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La procédure d’appel en droit social impose aux parties une rigueur formelle dont le non-respect emporte des conséquences irrémédiables. L’arrêt rendu par la cour d’appel de Reims le 3 juillet 2025, statuant comme juridiction de renvoi après cassation, illustre avec netteté cette exigence.
Une salariée avait été engagée par une association en qualité de vacataire d’enseignement. Contestant la nature de sa relation de travail, elle avait saisi le conseil de prud’hommes de Nancy aux fins de voir requalifier son contrat cadre de vacation en contrat à durée indéterminée et obtenir diverses indemnités consécutives à la rupture de la relation contractuelle. Par jugement du 8 février 2021, le conseil de prud’hommes avait partiellement fait droit à ses demandes, lui allouant notamment des dommages-intérêts pour non-respect de ses droits électoraux, de son droit à la formation et de son droit à bénéficier d’une mutuelle d’entreprise, tout en rejetant sa demande de requalification. La salariée avait interjeté appel le 9 mars 2021. Elle avait déposé des conclusions le 8 juin 2021, puis de nouvelles conclusions le 9 septembre 2021. La cour d’appel de Nancy avait rendu un arrêt le 24 février 2022. Sur pourvoi de l’association, la Cour de cassation avait, par arrêt du 11 septembre 2024, cassé et annulé cette décision en toutes ses dispositions et renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Reims. L’association avait alors saisi la cour de renvoi le 21 novembre 2024, demandant à titre principal que les prétentions de la salariée soient déclarées irrecevables pour défaut d’effet dévolutif de l’appel.
La question soumise à la cour d’appel de Reims était la suivante : le dispositif des conclusions d’appelant déposées dans le délai de l’article 908 du code de procédure civile devant la cour d’appel initialement saisie, qui ne comporte aucune demande expresse d’infirmation ou d’annulation du jugement, permet-il à la cour de renvoi de statuer autrement qu’en confirmant la décision entreprise ?
La cour d’appel de Reims confirme le jugement du conseil de prud’hommes. Elle rappelle que « le dispositif des conclusions de l’appelante remises dans le délai de l’article 908 doit comporter une prétention sollicitant expressément l’infirmation ou l’annulation du jugement frappé d’appel ». Elle précise que « la cour d’appel demeure saisie des conclusions remises à la cour d’appel initialement saisie » et constate que les écritures du 8 juin 2021 « ne tendent à l’infirmation d’aucune disposition du jugement ni à son annulation, peu important à cet effet qu’une mention d’infirmation ait figuré dans sa déclaration d’appel ».
Cet arrêt met en lumière l’exigence formelle du dispositif des conclusions d’appel (I) et ses effets définitifs dans le cadre du renvoi après cassation (II).
I. L’exigence formelle du dispositif des conclusions d’appel
La cour d’appel de Reims rappelle avec fermeté l’articulation entre les articles 908 et 954 du code de procédure civile (A), avant de préciser la portée de la mention d’infirmation dans la déclaration d’appel (B).
A. L’articulation entre les articles 908 et 954 du code de procédure civile
La cour d’appel de Reims énonce que « l’objet du litige devant la cour d’appel étant déterminé par les prétentions des parties, le respect de l’obligation faite à l’appelante de conclure conformément à l’article 908 s’apprécie nécessairement en considération des prescriptions de l’article 954 ». Cette formulation reprend la jurisprudence désormais établie de la Cour de cassation depuis les arrêts du 17 septembre 2020.
L’article 908 impose à l’appelant de conclure dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel. L’article 954, alinéa 2, exige que les conclusions comportent un dispositif récapitulant les prétentions. La cour d’appel de Reims lie ces deux textes : le respect du premier s’apprécie au regard du second. Cette lecture combinée confère au dispositif des conclusions une fonction déterminante. Il ne suffit plus de conclure dans le délai ; encore faut-il que le dispositif contienne les mentions requises.
La sanction est clairement énoncée : « À défaut, en application de l’article 908, la déclaration d’appel est caduque ou, conformément à l’article 954 alinéa 3, la cour d’appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif, ne peut que confirmer le jugement. » La cour dispose ainsi d’une alternative : relever d’office la caducité ou confirmer le jugement. En l’espèce, elle choisit la seconde option.
