Cour d’appel de Reims, le 27 août 2025, n°24/01828

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La Cour d’appel de Reims, le 27 août 2025, statue sur l’appel d’un jugement du conseil de prud’hommes de Charleville-Mézières du 19 novembre 2024. Un salarié, engagé en 1982 et licencié pour motif économique en 2022, avait obtenu la requalification du licenciement en absence de cause réelle et sérieuse. L’employeur conteste, notamment sur le reclassement, tandis que le salarié forme des demandes indemnitaires complémentaires et oppose des fins de non-recevoir relatives à la portée de l’appel.

La cour traite d’abord la question procédurale de la recevabilité des critiques au regard de l’article 954 du code de procédure civile et de l’autorité de la chose jugée. Elle aborde ensuite le fond du licenciement économique, en contrôlant l’exécution de l’obligation de reclassement dans le groupe et l’application des critères d’ordre, ainsi que les demandes relatives à la sécurité et à la formation.

I. Recevabilité des critiques et portée de l’article 954 du code de procédure civile

A. L’autorité de la chose jugée écartée au profit de l’effet dévolutif de l’appel
Le moyen tiré de l’autorité de la chose jugée est d’abord neutralisé. D’un côté, la cour relève que la demande d’indemnité de préavis n’a pas été accueillie en première instance, de sorte que «sa demande d’irrecevabilité manque donc en fait». De l’autre, elle précise le véritable terrain du débat en indiquant que «la discussion relative à l’irrecevabilité alléguée ne porte pas en effet sur la problématique de l’autorité de la chose jugée mais en réalité sur la portée de l’effet dévolutif de l’appel». Cette précision recentre utilement l’analyse sur le respect, par l’appelant, des exigences du dispositif des conclusions et non sur une prétendue cristallisation du jugement.

Cette clarification éclaire la logique de l’arrêt. En examinant le contenu de la déclaration d’appel et du dispositif des écritures, la cour constate que le chef «requalifié la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse» a été visé. Elle admet donc l’ouverture de la critique d’appel sur ce point, car la référence au chef attaqué ressort suffisamment des conclusions, même si la formulation n’en reproduit pas la teneur littérale.

B. L’exigence de l’article 954 interprétée sans formalisme excessif
La cour rappelle le texte issu du décret du 29 décembre 2023, selon lequel «Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens et un dispositif dans lequel l’appelant indique s’il demande l’annulation ou l’infirmation du jugement et énonce, s’il conclut à l’infirmation, les chefs du dispositif du jugement critiqués». Elle en déduit que l’identification du chef critiqué doit ressortir du dispositif, mais que la lettre du chef n’a pas à être reproduite.

Le contrôle de proportionnalité est explicite lorsque la cour énonce qu’«Imposer une reproduction littérale du chef critiqué du dispositif du jugement constituerait en effet un formalisme excessif au sens de l’article 6 de la convention européenne». L’interprétation protège le droit d’accès au juge et la finalité de l’appel, sans sacrifier l’exigence de clarté des prétentions. La solution est cohérente avec l’économie de l’article 954 et une conception finaliste de l’effet dévolutif.

II. Licenciement économique: obligation de reclassement et critères d’ordre

A. La preuve du reclassement intragroupe exigée de manière concrète et exhaustive
Au fond, la cour rappelle qu’un manquement à l’obligation préalable de reclassement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, la charge de la preuve incombant à l’employeur. Ici, si des postes ont été listés et portés à la connaissance du salarié, la démonstration d’une recherche effective dans l’ensemble du groupe fait défaut. Le considérant est net: «il ne justifie pas avoir adressé à chacune de ces entités du groupe une demande relative à des possibilités de reclassement». La formulation centrale confirme la sanction: «l’employeur ne justifie pas avoir respecté ses obligations en matière de reclassement».

Cette exigence probatoire confirme une jurisprudence constante sur le reclassement intragroupe, qui ne se satisfait ni d’énumérations partielles ni d’une information générale des salariés. L’arrêt ajoute un enseignement procédural marquant: faute de demande chiffrée dans le dispositif des écritures du salarié, «La cour ne peut donc pas lui allouer d’office des dommages et intérêts, qui ne sont pas demandés». La rigueur de l’article 954 irrigue ainsi le contentieux du fond, invitant les plaideurs à une formulation exhaustive de leurs prétentions.

B. Les critères d’ordre: données vérifiables et réparation autonome du préjudice
La cour examine ensuite l’application des critères d’ordre. Elle rappelle qu’«il appartient à l’employeur, en cas de contestation, de communiquer au juge les données objectives, précises et vérifiables» ayant conduit au choix des personnes licenciées (Cass. soc., 18 juin 2025, n° 24-17.097). Elle ajoute que «l’inobservation des règles relatives à l’ordre des licenciements n’a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse mais constitue une illégalité […] intégralement réparée, sans cumul, par une indemnité spécifique» (Cass. soc., 6 avril 2016, n° 14-29.820).

Au regard des pièces, la cour constate que l’accord collectif définit des critères, mais que leur application n’est pas étayée par des éléments «vérifiables». Elle le dit en ces termes: «l’employeur communique des données objectives et précises […] mais qui ne sont pas vérifiables en ce qui concerne la détermination des personnes licenciées». En conséquence, l’indemnisation du préjudice né de l’inobservation des règles d’ordre est accordée, la cour retenant la perte d’emploi compte tenu de l’âge et de l’ancienneté. Cette réparation autonome illustre l’articulation classique entre cause du licenciement et respect des règles d’ordre, chacune produisant des effets propres.

Les autres demandes sont appréciées sans excès. L’allégation d’un manquement à l’obligation de sécurité est rejetée, la cour relevant que «le salarié procède par de simples allégations générales […] sans fournir aucune pièce ou attestation». Le grief relatif à la formation échoue également, dès lors que «le salarié a bénéficié de différentes formations, à hauteur de plus de 100 heures». Enfin, la cour ordonne le remboursement des allocations de chômage dans la limite légale et statue sur les frais irrépétibles et dépens avec mesure, conformément aux prétentions effectivement soumises.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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