans cause, et qu’elle ne peut allouer d’office. La rectification du quantum prononcé en première instance s’impose donc, malgré la confirmation de l’illégalité. Enfin, la cour ordonne, sur le fondement légal, le remboursement des allocations de chômage dans la limite de six mois, conséquence classique attachée à l’absence de cause réelle et sérieuse.
B. Statut des demandes connexes: préavis, critères d’ordre, sécurité et formation
L’indemnité de préavis est refusée en raison de l’acceptation d’un congé de reclassement. La cour retient que «dès lors, l’indemnité de préavis n’est pas due, dans la mesure où le salarié qui accepte un congé de reclassement bénéficie d’un préavis qu’il est dispensé d’exécuter et perçoit pendant sa durée la montant de sa rémunération». Cette affirmation, adossée à la jurisprudence, rappelle la logique substitutive attachée au congé de reclassement, qui exclut le cumul avec l’indemnité de préavis.
La demande subsidiaire fondée sur l’inobservation des critères d’ordre prospère. La cour rappelle qu’«il appartient à l’employeur, en cas de contestation sur l’application des critères d’ordre, de communiquer au juge les données objectives, précises et vérifiables sur lesquelles il s’est appuyé». Les pièces produites ne permettaient pas la vérification du classement opéré, de sorte que la réparation est accordée et calibrée en fonction du préjudice lié à la perte d’emploi. La formule «il y a lieu de condamner l’employeur à payer la somme de 25 000 euros de dommages et intérêts» consacre un chef autonome, non cumulable avec l’indemnisation du licenciement sans cause.
Les demandes relatives à la sécurité et à la formation sont, pour l’essentiel, rejetées. Sur la sécurité, la cour constate que «le salarié échoue dans la charge de l’allégation de faits qui laisseraient supposer un manquement à son égard de l’employeur à son obligation de sécurité». Sur la formation, la justification d’environ quatre cents heures conduit à ce que «la cour en déduit qu’il a ainsi rempli, compte tenu de l’ancienneté du salarié, son obligation en cette matière». Le contrôle demeure exigeant mais strictement probatoire, écartant les allégations générales dépourvues de pièces.
L’arrêt combine ainsi une exigence procédurale mesurée et un contrôle matériel rigoureux. Il sécurise l’accès au fond par une interprétation non formaliste de l’article 954, et rappelle la densité probatoire requise en matière de reclassement et de critères d’ordre. Ces choix, cohérents avec les principes du procès équitable et du droit du travail, tracent une ligne claire entre la forme nécessaire et la substance décisive.