B. L’insuffisance de la mention d’infirmation dans la déclaration d’appel
La salariée soutenait que sa déclaration d’appel « mentionnait qu’elle tendait à voir infirmer le jugement en détaillant les chefs du dispositif du jugement dont il était recherché l’anéantissement ». La cour d’appel de Reims écarte cet argument de manière catégorique. Elle relève que les conclusions du 8 juin 2021 « ne tendent à l’infirmation d’aucune disposition du jugement ni à son annulation, peu important à cet effet qu’une mention d’infirmation ait figuré dans sa déclaration d’appel ».
Cette solution s’inscrit dans la logique de la réforme de la procédure d’appel. La déclaration d’appel et les conclusions sont deux actes distincts ayant des fonctions différentes. La première saisit la cour et délimite l’étendue de la dévolution. Les secondes fixent les prétentions des parties. La mention d’infirmation dans la déclaration d’appel ne dispense pas l’appelant de réitérer cette demande dans le dispositif de ses conclusions. Le formalisme procédural trouve ici sa pleine expression.
La cour de renvoi devait examiner si les conclusions initiales respectaient les exigences formelles. Elle constate qu’elles ne comportaient aucune demande d’infirmation dans leur dispositif. Cette carence est irrémédiable.
II. Les effets du renvoi après cassation sur l’appréciation des conclusions
La cour d’appel de Reims précise le régime procédural applicable devant la juridiction de renvoi (A) et en tire les conséquences sur l’appréciation des conclusions litigieuses (B).
A. La continuité de l’instance devant la cour de renvoi
La cour d’appel de Reims rappelle que « lorsque la connaissance d’une affaire est renvoyée à une cour d’appel par la Cour de cassation, ce renvoi n’introduit pas une nouvelle instance ». Elle précise que « la cour d’appel de renvoi étant investie, dans les limites de la cassation intervenue, de l’entier litige, tel que dévolu à la juridiction dont la décision a été cassée, l’instruction étant reprise en l’état de la procédure non atteinte par la cassation ».
Cette analyse repose sur l’article 1037-1 du code de procédure civile. La cassation anéantit l’arrêt mais non les actes de procédure antérieurs. Les conclusions déposées devant la cour d’appel de Nancy demeurent donc valables et saisissent la cour de Reims. La salariée ne pouvait prétendre régulariser sa situation en déposant de nouvelles conclusions devant la cour de renvoi.
La cour d’appel de Reims en déduit que « la cassation de l’arrêt n’anéantit pas les actes et formalités de la procédure antérieure et la cour d’appel demeure saisie des conclusions remises à la cour d’appel initialement saisie ». Cette règle est favorable à la continuité procédurale mais défavorable à l’appelant négligent.
B. L’appréciation des conclusions au regard du délai initial
La cour d’appel de Reims indique que « l’appréciation du respect par l’appelante des dispositions de l’article 908 du code de procédure civile se fait au regard des conclusions déposées dans le délai légal de trois mois devant la cour initialement saisie ». Cette précision est déterminante. Le délai de trois mois court à compter de la déclaration d’appel devant la première cour d’appel. La salariée avait interjeté appel le 9 mars 2021. Elle devait donc conclure au plus tard le 9 juin 2021.
Ses premières conclusions avaient été déposées le 8 juin 2021, soit la veille de l’expiration du délai. La cour constate que ces écritures, « qui sont les seules notifiées dans ledit délai », ne contenaient aucune demande d’infirmation dans leur dispositif. Les conclusions du 9 septembre 2021, qui auraient pu comporter cette mention, étaient tardives au regard de l’article 908.
La salariée avait tenté de soutenir que « l’article 910-4 du code de procédure civile, qui impose la concentration des prétentions dès les premières conclusions, n’a pas vocation à s’appliquer strictement dans le cadre d’une procédure de renvoi après cassation ». La cour rejette implicitement cet argument. Le renvoi après cassation ne permet pas de régulariser une irrégularité commise lors de la procédure initiale. La conséquence est la confirmation intégrale du jugement de première instance.