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Rendue par la cour d’appel de Reims, chambre sociale, le 27 août 2025, la décision statue sur un licenciement économique et plusieurs incidences procédurales. Elle confronte, d’une part, l’exigence de précision du dispositif d’appel au sens de l’article 954 du code de procédure civile. Elle tranche, d’autre part, la conformité des diligences de reclassement au regard de l’article L 1233-4, ainsi que des demandes accessoires.
Le salarié, embauché en 1978, a été licencié pour motif économique à l’été 2022. L’employeur invoquait une recherche de postes disponibles dans l’ensemble du groupe, y compris à l’étranger, ainsi que la mise en place d’un dispositif d’accompagnement, comprenant un congé de reclassement. Le salarié arguait d’une carence probatoire sur la recherche effective de reclassement au sein des entités du groupe, et sollicitait, outre la requalification, diverses indemnités complémentaires.
Par jugement du 19 novembre 2024, le conseil de prud’hommes a «requalifié la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse», fixé le salaire de référence et alloué des dommages et intérêts. L’employeur a interjeté appel en critiquant la requalification. L’intimé a soulevé in limine litis une fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée, au motif que les conclusions d’appel ne reprenaient pas littéralement le chef critiqué du dispositif.
La cour écarte la fin de non-recevoir, retenant que «la référence à cet article 1355 du code civil est inopérante». Elle centre le débat sur l’article 954, en rappelant que «Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens et un dispositif […] énonce, s’il conclut à l’infirmation, les chefs du dispositif du jugement critiqués». Sur le fond, elle confirme l’absence de cause réelle et sérieuse pour défaut de justification de la recherche de reclassement dans toutes les entités du groupe. Elle refuse l’indemnité de préavis en présence d’un congé de reclassement, au visa d’une jurisprudence sociale constante, et rejette les demandes formées au titre de la formation et du préjudice moral au regard de l’article 954, alinéa 3.
I. L’office de la cour et l’article 954 du code de procédure civile
A. Dispositif d’appel, chefs critiqués et formalisme raisonnable
L’arrêt replace la discussion au bon endroit, en substituant au terrain de l’autorité de la chose jugée celui de l’effet dévolutif et de la structuration des écritures. Il affirme avec netteté que «la référence à cet article 1355 du code civil est inopérante». La question est celle de l’énonciation des chefs critiqués dans le dispositif des conclusions au sens de l’article 954.
La cour cite le texte en sa teneur pertinente: «Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens et un dispositif dans lequel l’appelant indique s’il demande l’annulation ou l’infirmation du jugement et énonce, s’il conclut à l’infirmation, les chefs du dispositif du jugement critiqués, et dans lequel l’ensemble des parties récapitule leurs prétentions». Elle en tire une exigence de référence, non de reproduction à l’identique. La formulation est assurée et mesure l’office du juge d’appel: «Imposer une reproduction littérale du chef critiqué du dispositif du jugement constituerait en effet un formalisme excessif au sens de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme».
Cette lecture concilie la sécurité des échanges contradictoires et le droit d’accès au juge. La déclaration d’appel visait le chef pertinent et les conclusions d’appel exprimaient, sans ambiguïté, la critique de la requalification pour manquement au reclassement. La cour constate, sans dénaturation, l’existence d’un renvoi suffisamment explicite, de sorte que l’effet dévolutif joue sans rigidité inutile. Le contrôle opéré demeure réel mais proportionné, ce qui prévient des fins de non-recevoir artificielles.
B. Délimitation de la saisine et articulation motifs/dispositif
La cour affirme parallèlement la rigueur nécessaire de la saisine sur d’autres chefs incidentiels. Elle rappelle le principe textuel, dont la régularité structure le débat: «La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion». Ainsi, la demande chiffrée au titre d’un préjudice moral, non soutenue par des moyens dans les motifs, ne saisissait pas la juridiction. Symétriquement, une prétention fondée en discussion mais absente du dispositif échappait au champ du litige.
Cette solution, procéduralement exigeante, sécurise l’office du juge et la lisibilité des prétentions. L’arrêt opère un double mouvement: souplesse sur l’énonciation des chefs critiqués, fermeté sur la concordance nécessaire entre dispositif et discussion. L’équilibre adopté renforce l’efficacité des écritures tout en évitant une sanction disproportionnée, conformément aux exigences du procès équitable.
II. L’obligation de reclassement dans le licenciement économique
A. Cadre légal, périmètre de recherche et charge probatoire
La cour rappelle les termes du droit positif, qui gouvernent la validité du licenciement économique. Elle énonce que «le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel». La charge de la preuve du respect de cette obligation préalable pèse sur l’employeur. Le manquement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
L’arrêt précise le périmètre opérationnel de la recherche: toutes les entités du groupe, en France au minimum, sont concernées lorsque la permutation du personnel est possible. La simple existence d’une liste de postes consolidée ou d’un dispositif de mobilité externe ne suffit pas. L’employeur doit établir des démarches effectives et ciblées, adressées à chaque entité, de nature à renseigner la disponibilité des postes appropriés.
B. Appréciation concrète des diligences et conséquences attachées
Le contrôle probatoire est serré. La cour constate que, malgré des propositions adressées au salarié, «il ne justifie pas avoir adressé à chacune de ces entités du groupe une demande relative à des possibilités de reclassement». Elle ajoute que «la mention dans les lettres, adressées au salarié, de propositions de reclassement de l’existence de postes disponibles dans certaines seulement de ces entités ne permettant pas de pallier cette absence de justificatifs». La carence documentaire n’est donc pas compensée par la communication de listes non rattachées à des démarches actives auprès de toutes les sociétés pertinentes.
La conclusion s’impose avec netteté: «En conséquence, la cour retient que l’employeur ne justifie pas avoir respecté ses obligations en matière de reclassement». La requalification du licenciement sans cause réelle et sérieuse est confirmée, le salaire de référence maintenu, et l’indemnisation évaluée en considération de l’ancienneté et de la situation du salarié. S’y ajoute l’application de l’article L 1235-4 du code du travail, conduisant au remboursement à l’organisme public compétent des allocations versées dans la limite légale.
Les demandes accessoires connaissent un sort différencié. D’abord, l’indemnité de préavis n’est pas due en présence d’un congé de reclassement régulièrement accepté, la cour rappelant que «Dès lors, l’indemnité de préavis n’est pas due, dans la mesure où le salarié qui accepte un congé de reclassement bénéficie d’un préavis qu’il est dispensé d’exécuter et perçoit pendant sa durée la montant de sa rémunération (soc., 17 décembre 2013, n° 12-27.202)». Ensuite, l’obligation de formation est réputée satisfaite au regard de soixante-dix heures effectivement dispensées, compte tenu de l’ancienneté considérable. Enfin, les prétentions au titre du préjudice moral sont écartées au regard de la stricte application de l’article 954, alinéa 3, dès lors que la discussion ne soutenait pas la prétention énoncée au dispositif.
L’économie de la décision reste cohérente: contrôle normatif vigilant de l’obligation de reclassement, cohérence procédurale sur la saisine, et mesure dans le traitement des demandes périphériques. La solution, conforme à la ligne jurisprudentielle, renforce l’exigence probatoire pesant sur l’employeur, sans superposer des contraintes formalistes excessives au stade de l’appel.