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La Cour d’appel de Reims, chambre sociale, statue le 27 août 2025 sur un licenciement économique et l’application de l’article 954 du code de procédure civile. L’arrêt confronte la recevabilité des prétentions au regard du dispositif des conclusions et la preuve du reclassement au sein d’un groupe.
Un salarié engagé en 1980 a été licencié pour motif économique en 2022, à la suite d’une réorganisation invoquée par l’employeur. Le Conseil de prud’hommes de Charleville-Mézières, le 19 novembre 2024, a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement a notamment « requalifié la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse » et alloué une indemnité, rejetant certaines demandes accessoires.
L’employeur a interjeté appel, tandis que le salarié soulevait une fin de non‑recevoir fondée sur l’autorité de la chose jugée. La discussion portait en réalité sur la portée de l’effet dévolutif et le respect des exigences du nouvel article 954 du code de procédure civile. La cour a mis la question dans le débat en délibéré et recueilli les notes des conseils avant de trancher.
Deux séries de questions se posaient, l’une procédurale, l’autre substantielle, touchant respectivement au périmètre de l’appel et à l’obligation de reclassement. Sur le fond, la cour a confirmé l’absence de cause réelle et sérieuse, tout en précisant le régime du préavis en cas de congé de reclassement.
I. L’article 954 du code de procédure civile et l’effet dévolutif de l’appel
A. L’inopérance de l’autorité de la chose jugée
La cour écarte le terrain de l’autorité de la chose jugée, relevant que le débat concerne l’étendue de l’effet dévolutif et les prescriptions du texte. « La discussion relative à l’irrecevabilité alléguée ne porte pas en effet sur la problématique de l’autorité de la chose jugée mais en réalité sur la portée de l’effet dévolutif de l’appel et, plus précisément, sur les prescriptions posées par l’article 954, alinéa 2 du code de procédure civile ». En consacrant ce cadre, la juridiction s’aligne sur l’esprit du décret du 29 décembre 2023 et clarifie la nature de l’exception soulevée.
Le texte visé est rappelé en ces termes : « Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens et un dispositif dans lequel l’appelant indique s’il demande l’annulation ou l’infirmation du jugement et énonce, s’il conclut à l’infirmation, les chefs du dispositif du jugement critiqués, et dans lequel l’ensemble des parties récapitule leurs prétentions ». La déclaration d’appel visait explicitement le chef de requalification, et le dispositif des conclusions s’y référait sans équivoque, ce que la cour retient.
B. La désignation suffisante des chefs critiqués et le refus du formalisme excessif
La juridiction admet qu’une désignation non littérale des chefs critiqués suffit dès lors qu’elle ne prête pas à confusion. « L’exigence posée par l’article 954 n’implique pas la reproduction littérale du chef du dispositif du jugement dans le dispositif des conclusions mais uniquement qu’il y soit fait référence ». Elle ajoute, de manière décisive : « Imposer une reproduction littérale du chef critiqué du dispositif du jugement constituerait en effet un formalisme excessif au sens de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme ».
La solution concilie sécurité procédurale et exigence d’un procès équitable, tout en rappelant aux praticiens la centralité du dispositif dans la saisine de la cour. Elle encourage des dispositifs précis et intelligibles, sans ériger la reproduction à l’identique en condition de recevabilité, ce qui favoriserait des fins de non‑recevoir purement formalistes.
II. L’obligation de reclassement dans le licenciement économique et son contrôle
A. L’étendue de la recherche au sein du groupe et la preuve attendue
La cour rappelle l’article L. 1233‑4 du code du travail, qui conditionne le licenciement à l’impossibilité de reclassement sur les emplois disponibles dans l’entreprise et les entreprises du groupe situées sur le territoire national. La charge de la preuve incombe à l’employeur, et un manquement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
Au regard des échanges produits, la juridiction constate l’insuffisance des justifications relatives aux démarches auprès de chacune des entités concernées. Elle énonce que « il ne justifie pas avoir adressé à chacune de ces entités du groupe une demande relative à des possibilités de reclassement ». Puis elle conclut sans ambiguïté : « En conséquence, la cour retient que l’employeur ne justifie pas avoir respecté ses obligations en matière de reclassement, faute de justifier avoir demandé à chaque entité du groupe s’il y avait des postes de reclassement envisageables ».
La distinction opérée est nette entre la communication au salarié d’offres repérées et la preuve, autonome, d’une sollicitation systématique de chaque entité du groupe. La solution s’inscrit dans une jurisprudence constante exigeant des démarches traçables et exhaustives, y compris lorsque des listes de postes et des dispositifs d’accompagnement ont été proposés ou validés administrativement.
B. Les effets contentieux: absence de cause, préavis, formation et demandes mal articulées
La conséquence première demeure la confirmation de l’absence de cause réelle et sérieuse, avec une indemnisation appréciée selon l’ancienneté et la situation du salarié. Il en résulte aussi l’obligation de rembourser, dans la limite légale, les allocations de chômage versées par l’institution compétente, en application de l’article L. 1235‑4.
S’agissant du préavis, la cour applique la solution jurisprudentielle bien établie. Elle retient que « Dès lors, l’indemnité de préavis n’est pas due, dans la mesure où le salarié qui accepte un congé de reclassement bénéficie d’un préavis qu’il est dispensé d’exécuter et perçoit pendant sa durée le montant de sa rémunération (soc., 17 décembre 2013, n° 12-27.202) ». Le raisonnement reste cohérent avec la logique du congé de reclassement, dont la validité n’était pas discutée.
La demande fondée sur l’obligation de formation est écartée au vu des actions réalisées, appréciées au regard de l’ancienneté. Quant à la demande principale pour préjudice moral et la prétention distincte relative à un préjudice financier, la cour rappelle la rigueur de la structuration des écritures : « La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion ». La discordance relevée entre motifs et dispositif conduit à ne pas statuer, d’où la confirmation du rejet.
L’économie de l’arrêt se révèle ainsi cohérente : rigueur probatoire sur le reclassement, souplesse mesurée sur l’identification des chefs critiqués, et rappel ferme des exigences de l’article 954 quant à la présentation des prétentions.